"On est tous le boomer de quelqu'un d'autre."
Elle est de retour, la plus grande improbabilité du metal extrême norvégien. Si avec le recul le terrain avait été préparé avec Vinteroffer (2014) et Violator (2016), c’est vraiment avec son troisième album Viperous (2020) que Vredehammer a explosé, en devenant réellement un groupe de « tech black », presque le premier du genre, plus ou moins assumé. Outre le mélange de techno-death et de black pratiqué par Asmodée en son temps, Vredehammer a créé quelque chose d’unique, et si un touché tech death peut se retrouver dans sa musique, le projet de Per Valla est aisément qualifiable de « black technique » sachant que les éléments black metal sont nombreux et évidents (trémolos, ambiance, chant…). Antinomique diriez-vous ? Non, la mixture marche du tonnerre et le tonitruant Viperous était là pour le prouver. Des disciples ont même commencé à apparaître avec Fleshmeadow et Wrath Of Logarius. Quoi qu’on en pense et peu importe le qualificatif qu’on lui donne, la musique de Vredehammer a largement franchi le rubicond du « black moderne » et semble s’assumer à 100%. Cela ne doit donc pas s’arrêter en si bon chemin, à peine Viperous digéré qu’on en demandait encore, et il aura fallu quand même attendre quatre ans pour que cette tuerie ait un successeur. Voilà donc le quatrième album de Vredehammer, qui abandonne la dénomination en un mot en V pour choisir le sobriquet très métale de God Slayer. Vredehammer va-t-il donc changer son fusil d’épaule, revenir finalement à un black plus traditionnel et fondamental ? Certainement pas ! Va-t-il encore plus embrasser la pure modernité et continuer à casser les barrières ? Non plus, mais…
God Slayer (en deux mots même s’ils semblent liés sur la pochette) va se placer dans la lignée de Viperous, ni plus ni moins. Si on devrait toutefois préciser la direction ou lister les évolutions, elles seront au nombre de deux : premièrement, la production est plus claire et puissante que jamais (Viperous souffrait d’un mastering un peu faiblard, Jacob Hansen rempile ici et il semble avoir corrigé le tir) ; deuxièmement, on est vraiment dans la lignée des morceaux les plus furibonds et techniques du précédent album comme « Winds of Dysphoria », « Aggressor » ou « In Shadows », en délaissant les morceaux un peu plus frontaux et black metal comme « Suffocate All Light », « Skinwalker » ou « Wounds ». Ce sera maintenant une déferlante de riffs techniques rangés devenus bien vite caractéristiques de Vredehammer, avec toute la panoplie héritée des débuts et de Viperous, avec ces trémolos et arpèges vicieux ainsi que ces synthés lugubres que l’on retrouve dès l’« Intro » de ce God Slayer. Et en quatre ans, Per Valla a eu le temps de pondre de sacrées compos et autant dire que ce nouvel album sera particulièrement inspiré - ici avec l’aide du batteur Dominator (Nordjevel, 1349 sur scène, ex-Dark Funeral), excusez du peu. On est donc parti pour huit nouveaux morceaux pour 38 minutes de black metal survitaminé, ce qui n’est peut-être pas long (dans les standards du groupe certes) mais convient bien à cette musique tout de même assez dense. « From the Abyss » démarre donc vraiment God Slayer sur les chapeaux de roue, avec des riffs thrashy ultra efficaces d’emblée, avant que Vredehammer ne se laisse aller à des ralentissements bien evil pour une partie finale très percutante. Le tableau est déjà presque complet, le projet norvégien est en grande forme et ce God Slayer s’annonce comme une bonne grosse claque qui a pourtant la lourde charge de succéder à Viperous.
Alors certes, l’effet de surprise a quelque peu disparu, et aux premières écoutes on se dit surtout que c’est juste du nouveau Vredehammer. Mais l’essence de God Slayer va finir par se faire ressentir et si cet album ne surpasse pas son prédécesseur, il va le bonifier et enfoncer le clou. Un « The Joker », bien que classique, est particulièrement jouissif et montre que la recette Vredehammer fonctionne toujours à merveille avec des riffs démonstratifs qui s’enchaînent et nous entraînent facilement. Et God Slayer est même suffisamment varié pour que chaque piste retienne l’attention. Si le morceau-titre joue sur un tempo plus soutenu sans perdre en efficacité (avec même une sorte de break épique), « The Dragons Burn » cartonne quant à lui avec des compos absolument irrésistibles. « Blood of Wolves » est ultra-rapide et offre encore quelques riffs tech diablement mordants, tandis que « Death Becomes the New Day » joue plus sur les ambiances tout en alignant des plans de guitare imprévisibles. Et si un « Product Human Slave » est plus rythmé et moderne que jamais (les breaks au synthé sont savoureux), « Obliterator » finit God Slayer en beauté avec un dernier étalage de riffs absolument imparables. Un des nouveaux hits à mettre au crédit de Vredehammer qui nous livre de nouveau une bonne grosse tuerie des familles, tout en trouvant définitivement sa voie. Celle d’un projet qui ne fait presque rien comme les autres et entérine avec une efficacité de tous les instants son « black technique ». Certes, il faudra toujours relativiser, on est pas chez Archspire non plus. Mais cette frénésie contenue, la réussite de l’ensemble, et bien sûr ces compos nettement plus travaillées que la moyenne black metal, demeurent un sacré tour de force. Peu, voire rien à reprocher à ce monstrueux God Slayer (bon si, une pochette un peu kitsch et même hors sujet), on attendait Vredehammer au tournant et rien à dire il maîtrise. Au diable le black cracra, au diable le tech death qui en fait des tonnes, le « tech black » de Vredehammer existe et c’est une grosse déglingue.
Tracklist de God Slayer :
1. Intro (1:06)
2. From the Abyss (5:12)
3. The Joker (4:51)
4. God Slayer (5:04)
5. The Dragons Burn (4:17)
6. Blood of Wolves (5:11)
7. Death Becomes the New Day (4:27)
8. Product Human Slave (4:42)
9. Obliterator (3:49)