Punkach' renégat hellénophile.
Cela paraît contre-intuitif, mais les groupes de la première vague du black metal hellénique ne composaient que très peu sur le passé historique et mythique de leur pays. Necromantia, Varathron, ou encore le Rotting Christ des débuts trouvaient tous leur inspiration dans un occultisme très chargé de lourdes fumées, et les thèmes nationaux - voire nationalistes - ne sont arrivés qu'après. L'exception, c'est Kawir, qui chante les divinités et les mythes de la Grèce sans interruption depuis 1993.
Le groupe, qui a vu passer nombre d'acteurs influents de la scène grecque, mais qui est devenu progressivement le projet très personnel de Therthonax, reste encore assez actif après une si longue carrière, pourtant toujours aux franges de l'underground. Après un album en 2020, Adrásteia, et un gros EP en 2022 nommé War of the Giants, voici donc son neuvième full length, Kydoimos. Au passage, cette sortie fait plaisir, car Thertonax a subi de gros ennuis de santé, ces dernières années. War of the Giants était d'ailleurs sorti dans ce contexte, dans l'espoir de ramener quelques oboles pour aider le chanteur/guitariste à se remettre sur pied. On lui souhaite donc d'aller beaucoup mieux.
Côté écriture, celui-ci se recentre, avec quelques digressions, sur le cycle de Troie en général et sur la lutte à mort entre Hector et Achille en particulier, jusqu'à la fin de ce dernier, foudroyé au sommet de sa gloire comme en avait décidé le destin. Un thème plutôt connu donc, mais qui se prête bien à la volonté de Terthonax de dédier chacun des derniers albums en date de Kawir à de grandes histoires de vengeance ; ici dans un contexte guerrier qui en influence les compositions, plutôt directes, dans un black metal dénué de la plupart de ses atours de folk méditerranéen dont le projet hellénique était familier. C'est relatif, bien sûr, et la flûte traditionnelle des bergers de l'Attique me fait toujours vibrer sur « Fields of Flegra », ou sur un « Hecatonchires » au riff absolument cinématographique. Mais avec « Centauromachy » puis « Achilles & Hector » on part dans un registre bien plus violent, et même un peu sec, pour qui avait l'habitude des grandes envolées éthérées qu'a pu composer Kawir auparavant. La courte vie du héros s'achève sur un « Achilles Funeral » qui tient du véritable éloge à l'antique, tandis que l'album se prolonge un peu, avec, entre autres, un « Echetlaeus » qui s'avère une très bonne leçon de black metal à la manière grecque, mais où les sonorités pagan/folk demeurent discrètes, voire absentes.
Si chez Kawir, vous aimiez surtout l'aspect folk/pagan antiquisant, Kydoimos n'est pas vraiment pensé pour vous : cet album est bien plus direct et bien plus black metal qu'un Adrásteia – qui s'est d'ailleurs bonifié avec les années et à qui j'attribuerais une note plus élevée maintenant – sans parler des opus plus anciens. Ce n'est pas un reproche : l'ensemble est solide, et les compositions sont rodées. Mais Kawir est un groupe dont chaque album prend du temps pour être apprécié à sa juste valeur. Personnellement, je laisserai vieillir un peu celui-ci avant d'y retourner.
Tracklist
Teiresias
Fields of Flegra
Centauromachy
Hecatonchires
Myrmidons
Achilles & Hector
Achilles Funeral
Echetlaeus
Kydoimos
War Is the Father of All