"On est tous le boomer de quelqu'un d'autre."
Je m’excuse d’avance auprès de nos suiveurs fans de rugby qui n’ont toujours pas digéré le traumatisme de l’élimination au mondial il y a quelques semaines, mais on va ici parler d’Afrique du Sud. Même à propos du metal, eh oui, mais comme vous le savez déjà, le metal est partout, le metal est universel. D’ailleurs Season of Mist a eu le nez creux en signant récemment le groupe Constellatia, originaire du Cap. Même si un autre label français, en l’occurrence Les Acteurs de l’Ombre, avait eu le nez encore plus creux en signant Wildernessking en 2016 (groupe qui splittera l’année suivante, mais bref). Mais l’un comme l’autre sont passés à côté de ce qui est pour moi le meilleur avatar de cette improbable « scène » black metal du Cap, à savoir Crow Black Sky. C’est le groupe d’origine de Gideon Lamprecht, moitié de Constellatia et qui verra le jour neuf ans avant ces derniers, c’est donc de là que tout est parti. Un premier album, Pantheion, sortira dès 2010, et il semble presque renié par Crow Black Sky aujourd’hui vu qu’il n’apparaît plus sur aucune plateforme de streaming, quand bien même le groupe le proposait visiblement en téléchargement libre sur son site web à l’époque… Pourtant, les débuts de Crow Black Sky étaient sympathiques, avec un black mélodique de bonne facture, sans grands moyens mais pas non plus ultra-underground ou série Z, avec en point d’orgue l’excellent single « Stars of God » et son clip top budget. Crow Black Sky semble donc être passé à autre chose et entamera un concept et une évolution stylistique dès Sidereal Light, Vol. One en 2018, où le groupe troquera son black mélo-sympho un brin kitsch (dans le bon sens du terme) pour un style plus atmosphérique mais aussi plus moderne, sur un sujet attendu mais inattendu : le cosmos.
Crow Black Sky, sur son deuxième album, prendra alors le pli d’un black metal très propre - on est donc clairement pas dans du Darkspace-worship - et très aéré, où les nappes de synthés se chargent de propulser la musique du groupe vers les étoiles. On ressent encore le côté épico-sympho de Pantheion de même que quelques éléments qui se retrouveront ensuite parmi le blackgaze de Constellatia, mais Crow Black Sky a bien vite trouvé sa voie et sa singularité. Sidereal Light, Vol. One était bien sûr appelé à produire une ou des séquelles, et ce n’est que cinq ans (plus de cinq ans et demi même) plus tard que débarque Sidereal Light, Vol. Two. Mais l’attente en valait vraiment la peine. On reprend les mêmes bases de forme : quatre morceaux, longs-mais-pas-trop (Vol. One durait 34 minutes, Vol. Two en durera 36), et un black metal moderne très lumineux blindé de synthés astraux. Naturellement, la production s’améliore de même que le chant de Ryan Higgo, et le groupe du Cap va encore franchir un cap (ha, ha). Une déflagration de leads nous accueille dès « The Blinding Might of Creation » et le moins qu’on puisse dire, c’est que la fusée Crow Black Sky ne rate pas son décollage. Le black metal certes bien peu trve et plutôt connoté « metal extrême à synthés » de Crow Black Sky n’a déjà jamais été aussi dynamique, après un Sidereal Light, Vol. One certes relativement enjoué mais assez contemplatif. La formation sud-africaine est donc en forme et après un premier volume passé inaperçu, va tenter de se frayer un chemin plus dégagé. Et après une ouverture de sept minutes assez frontale mais particulièrement épique, Sidereal Light, Vol. Two va vraiment trouver sa vitesse interstellaire de croisière et impressionner son petit monde, au sein de son cosmos chatoyant et enivrant.
« With Starlight in Our Eyes » démarre déjà de manière plus émotive et envoûtante, avec d’ailleurs un chant au demeurant très classique mais ici très prenant ; et prend vraiment son envol à partir de 3’ avec des synthés absolument magistraux, et des riffs et du chant à l’unisson (et notons l’excellent jeu de batterie de Frank Schilperoort, qui a cogné pour God Dethroned, The Monolith Deathcult et même Shining, excusez du peu), on aura même le droit à des chœurs surprenants puis un break assez splendide, avant un final qui remet une bonne dose épico-cosmique et propulse déjà Crow Black Sky très haut dans l’espace. « The Sapien Shadow » poursuit le voyage avec un départ à la fois monumental et languissant, très mélodique et légèrement plus doomesque, avant que guitares et synthés ne s’emballent à nouveau et rendent le morceau particulièrement entraînant et passionnant. Crow Black Sky est ultra inspiré et Sidereal Light, Vol. Two sera un album vraiment réussi. « The Sapien Shadow » enchaîne alors les plans géniaux et les compos mordantes sur fond de montées cosmiques, de déluge de leads et de variations de chant, et s’avère être une pépite fraîche et réjouissante. « Omniscient » sera, déjà, une conclusion un peu plus soutenue et transcendantale, qui met surtout en avant l’ambiance et même un peu de mélancolie, malgré quelques assauts encore salvateurs témoins de l’énergie que possède Crow Black Sky. Le meilleur de Sidereal Light, Vol. Two est vraiment au cœur de l’album, qui est il est vrai encore un peu court pour un style qui a l’habitude de s’étaler, mais les Sud-Africains sont tellement inspirés qu’ils auraient encore pu pondre un autre morceau de grande classe sans problèmes. Après un premier volume intéressant pour ceux qui avaient pu le dénicher, Sidereal Light, Vol. Two crève l’écran et est sans conteste une des sensations de l’automne. Black metal résolument cosmique totalement convaincant, qui a déjà une forte personnalité même si on peut trouver mille influences ou ressemblances (je ne vois pas de grosses évidences, si ce n’est que les passages plus remuants m’évoquent les derniers …And Oceans par exemple, ou encore une créativité qui frôle parfois celle de An Abstract Illusion), ce troisième album de Crow Black Sky est une formidable révélation et mérite une vraie reconnaissance. Alors si tout ce qui est metal extrême stellaire vous branche… foncez, à vitesse interstellaire, vers l’Afrique du Sud !
Tracklist de Sidereal Light, Vol. Two :
1. The Blinding Might of Creation (7:27)
2. With Starlight in Our Eyes (9:00)
3. The Sapien Shadow (10:37)
4. Omniscient (9:02)