Violent Magic Orchestra + Klakmatrak @Bruxelles
Le Botanique (Rotonde) - Bruxelles
Je ne fonctionne pas vraiment en termes de to do lists pour les concerts, mais il faut bien avouer que si je devais en tenir une pour cela, Violent Magic Orchestra figurerait parmi les premiers noms inscrits. Je pense à ce titre que bon nombre d’entre vous, pour les Européens, ont d’abord connu le groupe par sa réputation live. Il faut dire que ces dernières années, le collectif japonais (et partiellement international) a enchaîné les tournées (3, 4 ?) sur notre continent, donnant un peu plus à chaque fois à ses concerts un caractère incontournable. Quelques mois après Xiu Xiu, c’est une fois de plus dans la salle de la Rotonde du Botanique que je me rends, cette fois pour voir VMO.
J’aurai l’occasion au fil de l’article de donner quelques clés de compréhension sur VMO, autant qu’une appréciation de ce concert en particulier. Mais il convient dans un premier temps d’écrire quelques mots sur la performance de Klakmatrak en première partie, particulièrement à propos. Pour la faire simple, la musique de VMO tente de concilier de façon assez radicale la techno hardcore et le black metal. L’approche de Klakmatrak semble similaire, très ancrée dans le gabber, avec un live ultra chaotique et bruyant durant une demi-heure. Il est d’ailleurs assez rare d’assister à ce type de prestation aussi tôt dans la soirée (20h), alors que l’assemblée est relativement sobre, en sortie de boulot pour certains.
Je l’apprends après le concert : Klakmatrak est un duo formé par l’un des musiciens/vocalistes du combo belge Stake (anciennement Steak Number Eight), formation sludge/post-hardcore visiblement assez respectée (je ne connaissais pas avant). Rien de surprenant de ce côté-là, car le tout est vraiment maîtrisé malgré le côté giga extravagant du show, tant sur le plan musical que dans la manière d’haranguer le public. En somme, une super entrée en matière qui, à l’image du reste de la soirée, ne fait vraiment pas dans la dentelle. Même si un horaire plus tardif, avec peut-être davantage de groupes à l’affiche, aurait permis de compenser le côté étrange du retour au monde réel une fois les lumières de la salle rallumées.
©Hugues de Castillo / Liberation Frequency
Violent Magic Orchestra
Il convient de le souligner : Violent Magic Orchestra a commencé sa tournée européenne par une date à Paris, avec un plateau particulièrement impeccable. On retrouvait alors Pencey Sloe, Deliverance, et surtout Nuit Noire pour un concert de reformation du duo originel (!!), avec les frères Julia à nouveau réunis. On le comprend, déplacer une telle affiche en dehors de Paris est relativement compliqué, et je me contente donc largement du plateau de ce soir malgré un syndrome de fear of missing out légèrement présent. La seule présence des Japonais suffit néanmoins à combler mes attentes, alors que je voyais il y a quelques années en première partie d’Alcest le groupe Vampillia, sorte de grand frère de VMO. Formé au milieu des années 2000, Vampillia est également un genre de collectif réunissant pléthore de musiciens, ayant collaboré avec la terre entière (de The Body à alt-j, en passant par Nadja, Merzbow, à la géniale et très respectée Jun Togawa). L’album The Divine Move (2014) a par ailleurs été très important pour moi, dans ma découverte des musiques extrêmes.
Violent Magic Orchestra est donc formé vers 2015 par plusieurs musiciens de Vampillia, en collaboration avec deux musiciens quasi-légendaires : l’Américain Pete Swanson (membre entre autres de Yellow Swans, ayant signé l’un des meilleurs albums noise/drone de la terre avec Going Places), et le Français Extreme Precautions aka Mondkopf aka Paul de Foudre!, Autrenoir, et Oiseaux-Tempête. Le côté collectif de VMO provient donc aussi de ce caractère international et super star, tout en conservant un certain secret autour de son lineup (une personne est masquée ce soir, qui est-ce ?). On comprend également la référence à Yellow Magic Orchestra (mon groupe préféré de tous les temps, décidément), combo japonais légendaire dont je parlerai peut-être davantage un jour ici ou ailleurs, qui outre ses trois membres fondateurs, fonctionnait en galaxie par des collaborations avec une tonne d’autres musiciens.
©Hugues de Castillo / Liberation Frequency
Autre élément constitutif de l’identité de VMO : le côté ultra visuel de ce qu’il propose (du merch à la communication, aux clips, affiches, etc.), presque aussi important que la musique elle-même. C’est évidemment très visible avec les performances live, qui allient avec beaucoup d’habileté un côté super chorégraphié et timé (les projections défilent en arrière-plan alors que les musiciens se placent et se replacent) avec des moments bien marteaux, où les membres eux-mêmes viennent remuer l’audience en lançant des moshpits. Comme avec Vampillia, VMO tient en grande partie sa force de son excellence, de la justesse de ses concerts, et pour le dire vite du côté total de sa proposition. En gros, VMO a tout d’un groupe super hype (au-delà de la niche des musiques extrêmes), et peut-être l’est-il déjà en partie. Il se produit en tout cas régulièrement au Bergain de Berlin, et il est difficile de mesurer exactement son niveau de popularité au Japon.
Enfin, il convient de mentionner que cette tournée vise à présenter le prochain album du groupe, appelé « Death Rave ». Tout un concept entoure le disque et le liveshow, que je ne préfère pas divulgâcher à nos chers lecteurs. Je peux en revanche vous conseiller sans aucune hésitation d’aller choper VMO en concert, tant chacun peut y trouver son compte, et ressortir de là avec l’impression d’avoir vu un show unique. Malgré le fait que les concerts soient plutôt courts (45 minutes max), le tout est parfaitement millimétré, sans aucun temps mort. Avec un peu de chance, dans le futur, le groupe pourra se faire une place au sein de belles dates expérimentales, techno, ou en tout cas en clôture de soirées déjà bien remplies. Il n'est que 21h, et pourtant on a déjà l'impression de toucher du doigt une certaine grâce, une impression d'élévation collective. C'est particulièrement vrai avant le final bien noise du concert, lorsque la chanteuse (performeuse d'exception, il faut le noter) tient le regard avec le public, et semble d'un coup passer par toutes les émotions possibles, enchaînant cris d'une puissance folle avec des passages chantés, écroulée sur scène.
Comme si, finalement, VMO se jouait des codes avec beaucoup de sérieux, une approche symbolique et sensible de sa musique en apparence fracassante. Tout n'est pas que bruit et stroboscopes, et si le groupe fait preuve de beaucoup d'auto-dérision, c'est pour mieux saisir à la gorge son auditoire lors des moments les plus intenses du show. À bientôt sur scène, je n'en doute pas.
©Hugues de Castillo / Liberation Frequency
Merci beaucoup à Pascale et l'équipe du Botanique pour la soirée, aux groupes, et à Hugues pour les photos.