"On est tous le boomer de quelqu'un d'autre."
En voilà un retour que l’on attendait pas. Tout simplement… parce qu’on ne l’attendait pas, pour de vrai. Groupe culte du death danois qui avait son délire « panzer » bien à lui et des albums mordants – le sommet ayant été atteint sur Roomservice (2003) et Battalion Beast (2006) – Panzerchrist s’était ensuite sévèrement englué. Malgré un Regiment Ragnarok (2011) plus agressif mais qui pour les fans, avait souffert du départ du chanteur Bo Summer et du batteur Reno Kiilerich, le Panzer restait sur un 7th Offensive (2013) très décevant et même franchement médiocre, mou du bulbe, mal produit, raté. Outre le bordel du line-up à l’époque (Bo Summer devait revenir au micro… puis en fait non), Panzerchrist s’était même fait humilier sur ses propres terres par At The Grave, groupe fondé par quatre ex-Panzerchrist (dont Bo Summer et Rasmus Schilling, batteur… sur 7th Offensive) qui avait fait du Panzerchrist de la grande époque sur son unique album éponyme en 2014. Alors quand 10 ans plus tard, Panzerchrist est de retour en bacs, le premier réflexe, c’est de se dire « ah bah ils existent encore ». Le deuxième, c’est d’en avoir un peu rien à foutre, même pas d’espérer un retour au bon vieux son. Surtout qu’entre ce nouveau logo et cette pochette un peu moche de Last Of A Kind, album sorti dans la discrétion sur le label local Emanzipation Productions refondé en 2020, ça ne donnait pas envie. Et un Panzerchrist sans panzer...? On aurait pu croire qu’un nouveau groupe avait copié le nom des Danois… mais non, c’est bien le Panzerchrist de Michael « Panzergeneral » Enevoldsen qui est de retour. Qui a d’ailleurs du repasser au surplus militaire pour habiller sa nouvelle escouade, le line-up de Panzerchrist ayant à nouveau été rebâti… de zéro. Première surprise, Enevoldsen a rappelé Frederik O'Carroll, gratteux sur Roomservice et Battalion Beast, ce qui est un bon point. Deuxième surprise et pas des moindres, Panzerchrist est désormais un groupe… avec une chanteuse, vu qu’a été embauchée Sonja Rosenlund Ahl, ex-Arsenic Addict. Eh oui, même le Panzer est inclusif.
Cela fait beaucoup à assimiler pour un retour dont l’enrobage était au pire peu motivant, au mieux on y aurait pas prêté attention et le groupe aurait été à nouveau oublié façon ninja. Mais on a quand même au moins écouté les singles et là… la surprise est finalement bonne et on aurait eu tord de croire que Panzerchrist était finito. Le groupe danois va tout simplement se réinventer, presque totalement. Certes, et le visuel l’annonçait déjà, cela va se faire au détriment de tout le concept Panzer d’antan. Si certaines thématiques typiques affleurent encore, Panzerchrist oublie son côté guerrier et belliqueux très entraînant au profit d’un death/black nettement plus sombre et frontal. On reste tout de même sur une production danoise bien gonflée (Tue Madsen est derrière les consoles), mais un minimum organique. Ce qui reste toutefois, c’est la batterie bien offensive, mais qui ne mitraille plus comme lors des grandes batailles du passé. Outre quelques petites mélodies, on pense plus à Regiment Ragnarok qu’aux albums des années 2000, légèrement au plus ancien Soul Collector (2000) par moments mais c’est tout. Mais si Last Of A Kind n’a grossièrement de Panzerchrist que le nom sur la pochette, cela n’en fait pas quelque chose de mauvais, bien au contraire. Gardien d’un death/black écrasant mais néanmoins efficace, au tempo qui avance quand même suffisamment vite dans les lignes ennemies, Panzerchrist v.2023 convainc assez facilement et réserve même quelques surprises. On notera déjà que le chant de Sonja, qui tranche assez avec l’ensemble de ses prédécesseurs, fonctionne parfaitement même s’il demeure monocorde malgré quelques rares growls, et classique dans un genre « extrême féminin post-Arch Enemy ». Mais dès « Turn the Rack », Last Of A Kind se dévoile sous un bon jour, entre compos bouillonnantes, blasts terrassants et ambiance de guerre dans la boue et la désolation. C’est déjà bien mieux que 7th Offensive et sa ligne de chars proches de la casse, ce qui n’était pas bien difficile mais en allant se battre sur d’autres terres, Panzerchrist montre qu’il maîtrise encore ses tourelles.
Si « My Name Is Lucifer » poursuit déjà bien l’effort, avec une partition très accrocheuse de Sonja Rosenlund Ahl au micro, le morceau-titre se permet de proposer des choses… surprenantes, notamment ces ambiances déroutantes au synthé. Certes, il y avait déjà des claviers sur les anciens albums de Panzerchrist, mais ils n’ont jamais vraiment sonné de cette façon. Cela apporte une franche plus-value à ce morceau plus aéré mais toujours intense de huit minutes (!), avec une pluie de solos. Panzerchrist en profite donc pour oser un peu plus, ce qui fait que ce retour n’est pas vain, et ne tombe pas dans la facilité que tout le monde aurait pu attendre (même si un retour dans la veine de Battalion Beast et avec Bo Summer au micro, tout le monde aurait signé direct soyons clairs). Le reste de Last Of A Kind se déroule sans chichis, l’offensive appliquant toujours la même stratégie : tout droit en roulant sur tout ce qui est sur le passage. Mais entre l’expéditif mais lourd « The Fires on Gallows Hill » et le final sidérant qu’est « Juniper Creek », ou encore quelques compos bien mordantes ici et là (le lancinant « The Devils Whore », le puissant « Sabbath of the Rat »), il y a de la matière, et surtout Panzerchrist (ou ce qu’il en reste) est inspiré. Malgré la plus que bonne surprise des premières écoutes, Last Of A Kind se tasse un tantinet, laisse apparaître quelques petites longueurs (quatre morceaux dépassant les six minutes), et les mélodies ne fonctionnent plus aussi bien qu’à l’époque (cf. le dispensable « Baptized in Piss »). Le Panzerchrist historique, on sent qu’il est encore là, mais Last Of A Kind aurait été présenté sous un autre sobriquet qu’on aurait probablement pas fait le rapprochement. Qu’importe, Panzerchrist ou pas, Last Of A Kind est un album satisfaisant, de death danois-mais-pas-trop très blackisé, c’est tout ce qui compte. Sans le nom glorieux, il aurait fallu creuser pour trouver cet album, mais on aurait pu passer à côté de ce death/black ravageur plutôt bien troussé avec quelques passages originaux et des riffs cossus. De quoi largement pardonner la bouse qu’était 7th Offensive, même si Panzerchrist a tellement changé, jusque dans son concept pourtant jusqu’au-boutiste à l’époque, que lier Last Of A Kind au reste de la discographie du groupe est presque hors de propos. Christ, thy name is still Panzer ! (ou pas).
Tracklist de Last Of A Kind :
1. Turn the Rack (5:23)
2. My Name Is Lucifer (6:26)
3. Last of a Kind (8:13)
4. The Fires on Gallows Hill (1:40)
5. The Devils Whore (6:09)
6. Sabbath of the Rat (5:13)
7. Baptized in Piss (4:47)
8. Juniper Creek (7:25)