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« La femme, affublée de pourpre et d’écarlate, chamarrée d’or, de pierreries et de perles, avait un gobelet à la main, plein de vilenies et des ordures de la prostitution.
Son nom : Babylone la grande ; Mère de la prostitution »
Apocalypse selon St-Jean
Tout est sombre. L’atmosphère est lourde, chargée d’esprits fantasmagoriques et de fantômes ancestraux. Le ciel, à l’instar d’une peinture d’un noir d’encre, n’est que le recueil morbide d’une noirceur terrestre s’engouffrant dans les moindres recoins de votre chair et votre âme. Le souffle court, vous pouvez avancer…tremblant, frissonnant…une ombre est là, présente, devant. Elle est là…elle est venue pour vous…Lilith, maitresse des ténèbres…
Introduction sinistre au neuvième opus des britanniques de Cradle of Filth, c’est un nouveau concept album des plus ambitieux que nous livre Dani Filth, qui n’aura de cesse de dresser les portraits de personnages tous plus passionnants et sombres les uns que les autres (Elisabeth Bathory, Gilles de Ray, Cthulhu, aujourd’hui Lilith, première femme de l’humanité et réussissant à tromper le diable).
A l’image d’Elisabeth Bathory sur "Cruelty and the Beast", le choix de Lilith se prête particulièrement bien à la musique du groupe, toujours aussi gothique et symphonique, peut-être plus que celui du psychopathe Gilles de Ray (associé également à Barbe Bleu). Néanmoins, c’est face à un Cradle renouvelé que nous avons à faire à la veille de la sortie du tant attendu "Darkly, Darkly, Venus Aversa".
Créateurs de chef d’œuvres devenus cultes tels que "Cruelty and the Beast", "Dusk…and Her Embrace" ou "Midian", Cradle of Filth avait connu une seconde partie de carrière beaucoup plus délicate, à l’instar de son téméraire "Damnation and a Day", arriviste et raté. "Nymphetamine" avait rassuré les fans malgré une inégalité artistique non contestable, tandis que "Thornography" surprenait par sa mollesse et ses idées inexploitées. Cradle semblait dans le creux de la vague et, pendant que le line up subissait un turn-over constant autour de Dani et Paul Allender, le groupe semblait reposé sur un passé heureusement culte.
Quelle ne fut pas notre surprise de voir débouler un "Godspeed on the Devil’s Thunder" proprement génial, renaissant avec les racines les plus brutales du groupes et les plus symphonique, voyant un Cradle redevenu ambitieux, pompeux et grandiose, le tout dans la bestialité qui l’avait toujours caractérisé.
Après tel opus, auréolé d’un succès presque unanime, l’attente était donc grande…
"Darkly, Darkly, Venus Aversa" pose un constat dès ses premières écoutes ; le grand Dani Filth est bel et bien de retour mais les anglais ont eu l’intelligence de ne proposer en rien un "Godspeed"bis qui aurait autant déçu qu’un album simplement mauvais. Ainsi, on observe une voie prise bien différente de celle de son prédécesseur. Plus brutal, plus sombre et considérablement plus rapide, DDVA dévoile également un Cradle beaucoup moins symphonique et narratif et ayant voulu garder une constance dans l’agressivité tout au long du disque, sans se perdre dans des intermèdes trop longs.
Plus concis, les titres explosent instantanément en pleine face de l’auditeur avec un tranchant et une rugosité probablement jamais entendu chez le groupe (ces riffs purement thrash de "Deceiving Eyes" ou du jouissif "Retreat of the Sacred Heart").
Nouvelle évocation d’une étrangeté inédite chez le groupe, "The Cult of Venus Aversa" ouvre le disque sans introduction préalable. Quarante petites secondes au clavier, une courte narration présentant Lilith et un blast d’une sauvagerie sans égale détruit l’auditeur sous un mur de son sans crier gare. Dani, dans la continuité du précédent album, alterne sa voix avec un brio incroyable, tout en lui offrant des intonations plus morbides et narratives, dans l’esprit de ce qu’il avait tenté dans "Thornography" sans succès. Avalanches d’orchestrations, de riffs et de plans de batteries étonnamment fouillés chez les britanniques (Martin Skaroupka est sans nul doute le meilleur batteur qu’ait jamais eu la formation), ce premier morceau démarre le disque de la meilleure des manières, tout en dévoilant une production moins policée que sur les précédents albums, plus âpre et violente (comme le prouve ce break horrifique et sa reprise ahurissante de violence).
Les morceaux s’enchainent très rapidement, formant un ensemble massif et cohérent, parfois légèrement redondant (dans le sens où on peut ne plus trop différencier tels titres des autres) du fait que les morceaux ne possèdent peut-être pas tous d’une personnalité propre. On évoquera un "One Foul Step from the Abyss" tourmenté et glacial, sans oublier un "Lilith Immaculate" bestial et ultra rapide (mais quel monstre de batteur…) en passant par un "Harlot on the Pedestral" beaucoup plus symphonique et impérial, aux soli mélodiques à vous hacher menu. Dans cette optique, Paul Allender multiplie les solos comme rarement, particulièrement sur le catchy "Forgive Me Father", dénotant un peu du reste par son approche plus directement heavy metal (et son riff introducteur si identifiable), ses vocaux presque clairs (à la "The Foetus of a New Day Kicking") et son final nous abreuvant de notes.
Très fort et construit, "Darkly, Darkly, Venus Aversa" démontre que "Godspeed on the Devil’s Thunder" n’était pas un cas isolé et que Dani a retrouvé l’inspiration intarissable qui semblait lui manquer ses dernières années. De plus aidé par la talentueuse Ashley Ellyllon aux claviers, peignant des décors hantés tout le long des soixante trois minutes du concept album, il livre un album sans concession qui rassure sur l’avenir du groupe. Présenté dans un luxueux digibook (l’artbook est sublime), Cradle livre quatre autres compositions, dont la géniale "Truth & Agony", à la puissance et au riff si écrasant que l’on peut explicitement se demander la raison d’un tel statut de « bonus ».
Autant d’éléments qui en font une œuvre complète qui, sans égalée son prédécesseur, qui bénéficiait de l’impact du retour au premier plan, ou ses travaux anthologiques, trônera bientôt près d’elle, sans aucun complexe de tutoyer les cieux de la création.
DISC 1
1. The Cult of Venus Aversa
2. One Foul Step from the Abyss
3. The Nun with the Astral Habit
4. Retreat of the Sacred Heart
5. The Persecution Song
6. Deceiving Eyes
7. Lilith Immaculate
8. The Spawn of Love and War
9. Harlot on a Pedestal
10. Forgive Me Father (I Have Sinned)
11. Beyond Eleventh Hour
DISC 2
1. Beast of Extermination
2. Truth and Agony
3. Mistress from the Sucking Pit
4. Behind the Jagged Mountains