"On est tous le boomer de quelqu'un d'autre."
Si dans la sphère metallique on parle pas mal du Danemark pour Afsky récemment, c’est oublier pour que nous autres boomers, le Danemark c’est plutôt sa scène death qui courait autour du début des années 2000. Des grosses brutasses de Exmortem et Panzerchrist au plus mélodieux Raunchy et Submission en passant par les plus thrashy HateSphere et ceux qui jouent sur plusieurs tableaux comme Illdisposed, il y avait de quoi faire. Autour des productions de Tue Madsen et Jacob Hansen, c’était la belle vie. Une époque un peu révolue, surtout quand on voit comment Illdisposed et devenu mou du genou, que Exmortem s’est éteint et que Panzerchrist joue aux montagnes russes perché sur son char (on aura peut-être l’occasion de parler de son étonnant retour bientôt). Mais il reste quelques noms de l’ombre, apparus à l’époque ou un peu plus tard, qui ont su conserver leur aura dans la discrétion. Je veux bien sûr parler de The Arcane Order, bâti autour de quelques figures de la scène danoise (dont Kasper Thomsen chanteur de Raunchy, puis Kasper Kirkegaard gratteux de HateSphere, outre le membre historique Flemming C. Lund). Parti d’un death mélo un peu classique mais avec déjà un touché personnel pour The Machinery Of Oblivion (2006), The Arcane Order a ensuite trouvé sa vraie voie dès In The Wake Of Collisions (2008). Celle d’un death multicartes donc très danois (intense, thrashy, mélodique) mais qui s’enveloppait d’une ambiance apocalyptique, presque épique, avec des claviers bien dosés. De quoi vraiment démarquer la formation d’un mélodeath somme toute traditionnel. Une vraie révélation qui ne demandait qu’à exploser, mais The Arcane Order, malgré sa signature chez Metal Blade à l’époque, a pourtant fini par retomber dans un certain anonymat, repassant même par la case promo 2 titres (!) avant la sortie de son troisième opus Cult Of None en 2015. S’il lui permettait d’asseoir sa personnalité apocalyptique, ce troisième album ne confirmait pas vraiment l’excellent In The Wake Of Collisions. Depuis…
… Eh bien pas grand chose, même si le groupe a continué de montrer qu’il existait sur ses réseaux. Il a donc failli patienter huit ans dans ce désert post-apocalyptique pour connaître la suite des aventures de The Arcane Order. Mais l’attente sera récompensée même si de l’eau a coulé sous les ponts recouverts de poussière. Le line-up a évolué au 3/5, et si on note maintenant la présence de Bastian Thusgaard (batteur de Soilwork depuis 2017), le changement le plus marquant sera le départ de Kasper Thomsen, remplacé sur le tard - après un intérimaire - par un nom intéressant, Kim Song Sternkopf, hurleur du groupe de blackgaze Møl signé chez Nuclear Blast. Et cela va donner un nouveau souffle à The Arcane Order qui va continuer à évoluer sur ses bonnes bases, comme si de rien n’était, comme un raccourci dans l’espace-temps. Mais arrivé en 2023, The Arcane Order va évoluer avec son temps, même si sa mixture reste très… danoise. Evoluant toujours fondamentalement entre thrash/death et mélodeath, le groupe danois semble pourtant ici embrasser davantage la cause d’un death moderne plutôt que de quelconques branches précises, même le classer en « mélodeath » est devenu assez faux tant on s’éloigne des standards scandinaves. Il prend donc plutôt la voie d’un metal extrême assez épique à sa manière, un peu « sympho » même si ce ne sont pas les claviers que l’on remarque le plus, étant plutôt là pour poser l’ambiance toujours 100% apocalyptique. On est donc plutôt dans la cour des Xerath et Xaon, qui auraient pu être vus comme les disciples de The Arcane Order d’ailleurs, donc la boucle est bouclée. Si ceux qui avaient pressés In The Wake Of Collisions et Cult Of None comme des citrons seront en terrain connu, The Arcane Order peut donc en profiter pour se trouver une seconde jeunesse et se faire de nouveaux adeptes. Et donc quoi de mieux que ce retour sur cet assez gargantuesque Distortions From Cosmogony, 58 minutes au compteur, avec la plupart des morceaux atteignant ou dépassant sept minutes. On enfile sa combi anti radiations en on retourne sur le terrain post-apocalyptique…
Un terrain où après l’intro-titre, on se retrouve également dans une apocalypse sonore vu que la production signée Jacob Hansen est assez dense, typique de ce qu’il fait d’habitude certes, mais tout ceci est assez bouillonnant et il va falloir s’y faire. Quand bien même The Arcane Order a toujours eu ce type de production assez chaotique, à sa manière. Mais puissance et souffle sont bien là, même si la confusion primera un peu pour les oreilles réfractaires à la « danish dynamite ». On découvre aussi bien vite le chant de Kim Song Sternkopf, oscillant en permanence entre bons growls et screams appuyés (à la Møl, enfin pas tout à fait) et ce sera assurément une des attractions de Distortions From Cosmogony tant sa palette vocale tranche avec celle de Kasper Thomsen, qui était un peu au bout du rouleau sur Cult Of None. Album qui malgré quelques pistes remarquables comme « Hesperian », est aujourd’hui soufflé par ce Distortions From Cosmogony assez impressionnant. Si « Cry of Olympus » débute l’album de manière assez brute, le vrai potentiel de l’album se révèle dès « A Blinding Trust in Chosen Kings », qui voit The Arcane Order évoluer autour d’excellents schémas mélodiques, d’ailleurs marqués par un break lumineux où l’on pourra entendre un peu de chant clair. Le groupe embraye sur un « Starvations for Elysium » particulièrement monumental, très inspiré, bardé de moments de grâce tandis que Sternkopf se lâche méchamment. Performance prolongée par « Favors for Significance » où ce sont les synthés qui seront également mis en valeur. « The First Deceiver » nous propose encore un The Arcane Order très intense, plus extrême que jamais, capable de pondre des passages assez grandioses. La fin de l’album se tasse néanmoins un peu, avec un « Ideals of Wretched Kingdoms » qui n’apporte rien de plus et un « Children of Erebos », l’autre morceau court et brut de décoffrage de l’album, un peu vain. Mais le final « Wings of Duality » sera absolument imparable et conclut un album plus que formidable. Certes très (trop ?) dense, surtout d’un point de vue sonore (et même le chant pourra en lasser certains), qui n’est pas exempt de longueurs au sein des longs morceaux (ce n’est pas du prog’ que fait The Arcane Order non plus), mais globalement assez resplendissant, avec une recette personnelle qui fonctionne. Le pinnacle de ce que le groupe danois a pu produire dans sa carrière disparate, même si seul le temps dira si In The Wake Of Collisions et ses cultes « Between Reason and Hubris » ou autre « Sanctity of Allegiance » est dépassé. De par ses particularités, Distortions From Cosmogony est presque réservé aux habitués de la scène danoise ; mais pour peu qu’on aime cette approche et cette atmosphère apocalyptique au sein d’un death extrême résolument moderne, épique et travaillé, ce quatrième opus de The Arcane Order est un sacré morceau.
Tracklist de Distortions From Cosmogony :
1. Distortions from Cosmogony (1:25)
2. Cry of Olympus (4:48)
3. A Blinding Trust in Chosen Kings (7:32)
4. Starvations for Elysium (6:54)
5. Favors for Significance (7:46)
6. Empedocles' Dream (2:37)
7. The First Deceiver (7:03)
8. Ideals of Wretched Kingdoms (6:49)
9. Children of Erebos (4:57)
10. Wings of Duality (7:49)