Hugo

Quelques semaines après la déflagration La Dispute, me voici de retour au Botanique, l’un des très beaux lieux culturels de Bruxelles. J’ai rarement vu un endroit aussi cool, notamment pour se poser dehors entre les concerts, avec cette très belle vue sur les jardins, la possibilité de naviguer ou de s’asseoir sur les marches… C’est chouette, vraiment. Après avoir découvert l’Orangerie, je me rends cette fois dans la belle salle de la Rotonde, intimiste et haute de plafond, faisant penser à un ancien théâtre, pour le concert de Xiu Xiu. 

Retour en quelques mots sur cette belle soirée, différente de celles que l’on évoque généralement sur Horns Up, avec la musique expérimentale de Xiu Xiu. Pas de photos pour cette fois, navré, mais quelques musiques pour mieux illustrer mon propos.

Landrose

La première partie n’ayant été annoncée que quelques jours avant le concert, je découvre Landrose en direct lors de sa prestation. Sur les réseaux sociaux du projet, on retrouve plusieurs fois le terme “Beat Punk”, appellation qui ressemble franchement à un néologisme n’existant pour l’instant que sur bandcamp. Le terme n’est néanmoins pas dénué de sens, et l’on comprend rapidement où le musicien (seul en scène) veut en venir : batteur, il joue des partitions de façon très énergique (punk, donc ?) sur des boucles lancées par ordinateur pour le côté beat. En gros, trente minutes d’une prestation plutôt ambitieuse pour un concert de première partie. 

Difficile effectivement de voir ici autre chose qu’un seul en scène de batterie car c’est littéralement le format du concert. Néanmoins, le jeu très visuel et virtuose du musicien, et la diversité des samples sur lesquels il construit sa performance permet de rentrer dans le set plus facilement que ce que je pensais. Sur le côté beat, à nouveau, je vois donc des incursions en terrain rap assez évidentes, avec des compositions qui évoquent ce qu’on retrouve en Industrial Hip Hop. En gros, la plupart des boucles sont assez douces, avec des voix pitchées et autres pads quasi-ambient, ce qui contraste avec la violence des patterns de batterie et autres éléments très noisy. Musicalement, on est donc sur une proposition intéressante mais à laquelle il manque quelque chose : un MC pour poser sur les morceaux, par exemple. Là, on aurait donc une performance bien plus proche de Death Grips ou Clipping, et (à mon sens) plus captivante. Curieux de voir dans quelle direction le projet va aller par la suite. 

Xiu Xiu

Pour de nombreuses personnes, l’été 2017 est marqué par deux évènements importants du côté des séries télévisuelles : les troisièmes (et ultimes ?) saisons de The Leftovers et surtout de Twin Peaks. Dans le second cas, avec Twin Peaks: The Return, on parlerait même d’une autre série et non d’une troisième saison. Le tout est en effet familier, mettant en scène ces différents personnages qu’on aime tant 25 ans après, mais explore dans le même temps d’autres facettes de l’univers de manière très expérimentale, très David Lynch. Familier et étrange, comme cet album de reprises des thèmes d’Angelo Badalamenti par Xiu Xiu, sorti un an avant, en 2016. Comme un joli prélude à cette nouvelle saison, finalement. 

Car si je m’étends autant sur Twin Peaks, c’est bien d’une part car c’est (probablement) l’oeuvre artistique la plus chère à mon coeur, et d’autre part car ça a été ma porte d’entrée vers Xiu Xiu. L’année 2016 correspond en outre peu ou prou au moment où je découvre les musiques industrielles au sens large, et l’album Plays the Music of Twin Peaks a été une étape importante pour moi en ce sens. Au vu des différents t-shirts à l’effigie des créations de David Lynch dans la salle ce soir-là, je ne pense d’ailleurs pas être le seul. Ceci dit, parler d’Indus pour qualifier cet album serait inexact - on est davantage sur une mixture expérimentale/jazzy, de variations effrayantes autour de ces thèmes.  

La musique de Xiu Xiu, pour ceux qui ne seraient pas familiers avec elle, est protéiforme. Il est assez compliqué de la décrire autrement qu’album par album. La base est experimental rock, terme fourre-tout, à laquelle viennent se greffer de nombreux autres éléments sans limite réelle de style. Néanmoins, après un début de carrière davantage orienté (post-)industrial, le groupe s’oriente progressivement sur certaines sorties vers quelque chose de beaucoup plus art pop, avant d’embrasser à nouveau des sonorités noisy voire (dark) ambient sur les derniers albums. Une chose est sûre : il y a une grande cohérence dans la discographie du groupe, une patte et des standards résolument Xiu Xiu, ce qui se matérialise tout particulièrement en live.  

En effet, le set explore la discographie du groupe en long et large, exception faite il me semble du tout premier album du groupe (Knife Play) et de quelques autres du milieu de carrière (Dear God I Hate Myself et Always par exemple). Du reste, on alterne entre des morceaux aux registres différents, mais souvent interprétés avec la même configuration live : Jamie Stewart, le leader, à la guitare, aux pédales d’effet et au chant, Angela Seo au clavier/chant, et David Kendrick (ancien de Sparks et Devo, rien que ça !) à la batterie. Certains titres sonnent très post-industrial, quand d’autres sont plus dansants, orientés musique en -wave. 

Parmi les moments notables, je suis obligé d’évoquer la reprise de « Falling », thème principal de Twin Peaks par Angelo Badalamenti, qui est plus précisément un morceau de Julee Cruise (le thème de la série avec des paroles, en gros - à noter : Julee Cruise sort son album Into The Night en 1989, composé par Lynch et Badalamenti, petit joyau de dream pop et à mon sens l’un des albums les plus importants du style). Rayon reprise, il y a également « Ceremony » de Joy Division/New Order, le dernier titre composé avec Ian Curtis et un de mes préférés du style - grand moment live également. En outre, et pour rester dans le thème, on peut mentionner le morceau « Ian Curtis Wishlist » vers la fin du set, un des titres les plus terrifiants que j’ai pu voir en concert, bénéficiant d’une parfaite interprétation restituant son atmosphère si particulière.  

Je ne vais pas m’étendre davantage sur les autres titres, l’objectif de ce report étant aussi de donner quelques clés de compréhension pour ceux qui ne connaitraient pas vraiment le groupe. Pour comprendre encore un peu mieux tout ça, la meilleure option reste encore d’aller voir le groupe en live, et se prendre de plein fouet ces ambiances bizarres et magnifiquement incarnées (en tête, le chant déconcertant et d’une rare maîtrise de James Stewart). Dans le cas présent, pour moins de 15 euros en prévente et dans une si belle salle, l’opportunité était parfaite. Sur ce point, l’architecture de la Rotonde a clairement participé à l’ambiance du show, transformé ce soir en théâtre un peu décadent. Alors, quand se termine « I Luv the Valley OH! », tube du groupe et dernier titre interprêté ce soir, on a un peu l’impression d’avoir été transporté dans le Club Silencio de Mulholland Drive (je calme le forcing la prochaine fois, promis).

Setlist* :
Pahrump
Botanica de Los Angeles
Maybae Baeby
Petite
A Bottle of Rum
Master of the Bump (Kurt Stumbaugh, I Can Feel the Soil Falling Over My Head)
 Apistat Commander
 Fabulous Muscles
Falling
The Fox & The Rabbit
Esquerita, Little Richard
Ceremony
Rumpus Room
Ian Curtis Wishlist
Girl With Baskter of Fruit
I Luv the Valley OH!

*légères erreurs possibles

Merci à l'équipe du Botanique pour la soirée !