"On est tous le boomer de quelqu'un d'autre."
Les « supergroupes », on en voit passer régulièrement. Surtout que c’est devenu une notion à relativiser. S’il fut un temps et spécialement dans le metal, cela regroupait de très grands noms, depuis un moment c’est surtout devenu un mot repère pour désigner le rassemblement de musiciens issus généralement d’une même scène… ou tout simplement de bons potes, historiques ou au gré des rencontres. On peut donc en trouver un peu partout et voilà que débarque Sól Án Varma, supergroupe assumé… du black metal islandais. Les mauvaises langues diront que vu la « consanguinité » de la scène islandaise, ce n’est pas une véritable surprise. Mais même si quelques musiciens se côtoient dans les formations les plus connues, ce n’est pas tout à fait vrai. Sól Án Varma regroupe ainsi sept musiciens qui en temps normal crèchent au sein de Misþyrming, Naðra, Svartidauði, Árstíðir Lífsins, Carpe Noctem, Martröð ou encore Skáphe, entre autres groupes moins connus ou qui ont splitté. Bien évidemment, les croisements sont nombreux (quatre d’entre eux officient chez Misþyrming, trois chez Naðra, deux chez Carpe Noctem et Martröð…), et faire l’arbre phylogénétique de Sól Án Varma sera ardu. Mais bon, il y a effectivement du nom, même si on aurait encore pu imaginer là-dedans des membres de Sinmara, Almyrkvi ou Kaleikr (quoique, il y a ici le bassiste Live de ces derniers). Un grand rassemblement de la crème du black metal islandais, mais pour quoi faire ? Eh bien… du black metal islandais. Oui, bon, il ne fallait pas vraiment s’attendre à autre chose, mais Sól Án Varma va faire l’effort de synthétiser tout ce qu’on connaît de ce genre devenu finalement très particulier et identifiable entre mille, voire mieux : proposer ce qui se fait de meilleur en la matière, tout simplement. Ceci pour un album éponyme bien dodu (67 minutes), bien que sorti assez discrètement par Ván Records. Prêts à revoir encore une fois les paysages islandais entre gel et feu ?
Ne cherchez pas de particularité là où il n’y en a pas, Sól Án Varma va s’échiner à appliquer un à un les codes du black metal islandais dans le fond comme dans la forme, posant une sorte de giga résumé de ce que la scène islandaise peut produire, minus le côté psychédélique voire astral de certains. Sól Án Varma évoque bien sûr Misþyrming, d’autant que c’est le même chanteur (et même la totalité du line-up !), et peut souvent être vu comme un bon pont ou compromis entre Algleymi et Með Hamri. Sól Án Varma évoque bien sûr le côté plus bouillonnant, rugueux, chaotique et quelque peu dissonant des Svartidauði et Naðra. Sól Án Varma évoque bien sûr l’aspect un poil plus atmosphérique, doom et même ambiant de Carpe Noctem. Sól Án Varma évoque bien sûr la composante un peu plus mélodique voire épique de la plupart des formations islandaises, et à certains moments c’est limite si on ne se demande pas s’il y a quand même du membre de Sinmara là-dedans. Bref, tout y est et la question qu’on va surtout se poser, c’est est-ce que Sól Án Varma va réussir à faire atteindre à tout ceci un niveau d’excellence inégalé, pour une scène que l’on a eu le temps de décortiquer depuis une petite dizaine d’années maintenant. La réponse sera franchement oui, avec un peu de certes et de cependant car Sól Án Varma n’ira pas plus loin que ça, même si l’on peut discuter du fait que c’est ce qu’on lui demandait - pour un supergroupe que, de toute façon, à la base, personne n’avait vraiment réclamé (et autant dire que ceux qui n’ont jamais aimé la scène islandaise n’en auront rien à carrer). Les sept musiciens sont de toute façon inspirés, niveau production sonore c’est le top du genre (avec ses particularités), tout ce petit monde se fait plaisir et Sól Án Varma est limite à prendre comme un best-of condensé du black metal islandais sans véritable prétention, si ce n’est un album « plus plus » de Misþyrming si l’on veut être simpliste et grossier. Mais cet album impressionne, tout autant qu’il possède - forcément - un goût de déjà-entendu et quelques facilités. Mais quand même…
Composé de 12 pistes toutes appelées « Afbrigði » (pour « variation »), Sól Án Varma happe son auditoire dès l’ouverture sur « Afbrigði I » avec un départ franchement monumental. Un départ très lourd et doomesque d’ailleurs, mais porté par un chant exceptionnellement prenant et des ambiances d’une noirceur étouffante. L’effort est prolongé par « Afbrigði II » mais de façon plus lumineuse et mélodique, même si le chaos islandais se fait de plus en plus prégnant au fil des minutes. Avant que « Afbrigði III » ne parte dans une sorte de black/doom presque ambiant avec d’étranges vocaux éthérés, qui finit par replonger dans un chaos qui perd son contrôle. Il y a déjà une sacrée palette, d’autant que presque 25 minutes se sont déjà écoulées ! Le début de Sól Án Varma est donc assez incroyable et nous fait dire que l’on tient vraiment le monstre attendu de black islandais. Mais la suite de l’album va plutôt taper dans du classique, avec une qualité constante mais aussi quelques redondances ou longueurs, ou des compos que l’on a l’impression de déjà connaître quand on a poncé la discographie de Misþyrming et consorts. A l’image d’un « Afbrigði IV », efficace mais un peu convenu ; idem pour « Afbrigði V », les mélodies (et un étrange chant clair) en plus. « Afbrigði VI » part dans un registre plus épique à la Algleymi et embraye sur l’excellent « Afbrigði VII », un single parfait et complet. Les (relatives) surprises du début d’album ne sont plus là, mais on se prend au jeu, avec encore quelques bonnes compos à la clé (le transitif « Afbrigði VIII », le plus aéré « Afbrigði IX », l’expéditif « Afbrigði XI »). Et Sól Án Varma se laisse encore aller à quelques écarts, comme les chants grégoriens de « Afbrigði X » ou le final totalement ambiant qu’est « Afbrigði XII ». Sól Án Varma est-il, au bout, l’album ultime du black metal islandais ? D’une certaine manière, assurément. Mais cela ne veut pas dire qu’il est foncièrement meilleur que les meilleurs albums de Misþyrming et consorts. C’est du pur black islandais, avec donc toutes les qualités et les défauts du genre. C’est un album réussi, mais qui passant après un paquet d’islanderies diverses, fait juste un beau résumé, cohérent et inspiré. Difficile de dire s’il y aura une suite à ceci (d’autant que de base, c’était encore une « commande Roadburn »), mais forcément en unissant tous les talents de la scène, Sól Án Varma a un potentiel monstre. Ici, il fait de fort belle manière le condensé absolu du black metal islandais, avec des moments formidables, d’autres plus classiques. Si ça n’a jamais été votre came, passez votre chemin, sinon, inutile de dire que Sól Án Varma est un indispensable, qui montre que la flamme du black metal islandais brûle toujours.
Tracklist de Sól Án Varma :
1. Afbrigði I (8:04)
2. Afbrigði II (9:17)
3. Afbrigði III (7:33)
4. Afbrigði IV (6:42)
5. Afbrigði V (3:49)
6. Afbrigði VI (5:30)
7. Afbrigði VII (5:36)
8. Afbrigði VIII (4:56)
9. Afbrigði IX (4:55)
10. Afbrigði X (4:04)
11. Afbrigði XI (3:45)
12. Afbrigði XII (3:08)