hell god baby damn no!
Afsky avait frappé un grand coup en 2020 avec Ofte jeg drømmer mig død, un album de l'ordre de ces petits trésors qui semblent sortir de nulle part sans qu'on les voie venir. Dans l'océan des sorties black atmosphérique, le one man band danois avait su se faire remarquer avec un album véritablement inspiré, des mélodies reconnaissables au premier coup d'oreille et émouvantes au possible, dans un genre qui se mord pourtant la queue assez rapidement. Ole Luk, l'homme derrière la musique, était pourtant déjà connu de certain.e.s pour avoir joué dans un autre groupe de Black Metal du même calibre, Solbrud, et avait un album et un EP à l'actif d'Afsky. Mais rien qu'à regarder l'augmentation de la présence du projet sur les affiches de tournées et festivals depuis que la formation a pris ses ailes en live, il est évident que la cuvée 2020 a créé une belle petite hype. Se pose donc la sempiternelle question : était-ce donc là une sorte de coup de chance, ou Afsky arrivera t-il à maintenir sur le long terme le coup de projecteur que cet album lui a conféré ? Trois ans et une tournée avec Uada plus tard, la réponse nous arrive sous la forme d'Om Hundrede år. Un titre moins tape à l'oeil qu'Ofte jeg drømmer mig død (littéralement “je me rêve souvent mort”), mais une pochette avec un homme allongé agrippant son corps, en désarroi, dans un décor grisâtre, nous confirme bien que nous resterons dans les mêmes paysages.
Pourtant, d'après son auteur, les six pistes de l'album résultent d'une envie de changer ses sources d'inspirations, de partir de sentiments positifs et de l'idéee d'une ode à la vie. Et on retrouve, il est vrai, par-ci par-là des riffs qui se font plus lumineux, presque positifs, notemment sur « Det der var » ou « Tak for alt », créant un contraste avec un chant plaintif très DSBM - un résultat très proche de ce que Woods of Desolation pouvait proposer il y a quelques années. Mais dans l'ensemble, on aboutit plus à une mélancolie profonde qu'à un réel positivisme ; et dans ses thématiques, Om hundrede år parle en effet plutôt de l'angoisse face à l'inévitable qu'est la mort, le savoir que tout ce qui est actuellement disparaîtra. Musicalement donc, Afsky demeure sans surprise dans le spleen le plus total, et s'y enfonce d'ailleurs toujours plus. Om hundrede år accentue les éléments les plus dépressifs de son prédécesseur : en témoigne le quasi abandon des passages plus directs qu'Ofte jeg drømmer mig død pouvait proposer, mais aussi et tout particulièrement le chant. Assez classique et plutôt mis en avant auparavant, Ole se dirige clairement vers un chant plus criard et typiquement associé au DSBM, mais aussi plus varié, entre les longues plaintes accompagnant les riffs et les fulgurances perçantes de hurlements stridents, en particulier sur « Det der var ». Il ne fait que renforcer la sensation de désespoir, de noyade, englouti par le flot des guitares saturées.
On en ressort cependant avec un magnifique panel de morceaux, plus variés et identifiables que sur l'album précédent. Des sections cadencées de « Frosne Vind » au doom lancinant de « Fred vaere med støvet » en passant par les riffs typés 90s norvégien de « Tid », Afsky démontre un panel d'influences musicales toujours plus riches et habilement restituées, pour un Black atmosphérique affranchi de ses gimmicks mais bel et bien nourri par tous les genres qui lui sont satellites, pour créer des morceaux certes longs mais évoluants.
Dans le fond, Afsky ne surprend pas : on retrouve la même patte, le même type de mélodies retranscrivant la sensibilité de leur auteur - et même une intro à la guitare sèche quasiment identique à l'album précédent. Celle-ci est par contre un peu plus présente, venant se mêler habilement au riff du premier morceau et rappelant l'affinité du projet pour la folk qu'on a toujours senti cachée. Au delà, tout semble sur ce nouvel opus encore plus affiné et abouti, autant musicalement qu'émotionnellement. On a moins, voire pas vraiment de longueurs dans les morceaux - ils savent jouer avec le tempo, faire durer un riff assez longtemps pour que son effet languissant se fasse sans trop l'étirer pour ne pas qu'on s'en lasse. Il y a du désarroi, mais aussi une sorte de paisibilité qui en ressort. Afsky sait toujours peindre les émotions avec une finesse incroyable, tout en subtilité.
Encore une belle réussite pour le projet danois qui ne fait que confirmer que le black metal, dans ses itérations les plus atmo et dépressives, peut encore proposer une musique réellement émouvante et neuve. Si chaque album arrive ainsi à exprimer autant de sentiments tout en passant une nouvelle étape dans la maîtrise musicale, on a déjà hâte d'entendre la suite.
Tracklist :
1. Stormfudle hav
2. Frosne vind
3. Tak for alt
4. Det der var
5. Tid
6. Fred vaere med støvet