U-zine.org, webzine musical metal actif entre 2004 et 2015. Fermé en 2015 suite à sa fusion avec 2Guys1TV, ses articles (chroniques, live-report, interview, dossiers, ...) sont désormais disponibles directement sur Horns Up via ce compte !
Helloween est devenu au fil des années une institution dans le milieu du heavy metal allemand, un modèle de persévérance mais pas forcément d’intégrité, tant les humeurs et la relative qualité diffère selon les époques et les albums.
Testament d’une époque légendaire, novatrice, et ayant en partie donné naissance à l’ensemble de la scène speed mélodique actuelle (quelle soit allemande ou scandinave), "Chameleon" sonne le glas d’une ère ayant vu l’apogée et le déclin d’une voix, d’une personnalité unique et exceptionnelle : j’ai bien sur nommé Micheal Kiske.
A bien y regarder, on peut sans trop mentir affirmer que Kiske aura, durant sa carrière, particulièrement été révolutionnaire sur les deux premiers volets de "Keeper of the Seven Keys" et ensuite décevant à plus d’un titre, que ce soit dans Helloween ou en solo. Une légende restée muette dans un style pour lequel il pensa et jugea avoir tout dit après cet ultime disque, peut-être moins catastrophique que l’on veut bien l’entendre dire aujourd’hui.
Une fois replongé dans un contexte bien peu reluisant pour un genre aussi mélodique, on peut comprendre l’irrésistible envie de musiciens cloisonnés dans une musique alors considérée en pente descendante, de proposer des paysages différents. Gamma Ray le fit admirablement bien avec son génial "Insanity & Genius" la même année, Wasp avec son "The Crimson Idol" très travaillé et ambitieux et Queensryche relâchera considérablement la pression avec "Promised Land" l’année suivante. Bref, les grands artistes des années 80 se devaient de changer face à une façade brutale dominé par un death en pleine démesure et un black metal dévoilant alors ses albums les plus cultes.
Helloween décida quand à lui d’apporter une atmosphère étonnement funky à son cinquième album, affublé pour l’occasion d’une pochette minimaliste, réussissant à ne pas être aussi laide que la précédente mais aussi peu engageante quand au contenu musical de l’album, résolument moins ambitieux que jadis.
Pourtant, si l’on a coutume de cracher ouvertement sur cette erreur de la nature, on ne pourra lui reprocher de disposer d’un son puissant, carré et incroyablement clair et précis, ainsi que d’un mixage faisant la part belle à la basse ("Giants") et à des guitares ayant un rendu tranchant, leur mollesse venant des riffs à proprement parler.
Affligeant de banalité pour certains, ce disque fut pourtant l’œuvre d’un Weikath prenant un risque, celui d’un virage plus commercial (alors que leur éternel rivaux médiatique de Gamma Ray opérait une orientation expérimentale) et accessible, mais en bannissant une certaine qualité qui avait fait la marque de fabrique des citrouilles, une rigueur qui ne les avaient pris que rarement en défaut et surtout un sens de la mélodie ici quasi absent.
Les solos sont néanmoins nombreux, parfois longs et très intéressants ("Giants" toujours, "Music" et ses solis langoureux et superbes, "First Time"), mais ce sont les mélodies de base, ces rythmiques qui souffrent d’une passivité sans nom, sans accroche ni intérêt, Michael Kiske posant une voix toujours aussi magnifique sur une musique des plus banales.
Banale ! "Chameleon" est en fait un opus en proie aux paradoxes, car la multiplicité des interventions de cuivres auraient pu en faire un chef d’œuvre, mais on ressent un sentiment maladroit, comme si cette instrumentation n’était pas en adéquation avec les structures initiales.
"Music", par exemple, semble être un dédale de solos, de passages funk et de vocalises dans lesquelles Helloween se perdrait lui-même, s’étirant sur plus de sept minutes car ne sachant pas comment faire évoluer son morceau. Mais on ne pourra le citer comme étant mauvais, car les idées affluent.
"Revolution Now", et son riff pompé sur Deep Purple, pose presque le même constat. Des idées mal exploitées, des cuivres ajoutées pour la forme et non le fond, des guitares soporifiques et muselées, et un groupe ne semblant pas plus y croire que son auditoire, définitivement déçu d’un groupe encore impérial cinq ans plus tôt.
De même, l’intro de "First Time", comme un bœuf entre les membres, semble presque anachronique lorsque l’on entend le riff quasi pop du titre, emballé sur une rythmique des plus basiques et un Kiske chantant sans passion ni envie. Malgré un refrain mémorisable et un solo de Roland Grapow aussi furtif que bien envoyé, rien ne reste, tout se consume avec le temps.
Tout l’album sera à cet image : une prise de risque certes, mais des idées donnant lieu à un labyrinthe de sonorités liées dans une symphonie disgracieuse et pesante, voir complètement redondante.
Le ridicule "When the Sinner", aux vocaux trafiqués, à la ligne vocale infâme car niaise, et aux guitares simplement inexistantes, ou encore la pitoyable "In The Night", empreinte d’une atmosphère country sans second degré, tireront vers le bas un disque résolument inférieur au reste de leur discographie et en signe d’auto-suicide.
Andy Deris parviendra à sauver d’un naufrage certain des citrouilles ayant tant apportées…un renouveau emplit de vigueur et de puissance, nous ravageant, aujourd’hui encore (les trois derniers opus studio étant de petites bombes !) des tympans endoloris ne demandant pas plus que de ne jamais revivre l’expérience "Chameleon".
1. First Time 05:30
2. When the Sinner 06:54
3. I Don't Wanna Cry No More 05:11
4. Crazy Cat 03:29
5. Giants 06:32
6. Windmill 05:14
7. Revolution Now 08:04
8. In the Night 05:35
9. Music 07:01
10. Step Out of Hell 04:21
11. I Believe 09:11
12. Longing 04:14