"On est tous le boomer de quelqu'un d'autre."
L’improbable label indien Transcending Obscurity nous abreuve, tout au long de chaque année, de ses nombreuses découvertes à travers le monde. Des groupes qui n’ont ni vraiment vocation à devenir des grands, ni des micro formations issues d’undergrounds pour le moins obscurs. Des groupes ni trop produits, ni pas assez, bref de la série B en somme, mais de la bonne série B malgré tout, pas les disques tous plus dispensables et interchangeables les uns que les autres que balançaient pas mal de « labels » européens à la figure des webzines au cœur des années 2010. Et ce dans divers sous-genres du Metal extrême, pas uniquement du Brutal Death des familles que le label sortait à tour de bras à ses débuts. Transcending Obscurity a fini par élargir son catalogue, du Doom au Black, tout en s’offrant quelques signatures plus renommées comme Paganizer. Et les trouvailles continuent et s’enchaînent à un sacré rythme. Voici donc une de ses dernières arrivées, d’Allemagne, le groupe Vorga qui existe depuis 2016 et avait signé un premier EP en 2019, Radiant Gloom. Au vu de la pochette de ce premier opus nommé Striving Toward Oblivion, on peut penser que le groupe va s’inscrire dans le style « historique » de Transcending Obscurity qu’est le Death brutal et/ou technique. Raté. Un touché visuel à la Nocturnus certes, mais nous allons plutôt partir dans des terres Black et même précisément du « Cosmic Black Metal » si l’on en croit la promo et même les accoutrements des 4 musiciens sur les photos et clips. Pour du BM blindé de synthés ou un truc à la Darkspace ? Encore raté !
En vérité, et c’est ce qui est le plus surprenant, c’est que Vorga va plutôt s’inscrire dans un sous-genre particulier : le Black mélodique d’obédience suédoise, à la Dissection, Sacramentum, Dawn et consorts. On attendait pas d’un groupe « cosmique » qu’il fasse du Black Metal historiquement « anti-cosmique », mais le paradoxe est là. Un peu comme Sulphur Aeon avant lui, Vorga est donc un autre groupe allemand qui situe clairement ses influences en Suède. Pour un résultat qui convainc déjà visuellement également, mais qu’en est-il de la musique ? Dans la lignée de Radiant Gloom, Vorga va donc nous proposer un Black Metal au souffle mélodique évident, mais malgré tout tranchant, avec un unique chant Black, des blasts souvent présents de même que les habituelles charges de trémolos (ne manque plus que les passages acoustiques assumés). Ni trop produit, ni pas assez, comme tout ce que sort Transcending Obscurity finalement, où il trouve parfaitement sa place même si on a vu plus « moderne » dans le catalogue des Indiens. Cela commence même sans attendre avec "Starless Sky" où l’on se fait directement accueillir par des trémolos ciselés. Cosmique, Vorga l’est dans ses thématiques, mais sa musique est plus traditionnelle. Même si des riffs un peu plus modernes se font parfois entendre, que ce soit le temps de quelques compos ici et là ("Starless Sky", "Disgust", "Taken") ou pour driver un peu plus les morceaux et amener de la variété ("Stars My Destination", "Fool’s Paradise", "Death Manifesting"). On lorgne même parfois du côté plus rugueux d’un Black/Death et cela fait ressortir une autre influence qui est assumée, et suédoise toujours, celle de Necrophobic. Le vaisseau spatial de Vorga a donc décollé de Karlsruhe… pour se poser pas bien loin, en Suède.
Striving Toward Oblivion se présenterait donc finalement comme un album assez banal de Black mélo de l’école suédoise comme on en a eu pas mal ces dernières années, de Hyperion à Night Crowned en passant par Bane et bien sûr Sarcasm. Mais… déjà, avec son concept spatial, Vorga a ce petit truc en plus. Et Striving Toward Oblivion est un album sacrément bien troussé, contenant tout ce qui fait le charme et l’efficacité du genre, des musiciens inspirés et qui amènent malgré tout une petite touche personnelle. "Starless Sky" est déjà un opener tout à fait excellent et ensuite c’est la déferlante avec les formidables singles "Comet" (très accrocheur de bout en bout) et "Disgust" (aux compos vraiment mordantes). Les huit morceaux de Striving Toward Oblivion passent d’ailleurs par différentes humeurs malgré un style de base assez balisé, et il y a de la marge entre les très mélodiques "Comet" et "Taken", un morceau plus blastant et épique comme "Last Transmission" ou encore le plus sombre "Fool’s Paradise". Striving Toward Oblivion est donc plus travaillé qu’il n’y paraît, et si on apprécie ce Black mélo traditionnel de base déjà très réussi, on trouve vite des petites choses qui élèvent le tout et apportent un peu de singularité à ce que propose Vorga. Bien sûr, avec un tel apparat cosmique assumé, le groupe allemand peut aller bien plus loin, mais ce qu’il propose ici est déjà totalement convaincant. Un Black mélo authentique parfaitement composé et exécuté, remis au goût du jour avec de légères aspérités modernes, qui ne parasitent en rien le style et laissent entrevoir une belle marge de progression, c’est vraiment pas mal et Vorga est une belle petite révélation. Si vous mangez sans faim tout ce qui est du domaine Black mélodique école suédoise mais avec un minimum d’originalité, Striving Toward Oblivion est assurément une découverte à ne pas manquer, dans le catalogue d’un label qui arrive toujours à trouver quelque chose qui a de l’intérêt. C’est fort, et espérons que ça poussera Vorga encore plus loin dans le cosmos !
Tracklist de Striving Toward Oblivion :
1. Starless Sky (5:19)
2. Comet (5:08)
3. Disgust (5:59)
4. Stars My Destination (5:25)
5. Last Transmission (5:48)
6. Fool’s Paradise (5:14)
7. Taken (6:38)
8. Death Manifesting (5:16)