"On est tous le boomer de quelqu'un d'autre."
Un album de Pain, deux albums de Lindemann… Depuis la sortie du dernier album d’Hypocrisy, End Of Disclosure (2013), on a surtout vu Peter Tägtgren « ailleurs ». Alors, ce retour d’Hypocrisy, c’est pour quand ? C’était bien sûr l’attente principale de tout le monde, enfin surtout des gros boomers diront les plus médisants. Lindemann, c’est terminé pour Peter, Pain, ça sera pour une autre fois, place enfin à un nouvel album d’Hypocrisy, attendu depuis pas moins de 8 ans. Annoncé presque en catimini alors que l’Épidémie se tassait (enfin, c’était avant qu’un certain Omicron ne pointe le bout de son nez), pour un album qui était semble-t-il dans les cartons depuis un moment (on sait que le premier single "Chemical Whore" avait été finalisé avant même le début de la pandémie), Worship s’est présenté de manière finalement ultra-attendue : des ovnis, des conspirations, et toute la panoplie. Bref, le Hypocrisy un peu bas du front qu’on aime (ou pas). Qu’est-ce que peut encore dire le groupe suédois, trente ans après sa formation, 25 ans après le début de sa période vraiment « mélo » sur Abducted (1996), et alors qu’il restait sur un excellent A Taste Of Extreme Divinity (2009) et un légèrement plus contesté End Of Disclosure (2013) ? La réponse se trouve dans ces 50 grosses minutes et elle va être très simple.
Hypocrisy fait du Hypocrisy. Voilà, il n’y a plus qu’à passer à autre chose. Oui mais tout de même, Hypocrisy est de retour, avec son Death-Metal mi-lourd mi-mélodique plutôt particulier, souvent quelque peu copié, jamais vraiment égalé. Le morceau-titre qui ouvre Worship ne laissera apparaître aucune tromperie sur la marchandise : c’est très Death mais très mélo (ou l’inverse), il y a déjà tout, entre cavalcades rythmiques pour bien faire headbanguer les guitaristes sur scène, les mélodies typiques sont de mise et Peter Tägtgren growle toujours aussi bien malgré le poids des ans - il a même pour moi toujours été très sous-estimé dans ce domaine, repassez-vous Virus (2005) ou Nightmares Made Flesh de Bloodbath pour vous en convaincre. Et le 13ème album d’Hypocrisy se déroule ainsi, capitalisant sur tout ce qui a été fait depuis l’album éponyme de 1999. Pas aussi épique qu’un The Arrival (2004) ou A Taste Of Extreme Divinity, pas aussi tranchant qu’un Virus ou End Of Disclosure, Worship avance sans chichis mais aussi avec un savant équilibre. Qu’il soit plus lourd et même légèrement sombre ("Chemical Whore"), qu’il fasse preuve de sursauts d’efficacité ("Greedy Bastards") ou qu’il lorgne un peu plus vers du pur Death-Metal ("Another Day", "They Will Arrive", mais surtout l’étonnamment plus gras et vicieux "Dead World"), Worship fait le taf et Hypocrisy n’est pas revenu pour faire du faisandé, ni même du réchauffé même si cet album sera finalement ultra-conventionnel.
On oublie pas une variable importante de l’équation Hypocrisy : la mélodie. Sans vraiment faire du « mélodeath », Hypocrisy a toujours eu une science particulière de son penchant mélodique et Worship le prouvera encore. Quitte à pêcher cette fois-ci par un léger manque d’inspiration et une certaine redondance de ce côté… C’est bien simple : le milieu de l’album, qui enchaîne les morceaux mid-tempo essentiellement mélodiques, se révèle un peu rompiche, la faute à des pistes franchement interchangeables ("We’re the Walking Dead", "Brotherhood of the Serpent", "Children of the Gray", auxquels on peut ajouter "Bug in the Net" plus loin). Cela ne fait pas de Worship un mauvais album, c’est surtout une question d’organisation et d’équilibrage à vrai dire. Mais il est vrai qu’une partie de l’album ne se distingue pas par sa dynamique, même si Hypocrisy n’a jamais été un groupe de Death-Metal particulièrement remuant. Même si Worship n’est pas le meilleur album de la discographie des Suédois, c’est un retour qui roule bien, avec un minimum de forme de compétition et des morceaux qui fonctionnent ("Chemical Whore", "Dead World", "They Will Arrive", le formidable final qu’est "Gods of the Underground"), en plus d’une production claire et puissante qui n’en fait pas des tonnes. Peut-être que pour certains, le groupe apparaît maintenant daté et inefficace, mais il a toujours sa propre patte et s’y tient, quitte à paraître kitsch notamment sur les thématiques… mais, ne soyons pas hypocrites, c’est ça aussi qui fait le charme d’Hypocrisy. Un retour pas exceptionnel mais plus que correct, et quand à côté certains splittent ou sortent du bâclé ou de vraies bouses, ça fait quand même plaisir !
Tracklist de Worship :
1. Worship (4:43)
2. Chemical Whore (5:19)
3. Greedy Bastards (4:03)
4. Dead World (4:09)
5. We're the Walking Dead (5:19)
6. Brotherhood of the Serpent (4:23)
7. Children of the Gray (5:16)
8. Another Day (3:11)
9. They Will Arrive (4:25)
10. Bug in the Net (4:51)
11. Gods of the Underground (4:48)