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Album

24 septembre 2021 - Dolorès

King Woman

Celestial Blues

LabelRelapse Records
styleDoom Rock
formatAlbum
paysEtats-Unis
sortiejuillet 2021
La note de
Dolorès
8/10


Dolorès

Non.

Quel chemin parcouru par la bande de Kristina Esfandiari !

Des relents shoegaze & dream pop de l'EP Doubt, qui m'avait déjà conquise en 2015, au brûlant Created in the Image of Suffering (élu pochette de l'année 2017), le groupe californien avait déjà su se montrer créatif. C'est lorsque le clip de « Morning Star » est sorti cette année, dans l'idée de dévoiler ce nouvel album, qu'on s'est toutes et tous rendu compte qu'on était loin d'avoir fini de se faire retourner par King Woman.

Lors de la première écoute, les pensées qui viennent sont les suivantes : beaucoup moins shoegaze, beaucoup moins lointain et lourd... Finalement beaucoup moins doom ? En effet, la formule est carrément différente et le groupe a pris une nouvelle direction en sachant très bien où il allait. Dans tous les cas, il y a bien un élément qui nous garde en terres connues : des titres portés par le chant incroyable de Kristina. Sa présence traduit à nouveau ses fonctions de prêtresse rampante de minuit et d'impératrice intermédiaire entre le Mal et nous. Son travail sur le chant, clair ou éraillé, fait d'elle une figure dont on se souvient et elle affirme ici sa position d'atout principal du groupe. Dans les compositions, elle est aussi omniprésente et intrigante qu'une entité surnaturelle. Sa marque de fabrique en studio, des lignes vocales superposées dans un seul souffle, est toujours présente. Elle propose quasi systématiquement des mélodies doublées à l'octave ou par un chant crié. Un procédé simple mais qui permet de créer cette silhouette fantomatique et sulfureuse qui, finalement, la rend unique et reconnaissable dans cette scène.

Elle s'éloigne pourtant des clichés de la « chanteuse de doom » en proposant une image plus rentre-dedans qui colle tout à fait aux nouvelles compositions bien plus rock et grunge de Celestial Blues. Moins de plages planantes et saturées, plus de structures bien ciselées et même du groove par ci par là. Le tout avec une vibe teenage très présente, que je retrouve dans des morceaux comme « Coil », « Boghz » ou « Ruse » qui m'ont tout de suite rappelé Tairrie B et son groupe Tura Satana (metal alternatif) dont j'étais absolument fan plus jeune. Finalement, on peut aussi sentir une influence venue de la pop actuelle dans le phrasé simple, un peu dédaigneux et assumé de « Golgotha ».

En tout cas, on ne peut pas dire que King Woman se soit enfermé dans un style précis. On voguait déjà, depuis 2015, entre divers univers mais aujourd'hui, le détachement d'influences étiquetées « doom metal » est tout à fait assumé. Déconstruire pour mieux reconstruire ? La pochette participe bien évidemment à donner une aura destroy doublée d'une tension poétique à Celestial Blues. Pourtant, on ne tombe jamais dans la caricature un peu je-m'enfoutiste ou décalée humoristique : la noirceur reste du serious business et on sent qu'une forme de spiritualité s'écoule au fur et à mesure, du titre éponyme en ouverture à « Paradise Lost ».

On se surprend aussi à garder en souvenir, comme un rêve marquant, les moments les plus noirs, marécageux et malfaisants, là où le précédent album nous faisait vibrer sur ses points d'orgue lumineux dans la tempête. On aura en mémoire, à l'issue de l'écoute, les roulements apocalyptiques suivis d'avertissements solennels sur « Morning Star ». On attend, en jubilant, lorsqu'on sait venir la déchéance ultime qui se déverse au fil de « Entwined ». Puis on se retrouve véritable proie étouffée sous les écailles du serpent lorsque « Boghz » et « Golgotha » pointent le bout de leur nez.

L'album transmet une ébullition d'assurance, qui n'en était encore qu'au frémissement il y a quatre ans. Toujours est-il qu'on ne se lasse pas d'entendre les soupirs poétiques se confronter à des murs tempétueux sur les neuf titres de Celestial Blues. Une belle surprise pour le groupe qu'on imaginait peut-être déjà enfoncé dans son terrier sans croire à un nouvel opus plus fort et original que jamais.


1. Celestial Blues
2. Morning Star
3. Boghz
4. Golgotha
5. Coil
6. Entwined
7. Psychic Wound
8. Ruse
9. Paradise Lost

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