Chroniqueur doom, black, postcore, stoner, death, indus, expérimental et avant-garde. Podcast : Apocalypse
Debemur Morti est définitivement un label singulier. Déjà de par son catalogue d'une grande qualité, qui regroupe des fleurons français (Blut Aus Nord, Monolithe, Throane, Dirge et j'en passe) comme internationaux (Terra Tenebrosa, Ævangelist, Archgoat, Behexen,...), mais aussi de par la fidélité dont une partie non-négligeable de son roster fait preuve. En effet, nombreux sont les groupes qui, une fois signés sur le label francilien, y restent des années durant, preuve incontestable que label accompagne ses groupes de la meilleure des manières. Autre indice plus discret : les sorties DMP100 et DMP200. La première était signée Blut Aus Nord. La seconde est celle dont il est question dans ses lignes. Les deux portent le nom de Debemur Morti. Une démonstration supplémentaire du lien fort qui unit le label et ses protégés.
C'est en 2017, pour la sortie de son premier album, que le groupe ukrainien signe chez Debemur. Quatre ans plus tard, avec un second album au compteur, le groupe offre donc sa deux-centième sortie au label avec cet EP au nom de la maison. Avec les deux titres de cet EP, White Ward reste dans son terrain de jeu : un post black metal aux tendances expérimentales. On retrouve le goût des Ukrainiens pour les arrangements travaillés et nombreux, donnant volume et profondeur à leur musique intense. Parce que si comme auparavant, on a des instants de respiration aérés, il ne faut pas oublier que les passages les plus Black metal proposés le groupe sont quand même sacrément incisifs et acérés : le chant hurlé se fait toujours aussi agressif, le riffing reste tranchant et acerbe, la rythmique tendue et rapide. Mais, par-delà ces parties plus traditionnelles, ce qui fait toute la force de White Ward ce sont bien sûr ses incursions dans des territoires moins conventionnels. L'intrusion d'un chant clair enlevé et sublime (celui de Lars Are Nedland, de Solefald, invité pour l'occasion) en plein milieu du premier titre offre typiquement le genre d'expérience dont White Ward a le secret : rien ne prépare cette arrivée de la voix claire et pourtant elle s'insère avec facilité et cohérence jusqu'à la fin du titre.
L'autre grande force du groupe, sur cet EP peut-être plus encore que sur les albums, c'est bien entendu la présence du saxophone. Survolant le mix lorsqu'il déboule sur des passages Black metal ou en en devenant le centre lorsqu'on navigue en eau moins saturée, le saxophone trouve toujours avec une aisance impressionante sa place. Et même mieux que jamais, peut-être. La première partie jazzy très feutrée de Embers, entre BO Twin Peaks et BO Taxi Driver, montre à quel point le talent de White Ward s'étend : de la sauvagerie froide au lounge inquiétant, rien ne semble impossible pour les Ukrainiens.
Avec ces deux titres, White Ward confirment qu'ils ont encore de l'espace dans leur univers sonore pour composer de belles et impressionnantes pièces. Maîtrisée d'un bout à l'autre, cette deux-centième sortie estampillée Debemur Morti semble annoncer un futur plein de promesses à la fois pour le label et pour le groupe.
Tracklist de Debemur Morti :
01. Debemur Morti
02. Embers