Punkach' renégat hellénophile.
A bien y réfléchir, l'influence de Bolt Thrower sur le death metal est assez comparable à celle qu'a eu Genghis Khan sur le destin de l'Eurasie. Je m'explique. Formé sur les cendres des batailles du punk hardcore britannique, le groupe de Coventry (étrange hasard de l'Histoire) a connu une irrésistible ascension, album après album, prenant l'auditeur par surprise avec des renforts inattendus (Warhammer Records, tout un programme!). Comme le jeune Temudjin, nobliaux des steppes parmi tant d'autres qui, par la force des armes et de sa volonté d'acier, a mis le monde à genoux, avant de le quitter par surprise, au summum d'une gloire éternelle. Pour le grand Khan comme pour nos vétérans du death britannique, s'en est suivi une période où de nombreux conquérants, plus ou moins légitimes et plus ou moins dangereux, ont tenté l'un après l'autre de brandir la vieille bannière et d'étendre l'empire. Avec, parfois, de très beaux faits d'armes. Les seigneurs de guerre des Midlands ont ainsi marqué de leur étoile à huit branches des formations telles que Asphyx ou Hail of Bullets.
Le cas de Memoriam est plus particulier, le groupe de Birmingham s'étant constitué autour du chant de Karl Willets, membre historique de la brigade des balistaires, qui a voulu ainsi rendre un hommage assumé à son premier groupe comme au batteur Martin "Kiddie" Kearns, autre vétéran décédé en 2015, à l'âge fort peu canonique de 38 ans. Aussi classique qu'elle soit, la tactique Memoriam s'avère plutôt efficace : le groupe sort des albums avec une régularité d’horloger du Mechanicus, et certains se sont révélés très solides, entre la base rythmique d'un The Silent Vigil digne d'une descente d'organes, ou un récent Requiem for Mankind qui envoyait encore de bonnes volées de boulons.
To the End semblait prendre la même direction que ses prédécesseurs avec des morceaux tels que « Onwards into Battle » ou « This War Is Won », certes sans surprise mais qui appliquent bien le manuel. Mais cette énième offensive commence à dangereusement s’essouffler avec un « Failure to Comply » qui avait pourtant bien commencé. Willets a l'air complètement encrassé dès la première ligne du refrain, ce qui ne rend qu'encore plus flagrant à quel point le texte ne dépasse pas le niveau du premier groupe de punk/thrash/crossover à l'indignation facile. Non que je critique les prises de position de Memoriam, groupe toujours du côté des peuples face aux états et aux bourses, ce qui leur a été fort reproché à la sortie de ce single ; ces positions étaient déjà bien présentes dès « Austerity Kills » et sont tout à leur honneur, mais pour le coup je trouve le message un peu simpliste. Quant à la musique, le riffing retrouve une certaine lourdeur avec « Each Step (One Closer to the Grave) » ou un plutôt bon « To the End » mais Willets semble avoir du mal à suivre le ton. L'homme commence à accuser son âge aussi, on ne peut pas lui en vouloir de ne plus growler comme au XXème siècle, mais sur « Mass Psychosis » on n'est même plus dans un registre death metal et l'album commence à se faire long.
To the End n'est pas dénué de bonnes compositions, même si aucune ne s'avère vraiment mémorable. Mais à force d’enchaîner les sorties tout en voulant rester fidèle à un modèle aussi intransigeant que le Bolt Thrower de la grande époque, l’essoufflement s'avère un réel danger, tant en terme d'inspiration que de puissance vocale. C'est dommage, car il y a, j'en suis sûr, une volonté de bien faire. Reste un visuel au goût de cendre biotechnologique digne du vieux Warhammer, et puis le souvenir des batailles de jadis...
Setlist:
Onwards into Battle
This War Is Won
No Effect
Failure to Comply
Each Step (One Closer to the Grave)
To the End
Vacant Stare
Mass Psychosis
As My Heart Grows Cold