"On est tous le boomer de quelqu'un d'autre."
S’il y a bien un groupe qui est attendu dans son sous-domaine, c’est The Amenta. Depuis Occasus en 2004, le groupe australien a apporté un vent frais dans une « scène » Cyber/Indus parfois grossière et kitsch. Il n’a d’ailleurs depuis cessé de faire évoluer son propos, vers un « Death » Indus de plus en plus dark et travaillé, amenant des influences plus pointues que du blip-blip électro que l’on peut allègrement croiser chez d’autres. S’il a aussi connu des remous de line-up (jusque là, le groupe avait connu 3 chanteurs pour autant de full-length), The Amenta a donc fini par se stabiliser autour d’une certaine aura et d’un certain style, même s’il lui a fallu du temps. Huit longues années séparent donc Flesh Is Heir de Revelator, et ce fut un supplice tant la fournée 2013 de The Amenta fut excellente, suivant un déjà très bon n0n (2009). Entre temps, le groupe est donc passé du frenchy Listenable au frenchy Debemur Morti, a pour la première fois conservé un vocaliste sur deux albums consécutifs (Cain Cressall), garde encore dans ses rangs David « Dianozon » Haley (Psycroptic) derrière les fûts, et a bossé sur un quatrième album qui, c’est dit, va encore le faire évoluer. On sait que depuis l’EP Chokehold (2012), The Amenta avait souhaité faire ressortir certaines de ses influences primaires, Godflesh en tête (en témoigne l’excellente reprise de "Christbait Rising" sur ce même EP). Toutefois, Flesh Is Heir restait dans la lignée de n0n, mais le groupe avait définitivement cassé la baraque en livrant son meilleur album jusqu’ici, bourré de pistes mordantes ("Flesh is Heir", "Ego Ergo Sum", "Obliterate’s Prayer"…). Il lui restait malgré tout de la marge de progression et d’évolution, et Revelator va tenter de montrer The Amenta sous un jour légèrement nouveau.
Pourtant, à l’écoute des premières secondes volontairement crues de "An Epoch Ellipsis", on constate que pas grand-chose ne change. The Amenta est toujours aussi offensif, avec des guitares Death/Indus acérées, une batterie faisant feu de tout bois, et le chant hurlé typique. Mais quelques éléments viennent déjà éclairer le paysage apocalyptique. A commencer par des moments mélodiques plus voyants, pas inédits mais plus remarquables, qui sont d’ailleurs surplombés par un chant lointain quasi-clair. Un break inquiétant et noisy vient d’ailleurs bien vite appuyer ce propos. The Amenta semble donc évoluer par petites bribes, dans la continuité, en gardant son efficacité mais en aérant un peu l’ensemble. Il se dégage même de ceci un petit côté épique, accompagnant bien l’atmosphère apocalyptique et cybernétique si chère à la formation. Et c’est confirmé par le bien bon single qu’est "Sere Money", démarrant par des riffs rampants et des lignes vocales accrocheuses, mais qui laisse ensuite planer une ambiance désenchantée grâce à des mélodies décharnées et des vocaux à l’unisson. Et la deuxième partie du morceau, assez monumentale, pousse déjà un sacré cran au niveau de l’épique (avec même des leads libérateurs), et c’était assez inattendu pour un groupe aussi dur et implacable que The Amenta. Malgré tout, la suite de l’album baignera généralement dans un certain classicisme, dans la lignée de Flesh Is Heir (le plus lourd "Psoriastasis", "Parasight Lost", le massif "Overpast", "Parse Over"), mais avec pas mal d’éléments plus originaux ici et là. Comme le chant à nouveau simili-clair de "Parasight Lost", le côté plus dark de "Overpast" et son final dépouillé, l’à la fois efficace et aéré "Parse Over" offrant une conclusion très épique… The Amenta a vraiment souhaité évoluer par petites touches, discrètes au départ mais remarquables ensuite, qui font vraiment la différence ; en témoigne encore le fleuve "Twined Towers", très varié et qui joue beaucoup sur les ambiances, et qui montre bien ce que The Amenta veut maintenant faire sur la base de son Death-Indus noir et percutant.
Le bilan de l’ensemble, ne sera malgré tout pas parfait… Revelator reste en grande partie un album assez balisé dans la continuité de Flesh Is Heir, et dont les perspectives d’évolution et les nouveautés sont pertinentes mais inégales. Des longueurs apparaissent, notamment pour le central "Twined Towers" ou même pour le bonnard "Parasight Lost". Par ailleurs, The Amenta s’est aussi essayé à composer des morceaux… totalement acoustiques et noisy, plutôt dispensables. Si "Wonderlost" est davantage un interlude, "Silent Twin" lui casse un peu la dynamique de l’album qui débutait très bien avec "An Epoch Ellipsis" et "Sere Money". Bref, toutes les idées de The Amenta ne sont pas forcément bonnes. Entre des compos qui ne surprendront pas vraiment les mordus de Flesh Is Heir, album qui était parfois légèrement redondant avec le recul, et des singularités qui sont soit réussies avec bon nombre de moments forts, soit moyennement amenées et source de baisses de tension, Revelator est légèrement mitigé. Mais le jeu en vaut tout de même la chandelle et cet album n’est pas du tout raté, bien au contraire. The Amenta peut probablement mieux faire, en se cherchant un nouvel équilibre voire en tranchant carrément avec son passé, ce qui mine de rien pourrait être salutaire. Parfois le cul entre deux chaises, Revelator n’est donc pas l’album ultime des Australiens que l’on attendait. Le groupe est malgré tout en bonne forme et sa volonté de faire évoluer son art est à saluer, même s’il faudra attendre un album de plus pour qu’il trouve vraiment la bonne voie et la bonne formule. Revelator n’en est pas moins intéressant, propose toujours quelques morceaux mordants et une ambiance sombre à souhait, et le style de la formation demeure unique en son genre, s’offrant ici de nouvelles perspectives et des moments épiques. Si n0n et Flesh Is Heir restent référentiels, Revelator montre une nouvelle route à emprunter pour The Amenta, et on a déjà hâte de voir jusqu’où il va pouvoir aller dans le monde post-apocalyptique qu’il a créé…
Tracklist de Revelator :
1. An Epoch Ellipsis (5:19)
2. Sere Money (5:27)
3. Silent Twin (4:17)
4. Psoriastasis (3:38)
5. Twined Towers (8:14)
6. Parasight Lost (5:20)
7. Wonderlost (2:44)
8. Overpast (4:55)
9. Parse Over (5:45)