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Rubrique nécro #1 - Orbit Culture, Ad Nauseam, Abiotic, Baest...

jeudi 4 mars 2021
Team Horns Up

Compte groupé de la Team Horns Up, pour les écrits en commun.

Sur Horns Up, on vous propose depuis de nombreuses années désormais des articles condensant les sorties à ne pas rater dans certains sous-genres. Autrefois sous la plume de S. pour le Black Metal et aujourd'hui sous la plume de Raton pour le Hardcore et ses genres dérivés. En 2021, nous avons décidé de pallier un manque cruel en vous proposant une nouvelle rubrique dédiée à l'actualité du Death Metal : la Rubrique Nécro' ! Tous les trois mois, vous retrouverez ainsi une sélection d'albums ou d'EPs, fraichement sortis, qui nous ont marqué, fasciné, déçu ou énervé ; et ce dans tous les sous-genres du Death.

Au programme de cette première édition : Cambion, Orbit Culture, Ad Nauseam ou bien encore Eximperitus. Bonne lecture à tous et à toutes !

 

Cambion – Conflagrate the Celestial Refugium
LavaDeath – USA (Lavadome Productions)

Sleap : Comme pour bien d’autres styles musicaux, le Death Metal comporte des ramifications spécifiques à certains labels. Ces dernières années, la mode est souvent au Death sombre estampillé Dark Descent (Krypts, Spectral Voice, Father Befouled, Ritual Necromancy, etc.) mais d’autres labels américains parviennent à imposer leur propre trend comme les coreux de Southern Lord (Black Breath, Gatecreeper…) ou plus récemment Maggot Stomp pour tous les newborn fans de Mortician (Sanguisugabogg, Fluids, Denunciation…). Pour ma part, il est un label que j’estime plus que tout pour la qualité de son roster méticuleusement constitué : Lavadome. Créé il y a plus de dix ans par l’increvable Jan, ce label Tchèque s’est d’emblée spécialisé dans le Death US fin 90’s / début 00’s cher à Morbid Angel, Diabolic, Hate Eternal, AngelCorpse ou Centurian. Et, bien qu’il n’ait jamais signé de groupes de cette ampleur, Jan met un point d’honneur à soigneusement dénicher de jeunes combos évoluant dans cette branche qui n’est aujourd’hui plus tellement populaire et que j’ai sobrement baptisée « Lavadeath ». Ainsi, après Beyond Mortal Dreams, Destroying Divinity, Chaos Inception, Heaving Earth ou Ad Vitam Infernal, c’est enfin Cambion qui sort son premier full-length chez le label tchèque.

Fan inconditionnel de la demo – qui worshippait le Hammer of Gods d’AngelCorpse comme personne –, je dois dire que ma première écoute de l’album fût un poil décevante, surtout après plus de 5 ans d’attente. Mais heureusement, ce Conflagrate the Celestial Refugium s’apprécie de plus en plus sur la durée. Son démarrage au quart de tour (quelle explosion !) laisse se déployer toute la sauvagerie du power trio texan. Les soli Azagthoth-like qui déboulent dans tous les sens donnent un aspect complètement épileptique à ce Death déjà très dense. Malgré un son de triggers assez discutable, les parties de batterie sonnent mieux que jamais – en même temps lorsqu’on passe d’une drum machine à un ex-batteur de Hate Eternal ce n’est pas étonnant. Les vocaux – moins Helmkampiens que sur la demo – sont ici partagés entre le guitariste et le bassiste, ce qui a pour effet d’accentuer ce côté quasi-schizophrénique des compos. Je m’aperçois finalement que ma déception de voir le groupe s’éloigner d’AngelCorpse est très vite éclipsée au profit d’une grande satisfaction à le voir trouver sa propre patte. Plus nerveux dans son interprétation, plus technique dans sa composition – sans pour autant tomber dans le démonstratif –, ce premier véritable album de Cambion place la barre très haut en matière de Lavadeath pour cette année 2021. 

 

Orbit Culture – Nija
Death Metal Mélodique – Suède (Seek & Strike)

Michaël : Je sais, cet album est sorti en juillet 2020. Nous ne sommes donc plus vraiment dans l’actualité. Mais j’avais tout de même envie de parler un peu de cet album qui est passé à travers pas mal de radars alors qu’il a un charme certain. Orbit Culture est né en 2013 de l’association entre Niklas Karlsson (chant ; guitare) et Maximilian Zinsmeister, avant d’être mené seulement par le premier. Après deux albums assez confidentiels et un EP, le groupe est revenu en 2020 avec ce Nija - dont l’artwork est particulièrement réussi - sorti chez Seek & Strike Records.

Définir la musique du groupe est assez délicate. Disons que ce serait un mix entre Metallica pour certaines rythmiques et la dynamique de la voix « claire » (notamment sur North Star Of Nija), du Gojira pour les riffs et la lourdeur, le tout mélangé dans un shaker avec les ingrédients d’un Death mélodique moderne (quelques relents de Scar Symmetry). Quelques passages acoustiques, quelques effets électroniques, une alternance growls/voix « claire » et des riffs hyper puissants donnent du relief à des compositions très travaillées. Niklas Karlsson est l’alpha et l’oméga d’un groupe qui produit une musique très mature, réfléchie et dans laquelle on se plonge avec plaisir. De la très rythmée North Star Of Nija en passant par The Shadowing et Open Eye, rien n’est à jeter. On en revient juste à regretter que plus d’oreilles ne se soient pas penchés sur le groupe.

 

Eximperitus – Šahrartu
Brutal Death Metal sumérien – Bélarus (Willowtip Records)

ZSK : Si ce groupe du Bélarus avait fait parler de lui lors de la sortie de son premier album en 2016, c’est davantage à cause d’un gros délire. Ce premier méfait portait ainsi le doux nom de… Prajecyrujučy sinhuliarnaje wypramieńwańnie Daktryny Absaliutnaha j Usiopahłynaĺnaha Zła skroź šaścihrannuju pryzmu Sîn-Ahhī-Erība na hipierpawierchniu zadyjakaĺnaha kaŭčęha zasnawaĺnikaŭ kosmatęchničnaha ordęna palieakantakta, najstaražytnyja ipastasi dawosiewych cywilizacyj prywodziać u ruch ręzanansny transfarmatar časowapadobnaj biaskoncaści budučyni u ćwiardyniach absierwatoryi Nwn-Hu-Kek-Amon, uwasabliajučy ŭ ęfirnuju matęryju prach Ałulima na zachad ad ękzapłaniety PSRB 1620-26b. Oui, on ne comprend rien à ce que baragouine Eximperitus, ou plutôt Eximperituserqethhzebibšiptugakkathšulweliarzaxułum, dans un mélange de vieux biélorusse et de délires sumériens. A noter que les noms des 8 morceaux composant ce premier album sorti chez Amputated Vein Records sont tout aussi longs et incompréhensibles, bien que traduisibles. Bref, Eximperitus s’était notablement fait remarquer pour cet emballage somme toute insolite, plus que pour sa musique, un Brutal Death des familles plutôt dark, plus proche d’un Nile que d’un Blood Incantation, ni vraiment bon ni réellement mauvais.

5 ans plus tard, les choses deviennent plus sérieuses. Bien que son logo fasse toujours apparaître son nom complet, Eximperitus se limite à un seul mot, que ça soit pour l’album ou les noms des pistes. C’en est presque décevant ! Mais le groupe ne semble pas être désormais signé chez Willowtip pour amuser la galerie. L’EP 2-titres W2246​-​0526 sorti en 2017 montrait d’ailleurs un groupe qui semblait évoluer et prendre un tournant un peu plus moderne. Šahrartu se place entre la tradition de… euh, du premier album, et les aspirations de W2246​-​0526. Certes, Eximperitus nous abreuve toujours d’un Brutal Death relativement technique et sec dans l’esprit d’un Nile. Mais outre un premier single, "Tahâdu", très sautillant et efficace, Eximperitus va surtout travailler ses ambiances, avec des morceaux plus longs qui vont pousser jusqu’à 10 minutes pour le monumental "Inqirad". Se limitant malgré tout à 37 minutes (dont deux instrumentaux pour ouvrir et fermer l’ensemble), Šahrartu n’en est pas moins varié et intéressant. Entre des tempos variés, des leads gracieux, des mélodies mystiques à la Morbid Angel sur "Utpāda", ou encore le final rituel de "Anhûtu", Eximperitus réussit bien à développer son atmosphère égypto/sumérienne/stargate tout autant que de faire un Brutal Death classique et abrasif qui fonctionne plutôt bien. Le chant ultra grave et monocorde, d’un membre inconnu (Eximperitus gardant son line-up secret), peut lasser un petit peu de même que la batterie ultra-synthétique, mais Šahrartu est un album plutôt plaisant d’un groupe qui a quand même une certaine marge de progression. Passé le gros nawak du premier album, on va maintenant voir comment il va évoluer et ce que vaut vraiment Eximperitus, enfin pardon, Eximperituserqethhzebibšiptugakkathšulweliarzaxułum.

 

Grave to the Hope – Providence
Death Metal Mélodique – Japon (Walküre Records)

Michaël : Direction le Japon pour découvrir le groupe Grave to the Hope qui vient de sortir son premier album intitulé Providence. Le groupe produit un Death metal mélodique très agréable à écouter. Fidèles à la tradition nipponne, les titres sont parsemés de leads très inspirés et des soli hyper mélodiques, notamment grâce à l’aide du guitariste du Thousand Eyes, Kouta, venu les épauler pour l’occasion. On n’est pas dans l’hyper présence de la mélodie comme chez Serenity in Murder ou sur les tendances quasiment power d’un groupe comme Gyze ; ici, la mélodie vient davantage enrichir des compositions un peu plus old school. Un son suédois, éminemment japonisé, en somme. Alternant les mid-tempo (From Cradle To Graveyard) et les titres plus dynamiques (The Dimness of the End ; Dispel The Humanity et ses relents Thrash), le groupe navigue dans des eaux connues mais sans jamais lasser. Le jeu de batterie (qui est également le fruit de Kaija, en plus de la guitare, de la basse et des claviers !) déconcerte parfois avec des rythmes hyper entrainants, loin de toute déferlante de blasts ou d’overdose de double pédale (ce rythme sur Nasty Soil, quasi indus' !). Quoi qu’il en soit, ce premier album, porté par des riffs efficaces et une variation de growls intéressante, est un petit bonbon qui ravira tous les fans de Death metal mélodique. On en attendait pas moins de Ken, qui nous avait déjà offert quelques pépites chez Serpent, son précédent groupe.

 

The Scalar Process – Coagulative Matter
Death Metal Technique – France (Transcending Obscurity)

Storyteller : The Scalar Process c’est de la musique extrêmes, le pluriel est ici volontaire. En effet, le groupe français, qui sort son premier album, Coagulative Matter, tend vers le Death Brutal et technique d’un côté et vers un Metal plus atmosphérique de l’autre. Il faut être prêt à ce grand écart mais si vous avez déjà écouté du Fallujah, vous ne serez pas complétement dérouté. Il faut dire que certaines parties s’en rapprochent tout en gardant une personnalité propre. Ici, ce sont surtout les guitaristes qui se font plaisir : du shred sur des parties lentes et planantes comme sur la fin de Cosmic Flow, sur des moments de blast sur Ink Shadow, et des petites touches jazzy sur l’instrumentale Mirror Cognition (je ne compte pas les cris qui se rapprochent du Black Metal à la fin, c’est du décor musical). La touche originale du groupe ce sont ces passages très rapides avec des guitares bourrées d’écho (proches du groupe susnommé) et une tendance au blast très prononcée. The Scalar Process a néanmoins travaillé ses chansons pour que l’on puisse y retrouver leurs deux tendances : aussi violent soit-il, un titre aura toujours un moment d’évasion, que l’on peut lire parfois dans les titres comme Celestial Existence ou Beyond the Veil of Consciousness. L’oreille se repose mais l’auditeur n’est jamais tranquille, il sait que l’explosion est au coin du riff et il ne se trompe jamais. L’ensemble est varié et surtout très cohérent, le groupe se construit une identité solide grâce à des titres équilibrés et assez démonstratifs. Ils ne sont pas venus pour rester dans l’ombre tant Coagulative Matter fait montre de tous leurs talents.

 

Ad Nauseam – Imperative Imperceptible Impulse
Death Metal Technique – Italie (Avantgarde Music)

Sleap : Avec les mêmes quatre infatigables musiciens depuis quasiment 20 ans, Ad Nauseam (anciennement Death Heaven) poursuit son petit bonhomme de chemin. Après un remarquable premier album en 2015 intitulé Nihil Quam Vactuitas Ordinatum Est, c’est sous la houlette d’Avantgrade Music que le quatuor italien sort son deuxième méfait. Cela avait déjà pris cinq ans pour mettre en boite le premier, il en a été de même pour le second. Et pour cause, plusieurs des membres ont une nouvelle fois fabriqué eux-mêmes leur matos d’enregistrement ! Le frontman, ingénieur en électronique, avait notamment créé plusieurs préamplis de guitare mais aussi des compresseurs, des unités de reverb’ à ressort, etc. Quant au batteur, il utilise toujours une caisse claire de sa propre confection. Entre tout ça et la post-production (enregistrement/mix/mastering) entièrement « do it yourself », rarement un groupe du genre n’aura été aussi loin dans la recherche de son propre son. Niveau pochette, on est passé du minutieux dotwork de Manuel Tinnemans (Comaworx) à l’huile très grumeleuse de Luca Bertolla. Je pense que cet artwork collerait bien mieux à un projet Black Death ‘ricain mais il reste néanmoins brillant. Mais alors, qu’en est-il de ce nouvel album ?

Eh bien je dois dire que je suis légèrement déçu de ce Imperative Imperceptible Impulse. Non pas que la recette ait changé, mais le tout semble quelque peu alourdi, ou plutôt « alongui » si je puis employer ce fumeux néologisme. La durée totale d’environ 55 minutes est pourtant sensiblement la même que pour le précédent effort. Mais là où Nihil… comportait un peu plus de morceaux de 6 minutes en moyenne, ce deuxième disque accumule les pavés de 9 minutes du début à la fin. Il en résulte une perte d’impact qui dessert à la fois les titres eux-mêmes mais aussi l’album dans sa globalité. Le central Coincidentia Oppositorum de plus de 12 minutes est en plus assez mal situé. On regrette l’intensité progressive du premier album jusqu’aux deux monolithes finaux (en particulier The Black Veil…). Il y avait une véritable montée en puissance alors qu’ici tout est diffus et clairsemé. À trop être à cheval sur la production et le rendu (une nouvelle fois au top il faut le dire), les Italiens n’ont pas autant travaillé leurs compos. Certains morceaux sont tellement « aérés » de passages atmosphériques qu’ils verseraient presque dans le Dark Ambiant bas de gamme par instants (Sub Specie Aeternitatis). Je ne veux pas non plus cracher dans la soupe car, bien évidemment, ce que fait Ad Nauseam en matière de Gorguts-like enterre toujours une bonne partie de la concurrence. Mais après un disque de la trempe de Nihil… (dont certains des « tubes » comme La Maison Diev n’ont pas pris une ride), on aurait presque espéré voir le groupe tutoyer Ulcerate au panthéon du genre. Dommage… 

 

Mordkaul – Dress Code : Blood
Death Metal Mélodique – Belgique (WormHoleDeath)

Michaël : Dans ses publications, le label WormHoleSeath Records a présenté Mordkaul comme un groupe belge inspiré par le mélodeath des années 90 et porté par des musiciens expérimentés. Et on ne peut pas leur donner totalement tort : Mordkaul a beau être un jeune groupe, il regroupe des musiciens chevronnés : Tommy Goffin (ex-Hell City) au chant, TimBekaert (ex-Diablo Blvd, ex-A Brand) et VincentNoben (ex-Hell City) aux guitares et, surtout, AdrianErlandsson (At The Gates, The Haunted) derrière les fûts. Avec ce line-up, il est aisé de comprendre que cet album se place dans une longue lignée d’opus qui s’inspirent directement d’un Death metal mélodique assez old school, Gothenburg-like, tout en y apportant une certaine touche de modernité. Je dis une certaine touche car, à l’évidence, le groupe a voulu conserver ce son assez brut, cette touche assez sauvage qui faisait le charme du Death suédois d’antant. N’imaginez pas ici retrouver un son hyper compressé, même si les fans de Metalcore/Deathcore (genres qui confinent parfois au Mélodeath) pourraient y trouver leur compte, les Belges nous lâchent quelques riffs assez typés (notamment sur The Widow Black) qui vont ratisser un peu plus large que les seuls ­die-hard fans de mélodeath.

A Swarm Of Illusions, Dress Code Blood ou bien encore All Out War : le groupe nous offre des titres très mélodiques, puissants et rageurs. Si le tout manque parfois un peu d’originalité ou d’un peu de piments qui nous donnerait un petit goût de reviens-y, il s’agit d’un solide effort pour un groupe à suivre.

 

Abiotic – Ikigai
Death(core) Technique – USA (The Artisan Era)

ZSK : En 2012, les Floridiens d’Abiotic avaient débarqué avec Symbiosis, dans un certain boom du Tech-Death qui n’hésitait pas à piocher dans le Deathcore. Entre du Rings Of Saturn et du Beneath The Massacre, Abiotic avait peut-être eu du mal à vraiment se détacher, surtout qu’il franchissait allègrement certaines limites de supportabilité du genre pour certaines oreilles. Bref, il lui fallait tempérer ses ardeurs. Un album un petit peu plus équilibré plus tard (Casuistry, 2015) marqué par des changements de chanteur(s) (il faut dire que les chants sur Symbiosis étaient quand même assez horripilants), et Abiotic était déjà retombé dans l’oubli et a même splitté en 2016. Pour mieux revenir deux ans plus tard. Et six ans après Casuistry, le voilà de retour en bacs, pas chez Metal Blade mais via The Artisan Era, étoile montante du Tech-Death et de tous les groupes ultramodernes attenants.

Avec cette pochette très Ghost Of Tshushima-ienne, Abiotic tente de séduire et de se trouver un nouveau public. Ikigai, mot japonais pour définir la joie de vivre et la raison d’être, va-t-il annoncer un album plus digeste ? Bien sûr que oui. Abiotic ne change pas totalement son fusil d’épaule ou plutôt son katana de fourreau, son fonds de commerce restant un hybride Death technique / Deathcore très dans l’air du temps et qui en fout partout dès qu’il s’en sent capable, avec un habituel duo de chants growlés/criés. Mais ici et par rapport aux déferlantes incessantes de Symbiosis et Casuistry, l’art d’Abiotic s’aère un peu. Avec des atmosphères d’extrême-orient bien évidemment, dès l’intro "Natsukashii" d’ailleurs (mot désignant une nostalgie sans regret) ; mais aussi un paysage nettement plus mélodique dans le travail des guitares, même progressif par moments, ce qui évoquera d’autres groupes ayant pris ce virage comme Fallujah.

En résulte un album plutôt plaisant, dont la violence technique est nettement plus contrôlée et digeste que par le passé. Rien n’est surprenant pour tout ce qui est issu de cette scène, si ce n’est les incursions folkloriques asiatiques qui vont de pair avec l’emballage. L’album connaît un très bon début avec le morceau-titre et atteint son firmament avec la doublette "Smoldered"-"The Wrath", avant de se dérouler sans plus d’accroches si ce n’est quelques surprises comme ce chant clair à la Cynic sur le plus enlevé mais malgré tout complet "Grief Eater, Tear Drinker". Abiotic ne sera peut-être jamais une référence du style mais il fait le taf, et a ici le mérite d’opérer une évolution pertinente après deux albums un peu « too much ». Ça sera encore trop « Deathcore » pour certaines oreilles qui vont passer leur chemin, mais sinon, Ikigai est un album sympathique qui se laisse déguster entre un plat de sushis et le visionnage d’animés leakés le dimanche soir.

 

Dipygus – Bushmeat
Doom Death – Etats-Unis (Memento Mori)

Pingouin : Les Californiens continuent de progresser et marchent dans les pas d’Autopsy sur le chemin du doom death plein de gras sur les doigts. De ce deuxième album sorti le 25 janvier dernier, on retient surtout deux pistes : l’éponyme "Bushmeat", et "Osteodontokeratic Savagery."

Dipygus joue un death metal assez référencé et l’ombre de Chris Reifert plane sur chacune des 37 minutes de l’album. On se serait bien passé de ces quelques interludes à base d’extraits de films d’horreur mais globalement le groupe s’en sort avec style. Au chant, Dayan Weller a un pied dans les standards préhistoriques du death américain récent et un autre dans le black metal. Beaucoup plus inspiré que sur Deathooze (2019, Caligari Records), il aurait sûrement gagné à être plus audible dans le mix.

Mais le mix, ça reste ce qui sauve cet album dans sa globalité. Une basse épaisse, et des soli (pas toujours très inspirés) qui restent audibles dans la mélasse. Aux manettes, Greg Wilkinson, responsable du mixage de pas mal de réussites death metal récentes. A commencer par le dernier Ripped To Shreds, dont la tête pensante Andrew Lee, est ici invitée sur "Plasmoidal Mass."

Bushmeat est un cas d’école de ce nouveau death américain qui lorgne vers le sludge, et qui mise de plus en plus sur une texture pleine de grain et de sang séché pour susciter l’émotion plutôt que sur les riffs et l’imagerie occulte. A ranger dans les succès les plus récents de cette nouvelle veine death metal, aux côtés de la première démo de Muscipula sortie l’année dernière (Little Chasm of Horrors, toujours sur Caligari Records).

 

Baest – Necro Sapiens
Death Metal gras – Danemark (Century Media Records)

ZSK : Existant depuis 2015, le groupe danois Baest (ou Bæst au tout début) s’est fait repérer par Century Media alors qu’il n’avait sorti qu’une démo et un EP. Une vraie signature à l’ancienne au bon goût de « Next big thing » donc. Et Century a eu du nez vu que le premier méfait de ce quintette d’Aarhus, Danse Macabre (2018), était bien bon, dans un style de Death-Metal certes old-school mais largement remis au goût du jour. Entre Bloodbath, du Bolt Thrower très modernisé (le culte "No Guts, No Glory" fut repris sur l’album suivant, Venenum) et bien sûr le groove imparable de la scène danoise, Baest promettait pas mal, sans chichis mais avec beaucoup d’efficacité.

Venenum, sorti seulement un an plus tard, a permis à Baest d’affiner son identité, mais pas forcément de la façon où on pouvait l’attendre. Le groupe est tout simplement devenu un quasi-clone de Bloodbath, essentiellement de celui de The Fathomless Mastery, le chant très Åkerfeldtien de Simon Olsen étant là pour appuyer cette affirmation. C’était particulièrement flagrant sur des morceaux comme "Nihil" et "Heresy" par exemple. Bref, on aimera ou pas la démarche. Je serai plutôt partant pour adhérer sachant que The Fathomless Mastery reste mon album préféré de Bloodbath… mais soit, et le fait d’avoir affaire à un Bloodbath version danoise est assez déroutant malgré tout.

Necro Sapiens, qui sortira ce vendredi 5 mars (toujours chez Century Media même si on ne peut pas dire que le groupe a vraiment percé depuis le temps), poursuit la carrière de Baest dans cette lignée. Le nom de l’album peut faire penser à quelque chose de plus primitif, et il est vrai qu’il s’avère être un peu plus groovy et gras que son prédécesseur. Mais on sait à quoi s’attendre, un Death-Metal old-school dans le fond mais très moderne sur la forme, avec un bon gros son. Baest ne réinvente pas la poudre, son Bloodbath worship est toujours très voyant même si on ressent d’autres influences ; dommage que ce Necro Sapiens ne parvienne pas à dépasser son prédécesseur, la faute à l’absence de vrais hits (le morceau-titre et le plus enjoué "Goregasm" tirent tout de même leur épingle du jeu) et à la présence de morceaux un peu plus faibles voire mous. Si Bloodbath n’est pas assez productif à votre goût et/ou que vous préfériez la voix d’Åkerfeldt à celle de Nick Holmes, le sympathique Necro Sapiens est pour vous. Sinon, bah, il y aura bien assez de Death-Metal grassouillet plus original à retrouver tout au long de l’année.

 

Au delà de ces albums mis en lumière, quelques recommandations supplémentaires pour les plus insatiables de nos lecteurs :

  • Manifesting Obscenity - Mahapralaya : du brutal Death pas très intelligent, mais qui devrait pouvoir vous permettre de vous défouler comme il faut lors de votre session running dominicale ;
  • Goat The Head - Strictly Physical : le groupe norvégien de « Primal Caveman Death Metal » est enfin de retour, mais a évolué vers un style plus raffiné et mélodique, avec pas mal de claviers, bien que toujours graisseux et primitif. Sympathique, mais assez loin de l'énorme groove de Doppelgängers (2009).
  • Ominous Ruin - Amidst Voices that Echo in Stone : Blasts + growls + shred à gogo + logo illisible. Meilleure recette possible pour se déchainer les cervicales. Pas la plus originale, mais ça passe vraiment tranquille pour ce premier album des Américains.
  • Countless Skies - Glow : du Death Metal mélodique recherché, puissant, empli d'émotions. Une des excellentes sorties du genre en fin d'année 2020, à découvrir de toute urgence si ce n'est pas déjà le cas.