"On est tous le boomer de quelqu'un d'autre."
Le Metal est partout ! Metal is everywhere ! Ou plutôt devrait-on dire লে ধাতু প্রায় অংশ vu que le groupe qui nous intéresse aujourd’hui nous vient tout droit de Dhaka, la capitale du Bangladesh. Plus de 160 millions d’habitants tout de même, pour seulement 73 groupes référencés sur Metal-Archives, même si c’est déjà pas mal dans un pays où faire de la musique ne doit pas être aussi facile que par chez nous. Le Metal est malgré tout un genre quasi-endémique et l’existence de groupes comme Nawabs Of Destruction est là pour le prouver. Il s’agit tout de même d’un jeune groupe, n’existant que depuis fin 2018, mais qui on va le voir rivalise déjà facilement avec des noms américains ou européens d’envergure. Et ils ne sont que deux, dont un multi-instrumentiste, Taawkir Tajammul, et un chanteur, Saad Anwar alias « Desekrator » qui fut vocaliste pour Jahiliyyah, groupe de Black/Death qui a eu une très courte existence et n’a sorti qu’une démo en 2011. Un combo qui a déjà un peu d’expérience, Taakwir officiant en outre dans le groupe de Prog chantant en langue locale ShontrasH auteur de deux albums remontant à 2015 et 2017. Et de l’expérience, ainsi que du talent bien évidemment, il en faut pour faire de la musique dans un groupe comme Nawabs Of Destruction, également produit localement mais là aussi avec un son qui rivalise avec des plus grands. Le duo est repéré par un label espagnol donnant généralement dans le Brutal Death, Pathologically Explicit Recordings, et voilà Nawabs Of Destruction prêt à faire connaître le Metal bangladais au monde entier. Dans un genre pas forcément brutal, Death oui, extrême surtout, progressif forcément vu le background de Taawkir Tajammul, technique donc, moderne également, avec déjà une pochette qui nous évoque ce qui se fait visuellement dans la scène Death prog notamment américaine avec les 6 345 732 clones et suiveurs de The Faceless et consorts. Mais Nawabs Of Destruction va pourtant être bien plus touffu que ça et extrêmement prometteur, avec un premier album Rising Vengeance particulièrement enthousiasmant.
La promo nous décrit déjà Nawabs Of Destruction comme un groupe de « Atmospheric / Progressive / Technical Death Metal » et même si c’est une description basique et fourre-tout, on est en plein dedans. De toute façon, on le constate bien vite avec le premier morceau qu’est "Beginning of the End", un introductif assez aéré qui débute tout en grattes sèches, avant que les premiers riffs Metal et les mélodies se pointent dans un mid-tempo pertinent. On se met dans l’ambiance et l’on découvre aussi les vocaux, alternant entre un chant clair légèrement heavy de plutôt bonne facture et un growl rocailleux de qualité. Et on découvre également les premières compos d’obédience Death moderne un peu (pour l’instant) techniques. Nawabs Of Destruction semble donc effectivement se placer dans la lignée de certaines sorties de The Faceless ou Fallujah, mais la vérité va être plus complexe que ça et le groupe du Bangladesh va bien vite faire montre d’une sacrée palette d’influences, et d’un spectre d’éléments musicaux assez large. C’est ainsi que le morceau-titre qui lance vraiment les hostilités démarre plutôt dans un Mélodeath moderne à synthés très entraînant et efficace (avec des compos vraiment accrocheuses et immédiates), évoluant ensuite vers un registre plus technique (avec une basse qui se fait bien entendre) et s’autorisant un break atmosphérique du plus bel effet. On comprend bien vite que Rising Vengeance sera un album particulièrement riche, qui pioche aisément dans plusieurs sous-genres sans jamais sacrifier la fluidité de l’ensemble ni faire du bête collage, et c’est déjà une belle performance en soi ; d’autant que le son est à l’unisson, puissant mais plus abrasif et moins propre que les grosses prods américaines et ça a son charme. Et la preuve est déjà là avec cet incroyable morceau qu’est "Reincarnation", d’ores et déjà le manifeste de Nawabs Of Destruction ; un départ ultra technique et sautillant à la Necrophagist, qui vire bien vite vers du pur Death progressif épique et dynamique pas si éloigné d’un Persefone, voire même d’un Kalisia avec la clé un somptueux break mélodique au chant narré, au milieu d’un sacré étalage de leads et solos. Impressionnant, et les compos sont en sus particulièrement inspirées et accrocheuses dès les premières écoutes. Il semble vraiment y avoir du talent au Bangladesh, dans un registre technique et progressif qui n’est d’ailleurs pas sans rappeler certains musiciens virtuoses dans le genre chez ses voisins d’Inde. Et en 3 morceaux, Nawabs Of Destruction vient déjà de démontrer ses qualités et de se poser comme une véritable révélation.
Après ce déferlement progressif, Nawabs Of Destruction va continuer à étaler sa palette d’influences au sein d’un Death moderne assez redoutable. Et ce dès "Sleep Paralysis" au départ assez frontal qui évoque presque du Fleshgod Apocalypse (!) sans sympho et jusque dans les growls bien sentis, avant de continuer l’étalage jouissif de technique avec force solos. Mais quand il continue à encore plus creuser le registre moderne de son Death progressif, Nawabs Of Destruction finit par carrément évoquer un Kartikeya, d’autant que le chant de Saad Anwar est parfois proche de celui de Mars. Ça sera ainsi le cas sur le reste de l’album, entre "Rise of the Warlords" blindé d’excellentes compos techniques doublées de synthés (et d’un fantastique final mélodique et épique à la Torchbearer), le toujours efficace mais plus mélodique "The Evil Within" magnifié par un refrain fédérateur et un splendide final, ou encore le plus classique mais très groovy "In the Verge of Death". Et Nawabs Of Destruction de clôturer les 40 minutes de Rising Vengeance par une dernière explosion jouissive de Metal progressif, le très véloce et mélodique "The Merciless" qui avec ses synthés chasse une dernière fois, avec classe et talent, sur les terres de Persefone. Le duo du Bangladesh frappe donc très fort pour un premier album arrivant juste après un premier EP qui en fait présentait déjà 3 morceaux de l’album. On pourra surtout lui reprocher d’être un grand melting-pot de sous-styles et d’influences notables, mais c’est peut-être ça qui fait déjà sa personnalité, d’avoir réussi à digérer un grand nombre de particularités des genres Death progressif, Death technique et Death mélodique. Car Rising Vengeance, malgré quelques légers passages à vide, ne donne jamais l’impression d’être démonstratif ou de mettre bout à bout un tas de trucs, et surtout l’efficacité est au rendez-vous avec quelques compos remarquables, et surtout la virtuosité technique et progressive de Taawkir Tajammul force l’admiration avec un beau paquet de leads gracieux et de solos endiablés. Noyé, dans un autre contexte, parmi toutes les formations généralement américaines évoluant dans le Death progressif moderne, Nawabs Of Destruction sort facilement de la masse grâce à son spectre plus large, sa qualité de composition qui rivalise facilement avec des formations de renom, et forcément son côté exotique qui attire le regard et force le respect. Et au bout Rising Vengeance est un excellent premier album à découvrir d’urgence. Le Metal est partout, dans presque tous les recoins du globe, et ce premier album de Nawabs Of Destruction place fièrement le Bangladesh sur la carte du monde du Metal extrême et moderne.
Tracklist de Rising Vengeance :
1. Beginning of the End (4:56)
2. Rising Vengeance (5:28)
3. Reincarnation (6:57)
4. Sleep Paralysis (5:01)
5. Rise of the Warlords (5:00)
6. The Evil Within (5:09)
7. In the Verge of the Death (3:08)
8. The Merciless (4:17)