Revue d'actu #9 : Fu Manchu, Hail Spirit Noir, Paradise Lost, Bell Witch...
Compte groupé de la Team Horns Up, pour les écrits en commun.
Les festivals prévus cet été sont presque tous annulés ou reportés, idem pour les tournées jusqu'à la rentrée ; mais les nouvelles sont de moins en moins mauvaises et l'espoir d'un déconfinement proche et d'une sortie de crise est de plus en plus prégnant. En attendant que les bonnes nouvelles se confirment et que l'on puisse tous jouir à nouveau d'une vie normale, il faut rester chez soi et continuer les efforts. Du coup, on vous a concocté une nouvelle revue d'actualités pour égayer ce moment tant bien que mal !
Fu Manchu
Di Sab : Cette année, les américains que Fu Manchu fêtent leurs 30 ans. 30 ans de fuzz, 30 ans de riffs bêbêtes, 30 ans de tubes. On se doute qu’il ne sera pas trop compliqué pour eux d’écrire les 2 titres qui composeront leur EP d’anniversaire (avec une reprise en supplément). La recette est maîtrisée, les ingrédients sont bons, les cuisiniers sont expérimentés ; Time is Going On fait dans le stoner véloce et ensoleillé et nous permet de retrouver Fu Manchu là où on les attend. Les Kings of the Road laissent encore un très bon titre dans le rétroviseur. Long live the Fu !
Secrets of the Moon
Circé : Je vous parlais il y a peu de « Veronica's Room », premier extrait du nouvel album de Secrets of the Moon, The Black House. Après avoir honteusement oublié « Earth Hour » lors de la précédente revue d'actu, voici donc le troisième extrait de l'album. Et probablement le dernier, celui-ci sortant vendredi prochain. « Don't look now » continue donc globalement sur la même lancée, confirmant la couleur de l'album – si jamais on en doutait : sombre et ethérée, vocaux clairs et dark rock plutôt atmosphérique. Pourtant... Pourtant il y a ce petit quelque chose qu'avait « Veronica's Room » que n'ont pas eu les deux suivants, ce petit quelque chose qui permet au morceau de rester en tête et de prendre ce côté addictif. « Don't look now » est avant tout moins linéaire et ne joue pas sur ce côté mélancolie douce. On se retrouve d'entrée oppressé, en proie à l'inquiétude. Un brouillard opaque qui laisse tout de même passer quelques éclaircies salvatrices à mi-chemin – avec tout du long un ton solennel, que ce soit niveau du chant cérémonieux comme des rythmiques.
Si aucun des extraits n'est dénué d'intérêt, j'ai cependant peur d'un album un peu trop monotone pour moi, qui nous perde sur la durée avec peu de moments réellement marquants - ou bien en dent de scie (comme « Earth Hour » qui m'a très peu marquée). Enfin, on ne peut pas non plus porter de jugement hâtif avant la sortie de l'album ; et Sun s'appréciant avec les années comme un bon vin, il y a de quoi donner à ce nouvel opus sa chance.
Vermilia
Matth : J'ai découvert Vermilia à la sortie de son premier album, Kätkyt, en 2018, et je suis instantanément tombé sous le charme de ces compositions qui arrivaient à faire du Black Metal quelque chose d'éthéré et de profondément apaisant. Depuis, l'artiste finlandaise a donné son tout premier concert (sous ce nom du moins) au Cernunnos Pagan Fest de février dernier, avec apparemment un succès certain, ce qui me laissait espérer un nouveau chapitre dans sa discographie.
Preuve que 2020 n'aura finalement pas apporté que des calamités, la chanteuse a confirmé que ses prochaines compositions, les quatre titres de Keskeneräisiä tarinoita, sortiront le 20 mai prochain. Entre-temps, la shaman venue du nord a dévoilé un premier morceau, "Taivas Hiljaa Huutaa". Celui-ci s'envole d'emblée sur un riff assez typique mais néanmoins efficace du Black Metal atmosphérique, tandis que la voix claire de Vermilia se trouve doublée d'un seconde, beaucoup plus gutturale. Un travail de mixage qui donne à ses incantations un canon d'outre-tombe, d'autant plus que, comme elle l'a déjà bien assez prouvé, la chanteuse est très l'aise dans les deux registres. "Taivas Hiljaa Huutaa" aurait pu être chanson folk acoustique intéressante, mais l'alternance avec des passages plus durs en fait une très belle piste d'un Black mélodique aux accents Pagan, qui n'est pas sans me rappeler certaine formations russes pour l'ambiance qu'elle arrive à susciter. Le final, pendant lequel Vermilia semble fredonner alors que les instruments se sont tus, laisse la même impression que les dernières bribes d'un rêve qui s'estompent alors qu'on n'a pas encore assumé un choix entre conscience et onirisme. Superbe. J'attends donc impatiemment cette sortie, et pour les utilisateurs de Spotify, un second morceau, "Pimeä polku", pourra être découvert dès le lundi 4 mai.
The Committee
Matth: Dans un genre totalement différent, le troisième album de The Committee se profile enfin pour le 29 mai prochain, après plusieurs changements à l'agenda. Le nouveau manifeste du collectif international cagoulé s'intitule Utopian Deception, nom déjà utilisé pour la première piste de leur démo Holodomor de 2013. Nos hommes (ou autre, d'ailleurs) de l'ombre abordent ici les enjeux de l'ingénierie sociale ce qui, vu le contexte pandémique et politique international, ne pouvait pas mieux tomber.
The Committee vient de dévoiler un premier morceau, "Ossification – Law", via la chaîne YouTube de William Auruman, accessoirement batteur du Parti, qui propose tout le contenu numérique de la formation, en particulier ses vidéos à texte aux airs de pamphlets complotistes, aussi fascinantes que perturbantes.
On retrouve tout de suite la rythmique lancinante ultra reconnaissable du groupe, sorte de machine implacable dont les rares envolées mélodiques rappelle une version Doom des Chœurs de l'Armée Rouge, tandis que sous son masque Igor Mortis entame son récit, toujours aussi cynique. Ce sont cette fois les petits soldats de la juste information qui en prennent pour leur grade, ce qui pourrait me sembler facile depuis Orwell, mais finalement m'amuse beaucoup. "Ossification – Law" reprend la recette qui a fait le succès de The Committee sur Memorandum Occultus, avec un texte dense, quasiment littéraire, sur une instrumentation lente et entêtante, mais maîtrisée avec une froide perfection. Si ce morceau rappelle immanquablement l'album précédent, la dernière envolée de guitares sur les ultimes malédictions de ces prophètes de malheur me donne vraiment envie de découvrir la suite. Et je ne m'attends pas à des lendemains qui chantent...
Serment & Forteresse
Florent : Double nouvelle en provenance du Québec libre : Moribond, l'un des piliers de Forteresse, présentera le 24 juin le premier album de son projet solo Serment, intitulé Chante, Ô Flamme de la Liberté. Un album qui se veut concept racontant "la légende d'un pacte avec le diable et d'un héritage perdu, un voyage sombre et épique au cœur des forêts québécoises enneigées, enfouies par-delà les neiges des époques". Sur le plan musical, du pur Métal Noir Québécois, bien sûr, mais qu'on nous promet "plus cru et plus symphonique" que Forteresse ; la promesse, peut-être, d'éléments plus folkloriques tels qu'on en retrouve sur le dernier opus de Monarque ou sur l'autre projet de ce même Monarque, Drave ? Pour être honnête, au vu du thème et de l'iconographie choisies et de la tendance des projets québécois à s'entrecroiser (Monarque est, par exemple, actuellement membre de Forteresse... vous suivez toujours ?), je ne m'attends à rien de "neuf", mais la qualité est quand même (très) souvent au rendez-vous en Belle Province.
Double nouvelle, disais-je donc, et pour cause : les mêmes Forteresse publieront ce 24 juin également une version remasterisée de leur album culte Métal Noir Québécois (2006), comme y avait eu droit auparavant son cadet Les Hivers de notre époque (2008). Ce premier remaster avait été une franche réussite, conservant toute la mélancolie et le souffle épique de l'enregistrement d'origine mais corrigeant ce son franchement raw et quasi lo-fi qui marquait les premières productions du groupe et frappent forcément l'auditeur ayant découvert le groupe avec Thèmes pour la rébellion (2016), qui avait fait le buzz et proposait un son bien plus soigné. Tout cela, Serment comme Forteresse, sortira naturellement chez les inévitables Sepulchral Productions, papes du Métal Noir.
Hail Spirit Noir
S.A.D.E : Alors que son quatrième long format sortira en juin chez Agonia Records, Hail Spirit Noir a dévoilé un premier morceau, The First Ape On New Earth. Et quel premier contact ! Le penchant psyché/prog est encore plus prégnant que sur Mayhem In Blue, que ce soit au travers des claviers qui n'ont jamais autant sonné 70's (tout en gardant un aspect moderne marqué) ou du riffing qui s'éloigne très nettement des influences Black Metal sur lesquelles reposaient les précédentes sorties du groupe. Le sextet grec nous propose quand même une fin de morceau où blast beat et tremolo picking font leur apparition mais avec un son un peu nébuleux, ni froid ni tranchant, plus mélancolique qu'agressif. Le chant, exclusivement clair sur ce morceau, me suggère parfois les refrains d'Enslaved ou même par moment la suavité délicieuse de Ghost. Bref, avec ce premier titre, Hail Spirit Noir nous met l'eau à la bouche et Eden In Reverse ne se fait que plus attendre.
Bell Witch & Aerial Ruin
Di Sab : Après le crève-cœur Mirror Reaper, qu’allait devenir Bell Witch ? Que sortir après un titre aussi impressionnant sur lequel planait l’ombre de leur batteur décédé, A. Guerra ? Juin 2020 les verra sortir de leur mutisme à travers un album collaboratif avec Aerial Ruin, le projet folk d’Erick Moggridge. Celui-ci avait déjà accompagné le groupe en live et fait quelques chœurs sur les albums précédents mais Stygian Bough Volume I semble être un album écrit à 6 mains. Sur ce premier extrait, la dimension écrasante du Funeral Doom de Bell Witch fait place à une mélancolie plus ample, plus diffuse. La production et le riffing évoque beaucoup The Bees Made in Honey Skull (Earth) tandis que les vocaux d’Aerial Ruin me rappellent Tony Wakeford de Sol Invictus. Le chagrin écrasant de Bell Witch et de leur ami semble avoir fait place à une torpeur spleenétique. Le rendez vous est pris pour le 26 juin.
Rannoch
ZSK : Ooh voilà un retour inattendu qui fait plaisir ! Le groupe anglais Rannoch sortira enfin son deuxième nommé Reflections Upon Darkness à la fin du mois (le 25 précisément), sept ans après son premier album Between Two Worlds. Un grand retour que j’attends déjà avec impatience, le premier album de ce quatuor ayant été une révélation, hélas passée inaperçue à l’époque d’autant que le groupe n’avait donc pas pu enchaîner. Mais leur grand retour est proche, et nous prend presque par surprise avec ce premier extrait, "The Dream", dévoilé il y a quelques jours. On retrouve alors rapidement le style du groupe, œuvrant dans un Death progressif très moderne, mêlant le côté mélodico-extrême d’un Opeth ou d’un Devin Townsend à du Death technique classieux, oscillant entre riffs syncopés pas si éloignés d’un Meshuggah et des leads gracieux. Un premier extrait déjà à la fois épique et efficace, qui n’est qu’un aperçu de la créativité du groupe qui avait déjà montré l’étendue de ses capacités sur Between Two Worlds. Et on attend donc le reste avec impatience, surtout que le groupe nous apprend que Reflections Upon Darkness se clôturera par une suite de 39 minutes basée sur un poème de Lord Byron, lui qui avait déjà fait le coup sur Between Two Worlds avec un final-fleuve en 3 parties. Amateurs de Death progressif moderne, suivez ça de près, et même de très près vu qu’un autre extrait de 8 minutes a été également posté discrétos sur bandcamp.
Paradise Lost
Varulven : Toujours dans un registre gothique, les doomeux anglais de Paradise Lost nous dévoilent un nouvel extrait de leur prochain album Obsidian, le seizième, qui paraîtra ce vendredi 8 mai. Dans notre revue d’actu du 22 mars, nous vous avions déjà parlé de « Fall From Grace », un morceau allant dans la continuité de ce qui était proposé sur Medusa. Un retour à un doom/death accablant et apathique, mais possédant son lot de mélodies lancinantes toujours bienvenues. Et malgré une personnalité musicale indiscutable, on pouvait craindre une certaine redondance et un risque de désormais s’emmurer dans ce retour aux sources opéré depuis le précédent album.
Fort heureusement, ce nouveau morceau intitulé « Ghosts », nous laisse entrevoir, nous l’espérons, un nouvel album à la fois traditionnel, mais également plus varié qu’il ne l’est au premier abord. Bien que baignant toujours dans cette atmosphère morne inhérente à Paradise Lost, « Ghosts » prend à contre-pied la lourdeur morose de « Fall From Grace », avec des leads mélodiques beaucoup plus entêtants et dansants, des lignes de chants graves et nonchalantes et un refrain simple mais entraînant, chantant à souhait. Une mélancolie enivrante beaucoup plus proche des influences gothic rock et post-punk du combo que de ses inspirations doom/death, à l’image d’un album culte comme One Second. Alors ce Obsidian sera t-il une simple continuité du retour aux sources des Anglais, ou une rétrospective à l’image de The Plague Within ? Réponse le 8 mai prochain.
Carach Angren
S.A.D.E : En nous contant les légendes et les histoires diverses du folklore, Carach Angren s'est aventuré au fil de ses albums vers un Black Metal Symphonique de plus en plus théâtral et narratif. Et, dans ce domaine, l'équilibre entre la réussite et le vautrage kitsch tient à un fil. Fil que les Néerlandais ont déjà cassé quelques fois. Mais avec ce nouvel extrait préfigurant Franckensteina Strataemontanus, leur sixième album, le trio semble être franchement et gaiement passé du côté ridiculo-exagéré de la chose. Que ce soit les ajouts d'effets inutiles illustrant les paroles (les cris de chauve-souris, les reniflements du vampire quand il cherche de la chair fraîche) ou les orchestrations complètement cinématographiques, on a l'impression d'avoir affaire à une parodie du groupe. Les riffs de guitare ne semblent être là que pour faire du bruit et de la masse sonore, les éléments mélodiques venant essentiellement des claviers et synthés. Mélodies qui sonnent malheureusement comme des copies mal digérés des thèmes horrifiques de films d'animation pour les 9-13 ans. Pas grand chose à sauver pour le moment donc...
Esoctrilihum
Circé : Esoctrilihum est une entité française dénichée par I, Voidhanger Records en 2017, vivier de petits bijoux souvent hors-normes dans l'avant-garde et l'expérimentation. Eternity of Shaog, prévu pour le 22 mai, sera déjà le cinquième album en trois ans (!) et nous plonge dans un black metal chaotique, en changement constant, oscillant entre brutalité pure et expérimentations. Le rythme magnifiquement géré empêche le morceau d'être soit trop abrutissant, soit de perdre l'auditeur, pendant que les riffs, le chant et un violon virevoltant nous guident à travers cette course de neuf minutes. Le chant oscille entre entre voix black classique et choeurs incantatoires. On pourrait reprocher un léger manque d'unité entre les deux moitiés du morceau mais la progression se fait tout de même de manière assez fluide, en évitant de justesse le piège de l'effet puzzle – où il est facile de tomber avec ce type de musique. On attend avec impatience de voir si le voyage effréné des deux premiers titres déjà disponibles se prolongera sans encombre sur toute la durée de l'album !
(Suite aux aléas de l'informatique, ce n'est pas "Thritôn (2nd passage : the colour of death" évoqué ci dessus que nous vous proposons à l'écoute, mais le morceau précédent)
Various Artists - What is This That Stands Before Me ?
L’intégralité des groupes que vous suivez sur Facebook vous l’a fait comprendre : ce vendredi 1er mai, tout achat sur Bandcamp était reversé intégralement aux artistes ou labels. Pour l’occasion, et afin de célébrer les 50 ans des deux premiers albums de Black Sabbath, les artistes signés chez Sacred Bones ont publié un Tribute album.
Au programme une cover de la période Dio, et 8 de la période Ozzy. Un choix de titre assez intéressant : pas de Paranoid, pas d’Iron Man, les 3 ballades clés (Solitude, Planet Caravan et Changes), certains titres pas toujours convoqués (The Warning). Le tout est interprété par une sélection d’artistes prestigieuse : Molchat Domma, The Soft Moon, Thou, Zola Jesus pour ne citer qu’eux.
Comme dans chaque Tribute album, certaines covers sont plus intéressantes que d’autres. Thou maîtrise son sujet, Molchat Domma enrichit Heaven and Hell de quelques touches Synthwave hyper fraîches là où le jam de Planet Caravan est vraiment dans l’esprit du morceau. The Soft Moon et Uniform m’ont moins convaincu même si les deux groupes ont le mérite de donner à voir leurs univers.
De manière générale, What is This That Stands Before Me ? est un album réussi où aucun protagoniste n’est tombé dans le mimétisme (un risque quand on s’attaque à de tels monstres sacrés). On sent l’amour porté au plus grand groupe de tous les temps animer cette initative et cela est réjouissant. Pas l’album du siècle mais un tribute album qui se situe dans le premiers tiers du genre. Les plus enthousiastes peuvent dès maintenant commander le vinyle afin de le recevoir en septembre.