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Quand un métalleux s'attaque à un livre sur sa passion musicale, il est certainement mû par la curiosité, son intérêt et aussi une envie de comparer ses connaissances à celles d'un auteur qui a pris le risque de disserter sur un genre peu étudié. Quand en plus cet auteur s'attaque au progressif, musique taxée d'intellectualisme depuis ses débuts, l'affaire se corse et le public se restreint. Mais faisant fi de tout préjugé et avec un esprit un peu candide, votre serviteur s'est plongé dans ce pavé de plus de huit cents pages, deuxième ouvrage de Jérôme Alberola :Anthologie du Rock Progressif : Voyages en Ailleurs. Mais avant cela, il m'a fallut me replonger dans mes cours de littérature pour comprendre ce qu'est une anthologie. Pour simplifier, on parlera d'un recueil de textes rassemblés autour d'une cohérence thématique. Ici, le progressif. On sent rapidement et grâce au visuel que cette thématique pourrait s'articuler autour de l'Espace, de ces « ailleurs » évoqués dans le titre. La préface de Pierre Bordage, auteur de SF renommé sous nos latitudes, ne fait que confirmer cette impression. Mais l'auteur aura à cœur d'expliquer sa démarche dans les premières pages du livre, après une introduction de l'éditeur des plus singulières, notamment avec des remarques sur le style d'Alberola, qui sonnent comme un compliment des plus maladroits.
Une fois les préliminaires derrière nous, on plonge, ou décolle devrais-je dire, dans l'anthologie à proprement parler. Quinze chapitres et quinze manières d'aborder le progressif. Il faut dire que l'auteur a pour lui une culture musicale phénoménale, on a presque l'impression que rien ne lui a échappé ces cinquante dernières années. Cette remarque pourrait aussi sonner comme un reproche car certains rapprochements ont un léger goût d'artificiel (faire une comparaison avec un sketch des Inconnus est pour le moins audacieux) et les digressions paraissent apparaître d'on ne sait où. On a parfois l'impression de suivre de fil de la pensée de l'auteur alors que le tout est structuré avec grand soin. Il faut dire que l'on sent la patte universitaire à la française dans la façon de dérouler un plan, de poser la problématique; les arguments et les exemples, de choisir les mots les plus précis et adaptés et de garder une petite touche d'insoumission et de singularité face aux codes dogmatiques de l'argumentation et de l'écriture. Il en ressort une certaine complexité mais aussi un plaisir de lire et d'apprendre. En fait, on pourrait dire que le livre est à l'image du progressif, qu'il ne se donne pas au premier abord et qu'il faut s'y plonger entièrement pour l'apprécier.
Le déroulement est en partie chronologique et les titres des chapitres ne sont pas équivoques : Genèse des Poussières d'étoiles, 1967-1979 : les Fondateurs. On ne se trompe guère sur le contenu. Comme dans son précédent ouvrage : Anthologie du Hard Rock, Jérôme Alberola va s'arrêter sur un groupe qui a marqué le style. Ici ce sera Marillion. Mais le nombre de formations citées dans cette ouvrage est impressionnant. En fait, on se rend compte que comme l'Univers, le progressif n'a pas vraiment de frontières. Et l'auteur va même réussir à faire entrer dans la sphère prog des groupes comme les Beatles pour quelques uns de leurs titres ou encore Era. Bien conscient que ces références vont ouvrir le débat, l'argumentation est précise et cadre la musique de ces groupes avec le thème. Reste que certains puristes vont voir leur poil se hérisser et considérer comme hérésie la présence de groupes pop ou encore world music dans ces pages.
On remarque assez rapidement que le progressif est partout quelle que soit sa définition : musique symbolisant le progrès technique et technologique ou encore musique qui nécessite des écoutes progressives pour en appréhender l'essence. Du coup, on pourrait se demander si tout et n'importe quoi ne pourrait pas rentrer dans ce livre. Hors, en dehors des audacieux écarts proposés par l'auteur, jamais il ne s'éloigne des sentiers connus et reconnus. Et les grands noms comme Spock's Beard, Fish, Yes, Genesis ou encore les plus métal Dream Theater, Ayreon, Pain Of Salvation jusqu'aux extrêmes Death et Opeth, tout le monde a sa juste place dans cette anthologie.
Vous ne serez pas obligés de lire ce livre de manière ordonnée. Ici et là, on trouve des chapitres qui s'arrêtent sur des points très particuliers et non chronologiques : des grands noms du prog au nombre de onze, des noms de morceaux longs ou des classiques immanquables. Jérôme Alberola a essayé d'apporter une certaine objectivité dans ses choix, mais on ne peut que s'imaginer que chacun a une opinion plus ou moins différente sur les noms qui figurent dans ces chapitres. Et c'est là un des points forts du livre, ouvrir le débat.
Car, et c'est cela que l'on peut retenir après la plaisante lecture de cette anthologie, on apprend un nombre de choses impressionnant, que ce soit au niveau historique, sociologique que musical. On appréhende une musique à travers son environnement autant qu'à travers son développement artistique. Mais on a aussi envie de discuter avec son auteur et profiter de son immense savoir et pourquoi pas ajouter son grain de sel, débattre sur une chronique qui est forcément personnelle, proposer un groupe extra-prog qui a pourtant des accointances avec le genre ou bien rajouter un morceau long qui nous a touché, bref enrichir cette anthologie du rock progressif qui est déjà une « si belle somme » comme le dit si bien Pierre Bordage.
1. Préface
2. Avant-propos
3. Profondément humain
4. La nébuleuse brille de mille feux
5. Genèse de poussières d'étoiles
6. une oeuvre d'art totale
7. glissements progressifs vers le Divin
8. 1967-1979 Les Fondateurs
9. Marillion : de la voie du renouveau à la voix de Dieu
10. 1981-2010 Les Héritiers
11. Onze Leaders
12. Voyages au long cours
13. Du hard rock utérin à la modernité métallique du prog
14. Etoiles filantes et morceaux de paradis
15. Les valeurs classiques
16. Les mots pour tenter de le dire
17. 50 supernovaes pour l'éternité
18. bibliographie, documentation sélective et remerciements
19. Index des groupes chroniqués.
