Paris Hardcore Fest #2 - Jour 1
Gibus - Paris
Amateur de post-musique, de breakdowns et de gelée de groseilles.
Après une première édition rapidement sold out et complètement folle (Turnstile, Incendiary, Birds in Row, Get the Shot…), le Paris Hardcore Fest rempile cette fois ci sur deux jours pour mettre du chaud dans nos petits cœurs refroidis par le mois de novembre.
Comme l’année dernière, le festival se déroule au Gibus, dans son sous-sol bas de plafond et assez obstrué mais parfaitement adapté à la pratique intensive de la bagarre. L’affiche de cette année s’y prête particulièrement, étant principalement constituée de groupes très mosh-friendly (hardcore « tough », metalcore et beatdown).
Mais on finit par vous connaître et on sait que le public metal nourrit quelques méfiances à l’idée de tous les genres qui finissent en -core (à l’exception notable du grindcore). Alors pour ceux n’étant pas encore familiers avec l’arborescence stylistique du hardcore, petite remise à niveau :
- À la base se trouve le (punk) hardcore, souvent abrégé en HxC. Des Dead Kennedys à Cursed, il s’agit, en gros, de punk rock en plus méchant.
- Il se peut que vous fassiez partie de ceux qui résument le metalcore à Trivium et Bullet for My Valentine, soit la scène metalcore mélodique mainstream. Pourtant, le metalcore désigne simplement l’intersection entre le hardcore et le metal à l’image de Converge ou Earth Crisis.
- Le beatdown emmène le hardcore classique dans des contrées plus inhospitalières, lourdes et sauvages. Breakdowns porcins et mosh parts de forçats constituent le sel du genre.
Maintenant que les bases sont posées, entrons dans le vif du sujet.
ESCAPE
Brouillant la limite entre hardcore et metalcore, les Belges viennent d’emblée envoyer un spin kick dans la fourmilière parisienne. Hardcore métallique aux sourcils froncés, la musique d’Escape lance des mosh parts toutes les deux minutes tandis que le chanteur invective la foule pour qu’elle sorte de son statisme et vienne s’échauffer les poings au centre du pit. Malheureusement, le public est encore timide et semble se réserver pour la suite du copieux menu. Ce sont donc seulement 3-4 mosheurs qui s’échinent devant la scène sur les riffs nerveux du groupe. Dommage, car Escape propose un hardcore véritablement efficace et terriblement vilain. Le concert se termine par un « fils de putes » lâché par le chanteur, visiblement agacé que le public clairsemé n’ait pas répondu à ses attentes de bagarre.
LODGES
Les Parisiens qui se réclament (se sont réclamés ?) de l’héritage de la scène « holy terror » (hardcore métallique de Cleveland, mené par Integrity) offrent une musique difficile à caractériser. Sur une base méchamment metalcore, le groupe y ajoute de nombreuses influences et notamment post-hardcore avec une voix claire intéressante (on n’en entendra pas beaucoup de la journée). Cette hybridation entre metalcore avec des vrais morceaux de « uegh » dedans et approche plus lumineuse très 2000s, ainsi que le fait qu’ils sont des grands habitués de la scène parisienne, attirent une foule bien plus compacte. Malgré quelques faussetés dans la voix à cause de problèmes de retour, Lodges propose un set varié et fédérateur qui se conclut par une mosh part de très haute volée.
JESUS PIECE
Les Américains de Jesus Piece ont été une des sensations de 2018 avec leur brûlot « Only Self » qui proposait un metalcore aux combles de la nervosité et du bruitisme. Leur metalcore confine quasiment à l’approche death/grind avec laquelle il partage une forme déconstruite et un amour pour les explosions tonitruantes. Je suis d’ailleurs assez surpris qu’ils ne soient pas plus haut sur l’affiche tant ils ont fait parler d’eux récemment (et notamment avec ce fameux kick au Japon). D’une épaisseur et d’une lourdeur déconcertante, Jesus Piece fait directement monter le niveau d’un cran avec une pluie d’astéroïdes sur le pit.
Bien que ce type de metalcore ne me parle pas du tout et que j’ai du mal à adhérer à ce genre de son, je ne peux que reconnaître l’énergie du groupe et l’impressionnante présence de son chanteur.
LION’S LAW
Lion’s Law est la curiosité stylistique de ce festival. Loin des contrées hardcore, le quatuor parisien propose de la Oi! traditionnelle. Je ne suis pas un grand fan de Oi! mais il est impossible de ne pas reconnaître aux 4 skinheads* un pouvoir fédérateur et une énergie communicative certaine. Hymne après hymne, ils marchent sur le Gibus avec des premiers rangs acquis à leur cause.
C’est un set bien plus lumineux que les autres et après l’ouragan Jesus Piece, ça fait du bien de voir un concert aussi feel good que celui-ci. La grande sympathie du frontman et les refrains imparables ont su montrer que le groupe avait tout à fait sa place au PHF.
*NB : une bonne fois pour toutes, skinhead ne rime pas avec néo-nazi, le mouvement skinhead est bien plus vaste et ne saurait être résumé à sa frange fasciste.
DEATH BEFORE DISHONOR
Après l’annulation de Cro-Mags JM à la suite des soucis médicaux du chanteur John Joseph, c’est Death Before Dishonor, un des pivots du beatdown US, qui les remplacent.
Le groupe fait partie des gros noms qui ont popularisé le beatdown dans la première moitié des années 2000 avec évidemment Terror, mais aussi Born from Pain ou Cold As Life. Et c’est d’un show délicieusement old school qu’ils ont gratifié le public parisien. Le chanteur s’excuse rapidement de son état et que sa maladie l’empêche d’être aussi percutant que d’habitude, mais honnêtement je n’ai senti aucune différence. Cela ne l’a en tout cas pas empêché d’enchaîner breaks à l’ancienne et mosh parts sautillantes dans un set bienveillant, totalement calibré et extrêmement bien équilibré.
TERROR
Je ne sais même pas comment relater un concert de Terror. Ceux qui ont déjà eu l’occasion de voir le groupe connaissent l’ampleur du phénomène ; ceux qui connaissent mais ne sont jamais venus les voir (et pourtant, vu comment ils passent plusieurs fois par an, c’est compliqué de les louper) ont entendu parler de l’innommable chaos qui y règne ; et ceux qui ne connaissent pas les Californiens doivent vivre dans une grotte ou n’avoir jamais écouté de hardcore.
Un concert de Terror c’est un salon de la mandale, une grande foire au pruneau dans les ratiches, la convention internationale de la bagarre. En studio, Terror peut diviser (une étude américaine a estimé à 150 le nombre de neurones perdus par écoute d’un morceau de Terror), mais en live impossible de ne pas se joindre à la liesse débile qui anime le centre du pit. La scène est en permanence remplie de fans s’apprêtant à sauter dans le public ou prenant le micro pour hurler les paroles cultes du groupe. Et je ne vous raconte même pas quand ils ont commencé à jouer « Keepers of the Faith »…
Rendez-vous demain pour la seconde partie du report.