Non.
« L'omme esgare qui ne scet ou il va »
Le Black Metal s'est, depuis de nombreuses années, attardé sur l'image du Moyen Âge comme un thème principal propice à véhiculer des émotions variées et à dessiner ruines et racines à foison. Grylle, avec son premier album Monstres et Merveilles, se détachait largement de la grande bulle des groupes de Black à imagerie et sonorités médiévales. A ce moment-là ni tout à fait musique médiévale, ni même Metal, Grylle continue en 2019 de construire son style tout à fait singulier.
Les Grandes Compagnies sonne toutefois plus puissant, plus Black Metal que son prédécesseur finalement. Les titres rappellent à la fois des mélodies anciennes et des structures plus modernes, donnant un ensemble plus accessible que le premier album du projet car moins étrange et déstabilisant pour l'auditeur. La production bien plus claire et le choix des instruments, comme une basse et une batterie pour jouer des rythmiques plus habituelles, ne sont pas des choix anodins. Finalement, le compromis est parfaitement équilibré !
On vogue parmi les instruments anciens, dont ceux à cordes : mandoline, psaltérion, luth. L'anecdote peut sembler bête mais j'ai réalisé seulement après une quinzaine d'écoutes qu'il n'y avait pas d'instrument de type guitare électrique par exemple. Je connaissais pourtant déjà bien le premier album de Grylle ! Les Grandes Compagnies sonne puissant, mélodieux, cohérent, cela ne m'a donc pas sauté aux yeux à première vue. J'ai même dit à tout le monde ces derniers-mois : « il est bien plus Black Metal cet album ! » en pensant par exemple au départ en trombe de la seconde partie de « Gothique Anjevin » ou encore à « Que Chacun Sonje A Se Pourvoir! » qu'on ne peine pas à imaginer joué version distorsion et chaos sonore. Je n'avais pas réalisé que le fond collait sans être suivi par la forme ! Enfin, tout est question de point de vue...
Moins brut et simpliste finalement, ce nouvel album, mais l'essence est toujours là : il s'agit plus ou moins de la continuité logique et musicale d'une manière d'être, d'un art de vivre que cultivent Hyvermor et La Griesche jusque dans leurs créations. En parlant de La Griesche, sa présence est fréquente et valorisée, une manière de donner une nouvelle aura de duo étrange porté par des figures fortes.
Dans les sonorités, on trouvera finalement des échos à tout ce qui s'est fait en Black à inspiration médiévale, du pilier de La Sanie des Siècles au très récent album de Véhémence (dont Hyvermor fait également partie !), mais aussi à la musique ancienne et folklorique. Si, d'ailleurs, certains ont pu trouver Les Grandes Compagnies un peu long, je pense que c'était par manque de connaissance et d'appréciation de ce type de musique, s'attendant à trouver là un énième album de Black Metal !
Grylle est véritablement un projet à part entière : ses instruments et ses sonorités, sa production, ses diverses techniques vocales, jusqu'aux thématiques et aux paroles (avec des emprunts ou des inspirations puisées chez Charles d'Orléans, Joachim du Bellay, René d'Anjou ou encore François Villon en passant par les fées de France). Mais aussi les illustrations du livret et l'agencement de celui-ci qui créent un objet original et mémorable !
Un album pour les gueux, les chevaliers et les monstres, surtout ceux des eaux croupies des villes ou des fermes rurales reculées, qui croient et racontent leurs légendes et vivent de faune, de flore et de crasse. A écouter absolument : « Gothique Anjevin », « Les Guerres Picrocholines I » et « France, Qui Te Veult Mal ? ».
1. En la Forest Dennuyeuse Tristesse
2. Les Dernières Fées de France
3. France, Qui Te Veult Mal ?
4. Gothique Anjevin
5. Hommaje à la Pomme de Pin
6. Loz en Croissant
7. Que Chacun Sonje a se Pourvoir
8. Les Guerres Picrocholines I
9. Les Guerres Picrocholines II
10. Quand Je Bois du Vin Clairet
11. Le Pacte des Villes
12. Wir Zogen in das Feld