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Lorsque les données contractuelles envahissent quelque peu la notion-même de l’art. Lorsque le succès de l’un fait le bonheur d’un autre, sans la cohérence réelle mais dans un souci fondamentalement pécuniaire. Lorsque simplement, l’ignorance amène à l’incompréhension…incompréhension et blasphème musical que de considérer Tarot comme le simple et banal side-project du bassiste/chanteur de l’un des plus grands groupes de la planète : Nightwish.
Les stickers publicitaires sont nombreux, la promotion n’hésite pas à le mentionner et les jeunes fans pensent donc tenir entre leurs mains le groupe du bassiste Marco Hietala, qui a eu envie d’un peur d’air dans ce monstre musical dirigé par Tuomas Holopainen. Mais il y a un mais…Marco a quarante cinq ans et non trente cinq comme ses compagnons d’armes…Tarot fête cette année ses vingt-ans de carrière…histoire de simplement remettre quelque chose à leur place…
Huitième opus des frères Hietala (Marco à la basse et au chant ainsi que Zachary à la guitare), "Gravity of Light" s’apprête à voir le jour dans nos contrées reculées du vieux continent. Déjà numéro deux des charts à domicile, Tarot livre avec cet opus, le parfait successeur d’un "Crows Fly Black" qui avait hissé le groupe a un niveau encore supérieur.
Probablement moins sombre et agressif qu’à leurs débuts, "Gravity of Light" écrit une nouvelle fois un pan de heavy métal comme il en est finalement bien peu produit, sans réelles traces de power ou de speed. Bien que parfois rapides, les compositions restent majoritairement heavy, lourdes, puissantes, aux lignes de basses fortement misent en avant (ce Marco s’est fait plaisir…) et aux lignes vocales alliant puissance et mélodie à la quasi perfection. Partagés entre Marco et Tommi Salmela (claviers), les vocaux sont le principal point fort d’un groupe qui se démarque complètement de la scène heavy actuelle, sans rien révolutionner mais en distillant un style, une âme et une passion en partie ravagés par le temps et recouverts par la poussière des âges.
Il n’y a qu’à écouter une perle comme "Hell Knows" pour se prouver que Tarot dispose entre ses mains d’un savoir ancestral, mais jamais antédiluvien, sonnant d’une modernité compacte et écrasant tout sur son passage grâce à une production lourde et heavy au possible. Cette ligne de basse prépondérante et incroyablement grasse, ce riff simple mais très heavy et hypnotique…puis cette voix…Marco, entre féérie et envolées bien plus agressives, mais toujours marquées par une personnalité atypique et un timbre unique. Le refrain, lent, solennel, presque sentencieux, s’ancre dans l’esprit et apparait déjà comme un classique…une intense mélancolie transparait dans cette ligne vocale, une certaine tristesse, parfois plus passionnée mais souvent fatiguée et émotionnelle. Une petite œuvre à elle-seule…
A côté d’elle, on se délectera de titres bien plus enlevés et rapides, à l’instar du féroce "Satan is Dead" aux alternances vocales conférant une puissance et une théâtralité superbe (ce refrain à la puissance énorme !) ou d’un "The Pilot of All Dream" aux multiples soli et au riff des plus directs. Une profonde envie de headbanger prend l’auditeur sur cette nouvelle ligne de basse aliénante en diable, le couplet chanté par Tommi très assimilable ainsi que ce refrain composé pour être repris en concert efficacement et simplement. Une énorme maitrise ressort de ce type de compositions, n’en faisant jamais trop et évitant l’écueil facile de la technique stérile (le génial solo de ce morceau, bien que sobre, montre tout le talent de Zachary) pour se mettre au service de la musicalité.
Musicalité très présente sur le très lourd, presque suffocant (bordel de dieu, ce son de basse…) et moribond "Magic And Technology". Marco y laisse éclater toutes ses possibilités, d’un chant sombre et désespéré à des mesures très aigues pour passer la seconde suivante dans des tessitures largement plus agressives et graves (bien que l’on ne replonge pas dans l’agression magistrale présente sur un "Bye Bye Beautiful", "Slaying the Dreamer" ou "Master Passion Greed" de Nightwish), chantant intégralement ce titre à part, lent et lourd, tapissant un épais brouillard face à l’auditeur.
On retiendra également le single "I Walk Forever", au refrain absolument magnifique (en live, le frisson risque d’être intense) mais décevant dans des couplets d’une bien trop grande banalité pour la grandeur d’un refrain sortant finalement de nulle part (aucune mélodie centrale à la guitare ou la basse). Un refrain sur lequel les voix s’entremêlent, se combattent, s’allient dans une symphonie d’une grande beauté, très accessible et, avouons-le, possiblement radiophonique mais la maitrise est telle que le résultat est plus que réussi.
Dans une atmosphère bien plus intimiste et fragile, bercé par quelques arpèges, "Gone", du haut de ses sept minutes, termine un huitième album non pas révolutionnaire mais finalement nécessaire pour se souvenir d’un temps que certains n’ont pas connu et dans lequel il ne se plonge pas forcément. Car malgré une personnalité plus que marqué à travers les années, notamment grâce à l’emprunte vocale de Marco Hietala, Tarot reste fidèle à un heavy métal de composition traditionnelle, sans arrangements trop grandioses ni s’embarrasser de concept ambitieux, de complexité fortuite ou d’expérimentations qu’ils peineraient eux-mêmes à comprendre et saisir.
"Gravity of Light" n’est pas le joyau de toute une scène, il est l’une de ses plus belles pierres, nécessaire et actuelle, en respectant profondément ses ancêtres et ses racines, comme peu le fond encore aujourd’hui. Tarot fait finalement peut-être aujourd’hui, lui aussi, partie de l’histoire…
1. Satan is Dead
2. Hell Knows
3. Rise!
4. Pilot Of All Dreams
5. Magic and Technology
6. Calling Down the Rain
7. Caught in the Deadlights
8. I Walk Forever
9. Sleep in the Dark
10. Gone