40 ans que Saint Vitus traîne sa malchance comme un pied bot sur le chemin du doom. A la fois pionner et enfant maudit, drogues, décès et maladies se sont abattus tels les plaies de l’Egypte sur le quatuor emmené par un Dave Chandler aux chicots toujours plus jaunes mais toujours plus longs.
Après une tournée célébrant les 25 ans du cultissime Born Too Late, le triomphe a viré au cauchemar aux abords de la frontière norvégienne où ni Wino ni sa meth n’ont pu poursuivre l’aventure. Ce petit incident de bagage a entraîné le bannissement du frontman de l’UE et le retour de Reagers, chanteur originel. Tout allait un peu trop bien, avant que Mark Adams ne développe Parkinson, afin d’être bien certain que Vitus conserve son titre de groupe le plus doomed du doom. Ce Saint Vitus, 23 ans après le dernier album avec Reagers au chant et 7 ans après le mitigé Lillie F-65, était inespéré et le simple fait de pouvoir le sortir est, pour le groupe, une victoire en soi.
Saint Vitus n’est pas le premier album éponyme puisqu’il y a 35 ans, un album du même nom était sorti par le groupe. Allons-nous assister à la clôture d’une boucle d’un groupe qui a débuté sa carrière par un manifeste et qui la clot par un album récapitulant et condensant l’essence d’une musique qui a été modelée par le temps, les changements de line up et les influences diverses ?
Non. Même si le titre d’ouverture Remains nous laisse là où Die Healing nous avait quitté, pataugeant dans cette espèce de doom metal autant traditionnel qu’austère. L’auditeur se retrouve enveloppé par le son de guitare de Chandler façon « je creuse ta tombe » tandis que Reagers exprime ses vaines luttes intérieures qui ne changent pas l’issue funèbre de toute chose.
Mais A Prelude to… voit le groupe s’aventurer dans des contrées inconnues d’eux : ballade guitare/basse/chant où Reagers livre une prestation intimiste assez loin du registre théâtral qu'on lui connait. Le tout est surprenant mais plutôt réussi. Au rayon des autres petites variation, l’arrivée de Bruders (basse - ex Crowbar, Down, ex Goatwhore) est vraiment une bonne chose pour le groupe avec des lignes de basse beaucoup plus dynamiques que dans les albums précédents. Par ailleurs, les soli de Chandler sont considérés par beaucoup comme le point faible du groupe. Ici, il a eu le pied un peu moins lourd sur la wah wah pour des résultats un peu plus aérés que par le passé.
Le reste de l’album est plus familier même si ce n’est pas la direction attendue. Beaucoup de up tempo pour un groupe de doom (Bloodshed, 12 Years in a Tomb), registre dans lequel le groupe a quelques notions (Clear Windowplane et H.A.AG). Hour Glass est la caution groove de l’ensemble avant que Last Breath scelle le tout avec ses épaules de futur classique. Et alors que Saint Vitus refermait son album de la plus morne des façons, Useless, ultime sursaut d’un groupe enterré trop vite, vient rappeler à son public ce que Chandler et ses potes doivent à Black Flag. Ce brûlot punk dans la lignée d’un White Stallions donne à voir un groupe qui mène sa barque de la manière dont il l’entend et est encore capable de déconcerter son public, même 40 ans après.
Le temps nous dira la place que prendra Saint Vitus (deuxième du nom) dans la prolifique et qualitative discographie du groupe. Néanmoins, mis en valeur par une production précise et organique et sublimé par une performance de haut vol de la part de Reagers, qui s’approprie avec brio différent registres, ce nouvel album est bien plus qu’une victoire personnelle. Expression d’un groupe vivace ne se contentant pas de contempler les cendres de sa légende passée, ce nouvel opus fait office de très bonne surprise et nous rappelle à quel point nous sommes tributaires de Saint Vitus. Born too late but still alive.
Tracklist :
1. Remains
2. A Prelude to…
3. Bloodshed
4. 12 Years In The Tomb
5. Wormhole
6. Hour Glass
7. City Park
8. Last Breath
9. Useless