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A la frontière entre l’occulte, le blasphématoire, le recueillement et la litanie diabolique, l’alliance du black métal et de l’ambiant perpétue un art rare et précieux dans lequel chaque acteur dispose d’un style à part entière.
Si Darkspace est devenu le fer de lance d’un genre musical des plus underground et méconnu, ce n’est que pour mieux cacher la forêt dont fait partie Eclectika, français livrant un deuxième opus en ce début d’année 2010.
Dans l’ombre la plus complète, ténèbres dans lesquelles semblent se complaire le multi-instrumentiste Sebastien Regnier (ayant fondé son propre label Asylum Ruins pour promouvoir son art) et ses deux vocalistes Aurélien Pers et Alexandra Lemoine.
Le livret de ce Dazzling Dawn plonge rapidement l’auditeur dans une ambiance sombre mais volontairement très littéraire, classieuse, presque aristocratique du fait de nombreuses citations et symboliques artistiques. A l’égal d’une aversion envers l’inculture et un monde moderne devant une ode à la médiocrité ambiante, Eclectika se pose en chantre de valeurs artistiques et spirituelles, qui seront dévoilées à travers de longues compositions ambiantes, sombres et ténébreuses.
Fusion d’un black métal mélodique déchiré entre les vocaux de chacun des membres du groupe et d’un ambiant profondément immersif, évoquant parfois les traits d’un Macabria, Dazzling Dawn est une sorte de voyage cosmique nous écrasant parfois une haine et une mélancolie expiatoire.
Démarrant son périple d’une introduction symphonique symbolisant déjà la fin (The End), Eclectika montre une sensibilité et un talent certain dans la conception et la composition d’atmosphères grandioses, épiques mais paradoxalement minimalistes et presque intimes. C’est alors que le titre éponyme retentit et nous plonge dans son black métal tourmenté et fortement théâtralisé, notamment par la multiplicité des vocaux et les interventions d’Alexandra. Les vocaux sont écorchés, révèlent une vision des enfers plus vomitive que réellement noire, tandis que les riffs tournoient et scarifie les chairs et les âmes. Un solo des plus tordu emmène l’auditeur encore plus loin, même si l’on regrettera une production manquant singulièrement de puissance et parfois de précision dans la base rythmique, particulièrement la batterie.
Dans ce monde cauchemardesque mais jamais dénué de lumière, Electika va multiplier les appels à l’ambiant, au néant et au grand vide originel…pour finalement y trouver sa plénitude artistique. Car c’est bien dans cet exercice que Dazzling Dawn sort de la masse et se créer une personnalité propre. Le bruitiste et glauque Experience 835 ressemble à une longue descente aux enfers, la multiplicité de sons, d’alarmes réagissant comme des catalyseurs de tension, tension grimpant de manière exponentielle alors que des râles lointains, probablement inhumains, ou de ce qui fut un jour vivant, se font entendre. Des hurlements, des sons mécaniques, grinçants…amalgame de respiration de machine et de hurlements d’âmes venant des charniers infernaux. The Next Blue Exoplanet continu dans une voie plus symphonique, aux infimes touches électroniques, comme un retour à la lumière, sans pour autant que l’angoisse ne quitte réellement l’auditeur.
Lorsque les guitares font leurs retour, on en vient à penser que l’ambiant est finalement un monde semblant convenir largement mieux au groupe. Non pas que son black métal soit mauvais (juste la prod…) mais il peine à réellement sortir des sentiers battus (Sophist Revenge, Marble Altar) là où les compositions ambiantes sont une véritable porte vers un monde tridimensionnel. There is no Daylight in the Darkest Paradise se veut presque l’étreinte charnelle entre les deux genres, de sa ligne de piano emplie de pureté pour aboutir sur les hurlements décharnés d’Aurélien. Une ambiance presque religieuse en émane, prenante…alors qu’un nouveau (et excellent) solo nous plonge un peu plus dans le doute lorsque la vitesse fait de nouveau son apparition.
11 Corps Décharnés terminera l’album sur un final ambiant de dix minutes, prouvant une nouvelle fois toute la maitrise du groupe pour cet art si difficile à maitriser et canaliser. Un morceau très progressif, malsain, passionnant…véritable expression du néant complet et du minimalisme musical pendant que tant de pensées et de visions de bousculent dans l’esprit.
Qu’en dire au final ?
Dazzling Dawn dévoile un groupe déchiré entre deux visions complémentaires mais non maitrisées au même degré de talent. Il y a fort à parier qu’une production de qualité supérieure amènera un tout autre impact sur l’aspect black métal du combo français, qui, notamment avec le titre éponyme, montre néanmoins une qualité de composition loin d’être négligeable, même si elle reste loin de l’excellence filtrant sur Experience 835 ou 11 Corps Décharnés où la pression, l’ambiance poisseuse, dérangeante et malsaine délivre un réel malaise, même après l’écoute, presque éprouvante, du final.
Une approche intéressante et une fusion évoquant parfois le dernier travail en date de 1349 (Revelation of the Black Flame). Reste à voir comme le groupe va développer son concept sur scène…l’intérêt risque d’y être maximale.
1. The End
2. Dazzling Dawn
3. Sophist Revenge
4. Les Démons Obsédants du Regret
5. There Is No Daylight in the Darkest Paradise
6. Experience 835
7. The Next Blue Exoplanet
8. Marble Altar
9. Stokholm Syndrome
10. 11 Corps Décharnés