La caution Grunge du webzine.
Plus qu'un énième supergroupe, Sleepkillers célèbre les retrouvailles du public avec des musiciens qui ne donnaient plus de signe de vie artistique notable. Il y a tout d'abord Sam Rivers, bassiste d'un groupe fantôme, ayant repoussé la publication de son mystérieux projet d'album à d'innombrables reprises (cf. Stampede of the Disco Elephants). En termes quantitatifs en revanche, les ex-Puddle Of Mudd constituent le socle "fort" de la formation (même si en réalité, Damien Starkley et Adam Latiff n'ont joué ensemble que quelques mois, le temps d'une tournée entre 2011 et 2012). Avec cette première pierre posée sur la discographie des Américains, on aurait pu penser qu'il s'agissait d'un groupe fraîchement débarqué sur la scène Metal alternatif. Pourtant, le disque semble être à l'état de projet depuis au moins cinq ans - temps qu'il a fallu pour réunir un line-up "all stars" et retenir une dizaine de morceaux parmi ceux composés. À l'origine, le duo de multi-instrumentistes qui composait le supergroupe voulait s'affranchir d'un label. Il est aisé de s'y tenir quand on s'appelle Rivers et qu'on a accumulé de l'expérience et de la notoriété dans un groupe tel que Limp Bizkit, par exemple. Néanmoins, d'autres qui ont le luxe de se le permettre, privilégient une autre voie...
Les premières impressions sont assez révélatrices. En écoutant ce nouveau produit et pour peu que l'on soit familier avec l'univers du Saliva post-Josey Scott, on cherchera à connaître l'identité du frontman des Sleepkillers, sans plus tarder. Les ressemblances s'avèrent troublantes. L'ouverture du disque laisse transparaître un chant monocorde sur les couplets auquel on peut ajouter un style de voix très moderne - quasiment "déshumanisé" -, qui s'inspire de celui de Bobby Amaru. Il semblerait pourtant qu'aucune harmonie vocale impliquant le batteur n'ait été enregistrée. Néanmoins, cela ne nuit pas à la qualité du disque. Et d'ailleurs, en dépit de ses influences (Saliva ou Red Sun Rising, pour citer les plus notables), Starkley dispose d'une vraie personnalité. Lorsqu'on a affaire à un titre en mid-tempo, lavé de tous riffs Metal comme Left for Dead, l'artiste n'hésite pas à s'affirmer et à montrer une autre facette de lui-même. Les réminiscences Grunge s'expriment à travers les paroles, teintées de pessimisme ("I don't wanna let you go / And die for you to see / We're burning out of control"), et s'accentuent avec ce petit côté nasal dans la voix, ce qui rend le morceau captivant. Au lieu de produire un morceau entièrement acoustique sans réelles nuances, sur la dernière minute, les musiciens branchent leurs instruments en mode électrique. Effectivement, le groupe ne bouscule pas les structures classiques des chansons que l'on retrouve dans le Metal alternatif (l'intérêt du style est ailleurs). À ce titre, on peut regretter que par solution de facilité, certaines formations choisissent de terminer leurs morceaux par un énième refrain. L'originalité de Drown provient justement du fait que Sleepkillers ait trouvé une fin alternative à cet efficace mais sempiternel "couplet/refrain [...] break/refrain". L'ambiance diffère de la première partie de la chanson. Grâce à une nappe de clavier aérienne et toute simple (aucune certitude sur la technique employée pour créer un tel son / craquement), le groupe parvient, durant un bref instant, à nous donner l'illusion d'écouter un vinyle. Comme on peut s'en douter, les compositions sont empreintes de mélancolie. Mais elles restent mélodiques à bien des égards, malgré la présence d'un ou deux screams dans l'album (l'excellent "I'll watch you..." sur Hate Me ou bien un cri que laisse échapper le chanteur sur le break de Dirty Foot). En fait, le neuvième morceau fait figure d'exception. Jusqu'à l'arrivée du pont et du solo d'Adam Latiff aux alentours des 2 minutes 50, Hogtied est quasiment dénué de mélodies. À l'instar du début de la tracklist, par moments, une espèce de froideur domine les lignes de chant de Damien Starkley. Le court passage de basse qui suit le premier couplet confirme l'orientation prise par le titre.
Et si les supergroupes, ou assimilés (Breaking Benjamin et Cold n'en sont pas, mais les récentes restructurations de leurs line-up y font grandement penser), étaient l'avenir du Metal alternatif ? En tout cas, cet album éponyme regorge de tubes. Bien qu'il ne se clôture pas de la plus belle des façons (Better Man est une ballade trop doucereuse pour plaire), Sleepkillers nous offre un opus solide. Les riffs sont carrés et les morceaux, travaillés voire émouvants.
Tracklist :
- Leftovers (04:02)
- Drown (03:40)
- Dirty Foot (03:28)
- Left for Dead (04:19)
- Facedown (04:07)
- Hate Me (04:22)
- End of the Rope (03:36)
- So Low (03:15)
- Hogtied (03:49)
- Better Man (04:06)