Non.
Cette année, les Français du groupe Véhémence sortent leur deuxième album. En 2014, Assiégé ne m’avait pas spécialement marquée, alors je dois avouer que comme beaucoup, j’ai redécouvert le groupe avec tous les changements qu’ils ont récemment connus. Signature chez Antiq, modification du line-up avec Hyvermor (étonnant pour un projet signé Antiq et qui parle de folklore et de légendes !). On reconnaît également sa patte sur l’artwork, difficile de ne pas penser à ceux de son projet Grylle en le voyant (bien qu’une édition limitée existe en bleu et or grâce à Came : Roy de Rat, ainsi que le superbe logo-blason). Tulzcha reste bien évidemment à tenir la barre du projet, mais il s’agit plus d’un duo solide que du projet d’un seul homme.
Et on peut clairement dire que ce duo fonctionne à fond. On retrouve bien cette patte francophone, par les textes bien sûr (assez articulés, c’est toujours agréable), mais surtout cette ambiance et ces sonorités – qu’on retrouve dans les meilleurs albums de Black français médiéval ou folklorique – qui allient force, épopée et mélodies presque à fleur de peau, parfois. Difficile de citer des groupes similaires car dans cette veine stylistique, tous les groupes ont énormément de points communs et, en même temps, chacun son identité propre ! A la première écoute, on pourrait penser à une entité à mi-chemin entre Aorlhac et Sanctuaire ?
Là où Véhémence se distingue justement, c’est en puisant son inspiration dans un imaginaire, et non dans l’histoire. Ils ne s’en cachent pas et en font leur atout : si le Moyen Âge est au centre des morceaux, les événements racontés sont issus de légendes fantastiques et inexplicables, qui proviennent de l’imaginaire propre de Véhémence. Rien n’est « historique », mais la différence avec d’autres groupes est que celui-ci n’essaie pas de le faire croire. Il n’y a ni chauvinisme, ni ancrage dans le temps ou dans l’espace et en cela, l’identité du projet est réellement singulière.
Ce que certains ont pu reprocher aux groupes de Black médiéval, ce sont des riffs toujours « dans le même style », « qui se ressemblent », « qui innovent peu ». Véhémence en jouerait presque en faisant résonner ses meilleurs riffs parfois bien longtemps, ou en les faisant revenir de nombreuses fois au cours d’un même morceau. La différence avec d’autres groupes, c’est que ceux de Véhémence sonnent comme une évidence épique incroyable : tout est soigneusement composé pour paraître à la fois fluide et émotionnellement fort. On nous conte une histoire et le ton et l’intonation tout comme la structure sont maîtrisés pour nous faire entrer dans cet univers. Il n’y a aucun effort à faire pour l’auditeur !
Et que dire du chant ? La voix d’Hyvermor, qu’elle soit claire, éraillée ou criarde, parfois un peu dissonante mais toujours extrêmement convaincante, est la cerise sur le gâteau. Lorsque les techniques vocales évoluent au cours de l’album, ou que les chants se superposent en chœurs, il n’y a vraiment pas de quoi s’ennuyer. En cela, la seconde partie de « La Sorcière du Bois de Lunerive » est parfaite dans sa progression, du chant clair seul aux chœurs, jusqu’à des passages plus doux et acoustiques, suivis d’un retour en force, frontal et brutal, des boucles les plus efficaces. Ce type de schéma est bien sûr loin d’être unique sur l’album qui a l’occasion de faire évoluer les ambiances et les dynamiques sur la majorité des titres.
La production est équilibrée, l’album est varié. Entre la fluidité de la composition et le son, on voit s’alterner d’un côté la poussière et la crasse du Black français médiéval et, de l’autre, le caractère épique et la régularité de sonorités plus Heavy. On entend des échos à La Sanie des Siècles, mais aussi à des albums de Heavy/Doom épique !
Qu’il est agréable de voir le genre se renouveler dans une nouvelle belle fournée en cette fin de décennie. On attend la suite de ce large essor du style !
1. Epopée - Par le Sang Versé
2. La Sorcière du Bois de Lunerive
3. L'Etrange Clairière - partie I
4. L'Etrange Clairière - partie II
5. La Dernière Chevauchée
6. Le Sous-Bois, à trois lieues du Château
7. Passage dans les Douves
8. La Fronde des Anges