"On est tous le boomer de quelqu'un d'autre."
Hate Forest n’est plus. Blood Of Kingu non plus. Et si Drudkh mène sa carrière tranquillement (un album tous les deux ou trois ans, avec quelques compils et splits entre temps), Roman Saenko sait quoi faire du reste de son temps libre. D’ailleurs le bougre a surpris en début d’année avec la sortie du premier EP de Necrom, groupe où il s’éclate avec Knjaz Varggoth (Nokturnal Mortum) et Khaoth (Khors) à faire… du Death old-school. Dommage qu’il n’ait pas profité de ce stuff nommé The Light Has Never Been Here pour nous ressortir ses gros vocaux bien glaireux, mais passons. Passons car outre cette nouvelle formation dont la future productivité est incertaine à ce jour, il y a Windswept, l’autre projet de Saenko fondé en 2017 avec Krechet et Vlad de Drudkh. Qui lui, se montre productif car The Onlooker est la troisième sortie du trio sur une période de 23 mois. Saenko et ses deux compères meublent donc bien leur temps libre, quoique, en fait, pas tant que ça… vu que le concept de Windswept, c’est de pondre des albums sur un temps record. Quelques jours en studio, pas plus, et les musiciens composent et enregistrent un skeud. Voilà pour la petite histoire et Windswept n’a pas d’autre prétention que de faire du Drudkh en plus brut et direct, avec des compos improvisées et très Live, et c’est totalement assumé. Après, le résultat sera forcément discuté, et mitigé, quand bien même tous les paramètres du contexte particulier de Windswept sont pris en compte. The Great Cold Steppe (2017), le premier jet de la formation, était alors assez anecdotique et vain. Saenko a beau se lâcher et s’exprimer de manière sèche et brute comme il se doit, il a tout de même un peu perdu de son inspiration, de son mojo, dans la lignée du décevant dernier album de Blood Of Kingu, Dark Star On The Right Horn Of The Crescent Moon (2014) et de ce que produit Drudkh depuis un bon moment maintenant. Un départ qui ne laissait pas augurer à Windswept une suite de carrière très intéressante. Deux ans plus tard, on se retrouve donc pour un second jet, The Onlooker, toujours chez Underground Activists et toujours avec la même démarche musicale.
Je dois d’ailleurs avouer que comme The Great Cold Steppe ne m’avait pas franchement convaincu, j’avais zappé l’EP Visionaire sorti en février 2018 chez Ván Records. Et c’est une grossière erreur que de ne pas avoir fait confiance à Saenko sur ce coup-là. Car cet EP est tout bonnement excellent. Différant un peu de The Great Cold Steppe sur la forme avec deux longs morceaux (15 et 12 minutes) et donc retrouvant une vibe atmosphérique à la Drudkh, Windswept avait ici trouvé l’inspiration qui faisait défaut à The Great Cold Steppe. C’est même mieux que ça vu que le matériel proposé était presque digne du meilleur de Drudkh, qui commence d’ailleurs à dater. Finalement, la recette de Windswept peut donc marcher, et Saenko peut retrouver le mojo qu’il a perdu depuis, pour ma part, pratiquement 10 ans… si ce n’est plus vu que le dernier album de Drudkh m’ayant vraiment botté était Estrangement (2007), même si Microcosmos (2009) était quand même bon et qu’il ne faut pas oublier dans l’équation l’énormissime second album de Blood Of Kingu, Sun In The House Of The Scorpion (2010). Mais passons encore et venons-en à The Onlooker. On ne va pas passer le reste du texte de cette chronique à tourner autour du pot, la recette reste la même que celle de The Great Cold Steppe, et ce second full-length en revient à un style plus brut et intense après l’intermède Visionaire légèrement plus atmosphérique. Rien ne change donc, on a de nouveau affaire à du Black mélodique mais frénétique typiquement ukrainien, avec les vocaux hurlés de Saenko très caractéristiques (même si je regretterai toujours ses vocaux rauques de l’époque de Hate Forest mais, pour la dernière fois promis, passons). 37 minutes pour 8 morceaux sont au programme, mais on prend déjà une minute et un morceau pour l’intro "I’m Oldness and Oblivion", qui reprend le même gimmick d’ouverture et de fermeture de The Great Old Steppe qui est cet enregistrement d’une boîte à musique enfantine, avec un rendu baveux et saturé façon studio BM du fin fond de l’Ukraine. Tout un symbole finalement.
Et avec quelques coups de baguette pour donner le top départ, The Onlooker se lance avec "Stargazer" et il n’y aura aucune surprise au menu. C’est la même chose que l’album précédent mais avec une différence notable qui était introduite par Visionaire : l’inspiration. Oui, Saenko est bien plus en forme et arrive à pondre à nouveau des compos assez captivantes, bien aidées par l’intensité de l’ensemble qui ne s’aère que très peu (voire pas du tout), bien qu’une certaine forme de raffinement demeure présente vu que le Black-Metal de Windswept est tout de même très mélodique. Trémolos sur fond de blasts, c’est le gros du programme de The Onlooker, et les amateurs apprécieront, même ceux qui comme moi avaient trouvé The Great Cold Steppe franchement faiblard, et on peut aujourd’hui le considérer comme un faux départ pour Windswept. Alors certes, l’ensemble est très linéaire et les morceaux traînassent parfois sans avoir beaucoup de choses à dire. Mais le charme du style Saenko opère de nouveau ici, et c’est presque l’essentiel. Il y a peu de moments marquants sur The Onlooker, tout au plus on notera le départ bien remuant de "A Gift to Feel Nostalgia" suivi de mélodies enlevées, les riffs bien incisifs et le chant très agressif de "Disgusting Breed of Hagglers", le côté furieusement épique d’un "Gustav Meyrink’s Prague" (qui est d’ailleurs un morceau totalement instrumental), ou encore les moments plus rythmiques de "Time of No Dreamers & No Poets". Mais tout ceci finit par devenir quand même assez redondant, des morceaux comme "Insomnia of the Old Men" et "Bookworm, Loser, Pauper" n’apportent strictement rien et ressemblent comme deux gouttes d’eau à d’autres pistes présentes ou passées de Windswept. A noter également que le chant de Saenko est un peu différent sur "Insomnia of the Old Men" et "Time of No Dreamers & No Poets", mais c’est un des rares originalités de The Onlooker avec donc l’instrumental "Gustav Meyrink’s Prague". The Onlooker n’est donc quand même pas du même tonneau que les meilleurs skeuds de Drudkh… mais c’est déjà nettement mieux que The Great Cold Steppe car le touché de Saenko fonctionne à nouveau, ces mélodies balancées avec frénésie parviennent de nouveau à nous emporter (en dépit de tics de production un peu agaçants comme le son de batterie très… « ukrainien »). The Onlooker est donc une bonne surprise et redonne au moins de bonnes lettres de noblesse à Windswept, dont les particularités propres font que ça ne va pas chercher très loin, mais pour qui se contente d’un petit album de BM ukrainien « à la Saenko », cet opus est tout à fait satisfaisant. Allez, un autre EP à la Visionaire sous un an, et Windswept aura réussi à vraiment convaincre, en attendant du neuf du côté de chez Drudkh (et si possible, du bon).
Tracklist de The Onlooker :
1. I’m Oldness and Oblivion (Intro) (1:12)
2. Stargazer (5:35)
3. A Gift to Feel Nostalgia (5:09)
4. Disgusting Breed of Hagglers (6:35)
5. Gustav Meyrink's Prague (5:55)
6. Insomnia of the Old Men (4:49)
7. Times of No Dreams & No Poets (3:47)
8. Bookworm, Loser, Pauper (4:37)