Non.
L’une des belles surprises de cette fin d’année 2018, c’était la sortie du deuxième album de Death Karma. Le side-project des musiciens de Cult Of Fire avait déjà bien fait parler de lui en 2015 en s’attaquant à un gros morceau : essayer de mettre en musique l’histoire des pratiques funéraires et de la mort à travers le monde et l’histoire. Et il y avait de quoi se réjouir rien que pour le concept si, comme moi, l’anthropologie vous passionne, mais aussi car l’objet était séduisant grâce aux artworks complexes et parlants de Dávid Glomba (Teitan Arts).
On prend les même et on recommence : le premier album intitulé The History Of Death & Burial Rituals Part I prévoyait déjà, comme l’indiquait son titre, une suite. Ce nouvel album, qui reprend le flambeau en Part II, n’est pourtant pas réellement une continuité au sens habituel d’une discographie de groupe. Chaque titre est, dans son essence, censé être largement différent de son voisin. On ressent finalement assez peu d’homogénéité d’ensemble, tant sur le premier que sur le second album qui joue encore davantage le jeu. On passe vraiment d’une ambiance à l’autre sans transition aucune, et si ce n’est les légères différences de production entre les deux opus, on pourrait passer les deux en lecture aléatoire qu’on ne saurait plus quel titre vient d’où.
Les choix réalisés par Death Karma dans les thématiques abordées sont assez constants : on retrouve à nouveau des pratiques funéraires et autres histoires macabres très connues et d’autres beaucoup moins. Toutefois, si l’on s’intéresse un peu au sujet, il est difficile d’être surpris. J’aurais sans doute apprécié que le groupe nous sorte des histoires plus oubliées et moins médiatisées, mais laissons leur l’occasion de se surpasser sur un éventuel troisième album.
Concrètement, les morceaux ont tous leur dose de riffs épiques et d’efficacité. Là où le premier album s’inscrivait dans une veine Cult Of Fire-like, parfois un peu plus glauque et rentre-dedans, celui-ci met les bouchées doubles surtout en ajoutant une dimension plus épique qui n’était pas aussi présente auparavant. Je pense au morceau « Egypt – Pharaohs » qui ajoute une dimension grandiose si poussée qu’elle est toujours à la limite du kitsch, mais qu’on finit par juste adorer tant le résultat est majestueux. On se demande même si l’orgue était forcément judicieux, vu l’effet anachronique et hors de propos de l’instrument lorsqu’on pense aux rites funéraires de l’Egypte antique, mais pourquoi pas… C’est plus sur l’ambiance générale délivrée que les compositions collent plutôt bien aux thématiques, finalement.
Côté sonorités et instruments, il y a un détail que j’aimerais mettre en lumière qui me semble plutôt important car assez rare. J’ai toujours trouvé que l’idée de mêler un univers tribal et primitif à du Black Metal était une excellente idée, mais rares sont les projets musicaux qui ont réussi à porter le concept jusqu’au bout. L’une de mes grandes déceptions était souvent que je ne comprenais pas qu’aucun groupe, ou presque, n’utilise de percussions différentes d’une batterie habituelle de Metal extrême. Alors instruments ethniques ou anciens à gogo lorsqu’il s’agit de créer une mélodie mystérieuse mais rien d’aussi direct et efficace qu’une bonne percussion tribale ? Death Karma a exaucé mon souhait en ouvrant l’album avec « Haiti – Voodoo » et force est de constater que cela fonctionne à merveille pour évoquer bien davantage qu’une ambiance, une véritable frénésie qui vient des tripes et des ancêtres.
De manière générale, on reste sur des compositions de Black très mélodieux, malgré quelques passages où la rythmique prend le dessus, qu’elle soit martiale et incantatoire, plus complexe ou au tempo plus soutenu. Malgré la touche très reconnaissable du groupe, chaque titre arrive à être fondamentalement très différent de celui qui le précède ou qui lui succède. Tout cela dans le but de partager quelques minutes d’une culture dans ce qu’elle a de plus morbide voire fascinant, selon les goûts…
Et il faut dire que c’est quand même plutôt réussi. Bien sûr, l’immersion est encore davantage effective lorsqu’on sait de quoi le titre parle et qu’on admire les artworks de Dávid Glomba sur chaque sujet. Car pour terminer, l’album est également un très bel objet : pour les illustrations qui correspondent à merveille mais également pour quelque chose qui me tient beaucoup à cœur : une brève approche des sources du groupes, aussi utile pour le curieux (« pour aller un peu plus loin sur le sujet ») que pour comprendre qu’ils se sont un minimum renseignés avant. Difficile de réellement juger cet album, ou de le comparer au précédent tant la réflexion se fait davantage en fonction des titres que des albums lorsqu’on parle de Death Karma. En termes de favoris de ce dernier opus ce sera « Egypt – Pharaohs » pour l’escalade épique, et « Indonesia - Tana Toraja » pour sa composition ultra efficace et la pratique funéraire fascinante des Toraja.
1. Haiti - Voodoo
2. Tibet - Sky Burial
3. Scandinavia - Ship Burial
4. New Zealand - Mongrel Mob
5. Egypt - Pharaohs
6. Indonesia - Tana Toraja
7. Czech Republic - Ossuary
8. Japan - The Sea Of Silent Trees (bonus track)