Non.
TJ Cowgill en a fait, du chemin, depuis 2010. Du chanteur à guitare désabusé, aux tapes grésillantes de bande son de dimanche pluvieux, le King a finalement réussi à s’approprier son nom à merveille en gagnant en maturité, en charisme et en assurance. On garde une vitesse de croisière constante, avec un nouvel album au bout d’une ou deux années d’attente à chaque fois, les tournées se multipliant entre chaque. On a vu du Rock, du Blues, du Post-Punk, de la Pop et bien d’autres sous-genres : toutes les émotions retranscrites dans tous les scénarios possibles. Toujours plus de contenu, de nouveauté, de nouvelles histoires à raconter. Et on arrive, en 2018, à Music To Make War To.
C’est pourtant typiquement du King Dude, avec un titre accrocheur, des clips aux images parfaites, et un feeling rock toujours présent. Et à chaque nouvelle sortie, on entend un peu plus de Nick Cave, un peu plus de Leonard Cohen, et d’autres influences noires et grandioses… Si bien qu’on ne sait plus où est vraiment King Dude au milieu de tous ces visages et ces facettes qui l’ont imprégné.
Il s’agit du premier album du projet auquel je n’accroche pas plus que ça. Pas que les morceaux soient mauvais, non, loin de là. King Dude sait toujours composer des tubes, même plus que jamais depuis ces dernières années ! Mais finissent-ils par tous se ressembler ? On pourrait lancer un Bingo d’album de King Dude avec le titre rock’n’roll saturé (« Dead Before The Chorus »), le titre à haut potentiel de sensualité (« Good And Bad »), le titre de pop pessimiste (« Velvet Rope »), le titre au chant qui reste en tête pendant des heures (« I Don’t Write Love Songs Anymore »), le titre noir des entrailles des Etats-Unis (« Twin Brother Of Jesus »), et même la balade pleurnicharde pour clore l’ensemble (« God Like Me »).
Tous ces titres ne sont pas mauvais, non. Mais ils manquent cruellement d’âme, de renouveau, d’une nouvelle saveur qu’on n’aurait pas déjà entendue il y a deux ans sur Sex, finalement. La nouvelle version quelque peu aseptisée de King Dude semblait simplement plus épurée et simple sur l’album précédent, là où elle sonne vide ici. Les morceaux, pris isolément, sont agréables, mais l’ensemble ne fonctionne pas.
On n’y ressent pas forcément la même sincérité, non plus. Là où le titre de l’album, Music To Make War To laissait présager un feeling vindicatif, le King semble plutôt las d’aller se battre. Son chant se fait peu convaincant : « Velvet Rope » ou « Time To Go To War » proposent une voix largement effacée. « God Like Me » présente un TJ fatigué, pas toujours dans les temps, pas toujours juste, sans que l’excuse de l’effet de style ou de l’émotion soit crédible ici. Même la production globale de l’album semble faible, et ne donne pas envie de pousser le bouton de volume, plutôt de garder les quarante minutes d’écoute en fond, en faisant autre chose. De temps en temps, un refrain ou une rythmique nous fait relever la tête, ou même la voix cotonneuse de Josephine Olivia en featuring sur « Good And Bad ». Mais c’est tout.
Dans la chronique de Sex, j’imaginais la discographie de King Dude comme une suite de divers passages obligés dans le grand voyage du Rock’n’roll. Sex était-il finalement une forme de « Music To Make Love To » ? Et si ce nouvel album est bien un Music To Make War To, que reste-t-il à venir sur l’échelle des comportements subversifs et de la violence humaine ? La boucle semble bouclée. Allez, parions sur un album de type « Music To Die To », pour finir en beauté. Un concept-album de titres prêts-à-jouer lors de funérailles ? Ce ne serait pas si étonnant venant de lui.
Toutefois, si cela signifie un retour à des titres naïfs, désabusés, gothiques et neofolk à la fois comme King Dude a su si bien le faire : je ne vois pas pourquoi je voterais contre.
1. Time To Go To War
2. Velvet Rope
3. Good And Bad (ft. Josephine Olivia)
4. I Don't Write Love Songs Anymore
5. Dead Before The Chorus
6. Twin Brother Of Jesus
7. In The Garden
8. The Castle
9. Let It Burn
10. God Like Me