Alors qu'il était annoncé que le quatuor allait prendre un break de deux ans pour s'investir dans d'autres projets, les tensions internes au sein de Live ont eu raison de leur séparation en 2009. Délivré quelques mois avant le split officiel, ce Live at the Paradiso – Amsterdam qui disposait d'un son étonnament chaud (certains diront blues) avait tout de la dernière offrande que fait un groupe à la fin de sa carrière. Un sentiment renforcé par la sortie, sous forme d'adieux, du single Purifier, enregistré au terme d'une éprouvante session studio de nuit aux Pays-Bas, qui clôturera le premier chapitre Ed Kowalczyk, avant les retrouvailles tant attendues en 2016. Mais en prenant la décision de reformer le groupe avec un chanteur autre que ce dernier, Live n'a pas démérité. D'autant plus qu'il y a quatre ans, Chris Shinn avait créé la surprise sur l'album The Turn, en développant le côté lourd et sombre de la formation, jusqu'alors simplement exprimé sur le pont d'All Over You. Au regard de son "départ" précipité et très peu commenté par le reste des membres, ces années avec l'ex-Unified Theory comme frontman n'étaient, semble-t-il, qu'une parenthèse dans la discographie des américains.
Lorsque l'on aborde le cas d'un groupe qui en vingt-cinq ans d'histoire, n'a jamais connu un seul changement de line-up, il peut sembler bien anecdotique qu'un chanteur différent ait pris les rennes de Live pendant quatre ans. Pourtant, qu'on le veuille ou non, le passage de Chris Shinn a laissé des traces. Si l'on en croit Love Lounge et surtout Brother, le quatuor a choisi de poursuivre la direction musicale que l'ex-vocaliste avait amorcé sur The Turn. En effet, sur l'avant-dernier titre de la tracklist, on retrouve mêlé à des sonorités orientales des riffs saccadés et typiquement metal qui rappelent l'album précédent. D'ailleurs, à l'ouverture de Brother, on ne reconnaît pas immédiatement le timbre d'Ed, celui-ci ayant privilégié une approche vocale plus spirituelle à laquelle on n'avait pas assisté depuis Secret Samadhi en 1997. Ce rapprochement avec le disque sus-cité, on peut également le faire sur la splendide et non moins progressive Venus in Furs. Pour les auditeurs ignorant qu'il s'agit d'une cover de Velvet Underground, on peut dire qu'elle est la meilleure composition de ce cinq-titres. En effet, cette version plus propre et moins "tricky" est une revisite totale de la chanson d'origine, qui accentue un peu plus le côté oriental des mélodies grâce au violon et aux tambours. Kowalczyk remet au placard le phrasé rap un peu vieillissant de Lou Reed tandis que par le biais des arrangements, l'ambiance gagne en épaisseur et en intensité.
Aussi, le groupe met dans cet EP une urgence qui est en totale cohérence avec le format du disque, qui se prête davantage à des titres efficaces voire calibrés qu'à des choses plus complexes, comme en témoigne Be a Giver, Man ou encore l'hymne Love Lounge. Par ailleurs, le son garage aux accents de stoner du premier fait écho au nom de l'oeuvre, Local 717. Pour y ajouter du rythme et des percussions supplémentaires, Live est allé chercher Stephen Perkins, batteur de Jane's Addiction. On sent les réminiscences de The Gracious Few, toutefois, malgré le solo énergique de Chad Taylor sur le final, les musiciens de York ne sont pas au meilleur de leur inspiration. Love Lounge a désarçonné plus d'un fan quand il a été dévoilé, et pas seulement du fait de ses paroles doucereuses (bien que poétiques). Un contraste particulièrement intéressant se forme, entre les guitares très "heavy" des couplets et du bridge et les refrains empreints de romantisme, ponctués de choeurs pop-rock. C'est là toute la force du post-grunge. Confronter des univers musicaux. On notera également les vocaux énervés d'Ed Kowalczyk sur les "shoot that" / "fear" que le chanteur prononce comme des questions-réponses à lui-même. Enfin, les nombreuses interjections ("Wooh" etc...) et débuts de screams (celui de Waterfall à 2:44) qui accompagnent les morceaux paraissent peu ou pas calculées, ce qui rend le disque authentique et parfois proche, dans sa spontanéité, de Throwing Copper.
Avec Local 717, qui est le second EP de Live après... Four Songs en 1991 (!), les américains de nouveau conduits par Zedd, opèrent - à quelques détails près - les mêmes choix artistiques que sur The Turn. Ils nous proposent un univers vraisemblablement plus dark, qui passe par une instrumentation plus lourde et un élargissement du line-up dans sa configuration live (un batteur et un guitariste de plus).