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Devenir un groupe culte avec un seul album est un tour de force qui a ses avantages et ses inconvénients. D'un côté, vous marquez l'histoire avec un album aux qualités intemporelles, vous vous assurez un succès d'estime et une place dans l'histoire du métal. Vous risquez d'un autre côté de voir cette réputation passer dans les oubliettes de l'histoire et de voir votre nom ne devenir qu'un souvenir lointain pour quelques métalleux vieillissants qui diront que c'était mieux avant, ou un nom que les musiciens lancent comme influence sans jamais avoir vraiment écouté, histoire de se donner de la contenance et un Savoir. Tout cela peut être évité en ressortant un album, le tout accompagné d'un suspense, de quelques tribulations commerciales et artistiques : nouveau label, musiciens (un nouveau guitariste et un changement de bassiste), compositions, artwork (proche du précédent)... tout devient sujet à attiser les fans qui n'en demandaient pas moins. Et bien voilà en partie le chemin récemment parcouru par Cynic qui revient chez Season of Mist avec Traced in Air, leur deuxième album en presque deux décennies. Et dire qu'il était attendu est un euphémisme. Alors nous passerons sur les différents effets d'annonce, les titres dévoilés en avance soit en live (Evolutionary Sleeper) soit sur le net (Integral Birth et Adam's Murmur), qui ne sont, à mon goût, que de petites opérations promo bien vaines pour attirer un chaland déjà sur les dents.
Mais Cynic est un groupe intelligent : en brisant les codes des genres il y a plus de quinze ans, ils ont assuré une place au panthéon de la musique métal à Focus. En renaissant aujourd'hui, ils se doivent de faire preuve de cette même intelligence en proposant une œuvre dans la continuité tout en s'adaptant à leur époque. Une partie de cette adaptation viendra de leur capacité à montrer qu'ils ont bien digéré les critiques afin de démontrer que les années se sont converties en expérience. Voyons ce qu'il en est : premièrement, le son a été lissé, l'osmose entre les musiciens est rendue de manière claire et pertinente. Le groupe profite pleinement des moyens modernes offerts par les studios afin que les huit titres fassent ressortir les finesses, les détails, et la puissance du groupe.
Puis les fondamentaux du groupe sont reconduits : le mélange gros son / passages aériens et bien sûr le chant de Paul Masvidal et son vocoder. Pas de surprises pour ceux qui ont trouvé ce détail innovant ou gênant : il est bien de retour et il a même légèrement évolué : il est plus aigu et en devient malheureusement un peu casse-pieds au bout d'un moment. Surtout que la quasi totalité des parties chantées le sont sur ce mode. Bien sûr il y a un peu de chant clair (sur Integral Birth par exemple) et quelques growls, plus nombreux que sur Focus, afin d'amplifier le côté extrême auquel on associe parfois Cynic (The Unknown Guest en est un bon exemple). Pour finir avec le chant on a la forte impression que la musique s'articule autour de cette partie : elle porte, soutient les parties en vocoder alors les growls eux sont partie intégrante des passages plus musclés.
Cette dichotomie ambiance / distorsion sous-tend la musique de Cynic, certainement un reste de leurs influences jazz. La cohésion entre le batteur Sean Reinert et les deux guitaristes est une des indéniables qualités de Traced in Air : grooves plus écho plus arpèges plus plans jazz plus voix space nous assurent un décollage immédiat. Mais tout ça pour nous amener vers des hauteurs métalliques tout aussi jouissives : écoutez l'alternance très serrée dans King of those who Know où tout est mené à la seconde près, on sent l'exigence dans la construction et l'écriture. Encore aujourd'hui tout le monde ne peut pas se prétendre du niveau de Cynic. Voilà un détail que l'écriture d'une chronique ne peut pas rendre, comment décrire cette souplesse, ce groove énorme, il ne se passe pas une seconde sans que quelque chose ne vienne faire évoluer la chanson, voilà la marque de fabrique de ce groupe unique.
Et en même temps, pas vraiment le temps de se reposer ou de s'ennuyer parce que trente cinq minutes pour un retour ce n'est pas long. On pourrait même croire qu'ils n'ont pas voulu aller plus loin pour éviter une éventuelle déception ou grosse prise de risque. Alors tant mieux car la légende reste intacte, on a cependant l'impression qu'attendre quinze ans pour un deuxième album qui se solde en six titres (dont trois révélés avant la sortie) plus deux instrumentaux (Nunc Fluens et Nunc Stans) et qui aurait pu se faire quelques années après tant la filiation est grande, est un peu frustrant. Vous me trouverez pénible de ne pas m'enthousiasmer sans limite, et c'est vrai car Cynic nous propose quand même huit titres qui s'ils ne marqueront pas l'Histoire de la même manière que Focus, ont ravi les fans et on a pu lire dans certains magazines qu'ils étaient avec Traced in Air à l'origine du « breath metal », un métal qui donne un bouffée d'air frais. En voilà une belle et juste définition en conclusion d'une chronique.
01. Nunc Fluens
02. The Space for This
03. Evolutionary Sleeper
04. Integral Birth
05. The Unknown Guest
06. Adam's Murmur
07. King of Those Who Know
08. Nunc Stans