"On est tous le boomer de quelqu'un d'autre."
Hé bien, Heptaedium ne chôme pas. Un peu moins de 8 mois après How Long Shall I Suffer Here?, voilà que le projet parisien nous propose déjà un nouveau stuff. Mais bien nourri qu’il est à la Baguette Française de Tradition, la productivité du bonhomme n’étonnera personne. Depuis sa création en 2012, Heptaedium n’avait pourtant pas sorti énormément de choses, surtout que le format relativement court demeure privilégié même si on parle bien d’« albums ». C’est d’ailleurs par l’EP Underground Business sorti en 2016 que le projet s’est réellement fait remarquer. La suite, une signature chez Apathia Records, et donc deux albums en moins d’un an. Parti d’un délire Nintendo-Metal à la The Algorithm en un peu plus crade (la pochette de l’EP Kawaii!! (2015) est toujours là pour en témoigner), Heptaedium évolue au fil des sorties. How Long Shall I Suffer Here? avait donc injecté pas mal de Metal, avec pertes et fracas dans la forme vu que les sonorités de gratte et de batterie étaient un peu crispantes et desservaient l’ensemble. Ensemble qui était tout de même nettement relevé par l’identité musicale propre du projet, cette ambiance rétro très malsaine, sorte de BO d’un imaginaire jeu vidéo pixel art satanique. Heptaedium trace donc sa route en marge de ce qu’a pu faire The Algorithm au fil de sa discographie. Et avec The Great Herald Of Misery, Heptaedium va prendre une nouvelle route, un coup de volant brusque, sans entièrement changer de paysage. N’y allons pas par quatre chemins : jusque-là, Heptaedium était un projet instrumental. Et désormais, il y a du chant.
The Great Herald Of Misery se situe donc de prime abord dans la lignée de How Long Shall I Suffer Here?, mais maintenant, il y a du chant avec. C’est très simple en apparence. En apparence seulement car Heptaedium va en profiter pour changer quelques équilibrages et faire de cet album quelque chose d’unique dans sa discographie (pour le moment, du moins). Première chose importante, par rapport à l’album précédent, les sons de gratte sont ici mieux équilibrés, moins saturés et plus appréciables, ce qui est un bon point sachant que la production un peu rude de How Long Shall I Suffer Here? m’avait fait souffrir. Il subsiste toujours en revanche ces gimmicks de batterie à contretemps « psch psch schpaf » un peu téléphonés et agaçants, même si là aussi ils claquent tout de même moins que sur l’opus précédent. Les défauts du « Metal » de How Long Shall I Suffer Here? sont donc plutôt gommés, et tant mieux car The Great Herald Of Misery va être un album encore plus « Metal » qu’auparavant. Quitte à carrément laisser de côté tout l’aspect électro, qui est surtout présent pour les intros/outros et quelques breaks, parfois en fond ("Till the Seventh Snake Eat Their Empty Shell"). The Great Herald Of Misery est donc presque complètement à part de la discographie de Heptaedium jusqu’à maintenant, et en revient à faire du Djent des racines, celui de Meshuggah. Surtout que le chant que nous propose Florent est très arraché, à la Jens Kidman, forcément. The Great Herald Of Misery ne sera donc pas le stuff le plus original de Heptaedium. Et faire du Meshuggah-like, c’était gênant à une certaine époque (on se souvient du premier album de "????" en son temps), depuis de l’eau a coulé sous les ponts, le Djent s’est éloigné de ses influences primaires et y revenir, ça peut être considéré comme un hommage tout à fait pertinent.
Mais si quelques éléments sont évidents (le chant, les quelques leads Thordendaliens, le côté complexe et écrasant), Heptaedium ne fait pas non plus sur cet album un vulgaire copié-collé de Meshuggah. Les ambiances électroniques propres au projet apportent bien évidemment de la singularité, même si elles auraient pu être moins parcimonieuses, et la totale fusion du Heptaedium « d’avant » et de celui présent aurait pu être bigrement intéressante (mais ce n’est peut-être que partie remise). Mais ce qui apporte un plus également, c’est le fait que Heptaedium a tiré de How Long Shall I Suffer Here? le côté le plus sale de sa musique et l’applique encore plus ici. Il en résulte un « Math-Metal » (plus que du Djent car ce n’est pas tout à fait la même chose) bien malsain et abrasif. Plus dans l’école de Vildhjarta, en moins forestier et plus mécanique. La lourdeur est donc de mise avec des riffs bien massifs, même si le registre est généralement dynamique, le tempo s’abaissant surtout pour des morceaux comme "Till the Seventh Snake Eat Their Empty Shell" ou encore "I’m the Great Herald of Misery". Pour le reste, Heptaedium se montre plutôt inspiré, avec bon nombre de riffs bien mordants ("Watch Me Break the Neck of the Hypocrites", "Spill Torrents of Carcass on the Ground and Piss on Them", "I’m A Symmetric Mass of Hate"). The Great Herald Of Misery sera donc un album assez monolithique, très noir, d’ailleurs les noms des morceaux donnent bien une idée de l’ambiance offensive et étouffante que l’on peut y trouver, les paroles abordant par ailleurs et entre autres les dérives et dangers de la technologie. Pourtant, on parvient un peu à respirer de temps en temps, le temps d’un petit peu de chant clair pendant "Watch Me Break the Neck of the Hypocrites", de mélodies au détour de "I’m A Symmetric Mass of Hate", du plus aéré et instrumental "Trapped in A Gravitational Abyss", ou encore du final apocalyptique de "I’m the Great Herald of Misery" qui fait écho à l’intro éthérée "Now".
Banal album de Math-Metal en apparence, The Great Herald Of Misery s’avère intéressant de par les particularités et les talents de Heptaedium, pour accoucher d’un skeud de Math-Metal bien abrasif, négatif et oppressant. Il y a toutefois plusieurs « dommage » à y apposer. Dommage que la globalité de l’album ne soit pas très originale pour quelque chose qui reste quand même assez typé Meshuggah, jusque dans la nouveauté du projet qu’est le chant. Dommage donc que le côté électronique qui a fait jusque ici la renommée de Heptaedium soit relativement peu présent alors que la fusion totale aurait été particulièrement prometteuse. Dommage aussi que l’album ne dure que 26 petites minutes, il y avait encore de la place pour quelques compos supplémentaires sans que ça ne tourne de trop en rond. Dommage aussi que la production ne soit pas encore parfaite malgré tout. Mais The Great Herald Of Misery a des arguments pour convaincre, ne serait-ce que parce qu’il prend bien le contrepied de tout le Djent trop sucré et que ça peut faire plaisir à ceux qui regrettent des choses plus crues, ou qui trouvent que Meshuggah n’est pas assez productif (et que dire de Vildhjarta…) et qui se jettent sur des (rares) formations similaires. Supérieur sur certains points à How Long Shall I Suffer Here?, The Great Herald Of Misery lui est aussi inférieur sur d’autres, notamment du point de vue électronique, composante un peu laissée de côté ici alors qu’elle était le point fort du projet jusque là. Autant dire que si le chaînon manquant entre ces deux albums venait à exister (avec un son aux petits oignons), il y aurait moyen que la tuerie soit totale. Pour l’instant, The Great Herald Of Misery est un album à part pour Heptaedium, plutôt réussi même s’il demeure un peu frustrant sur certains points et quand on connaît le potentiel du projet. Reste à savoir maintenant si cette mouture « avec chant » sera un one-shot, si l’électro reviendra en force ou mieux encore, si le « Super-Djent-Endo » trouvera un jour un réel aboutissement avec une mixture parfaite. Tous les ingrédients sont là en tout cas…
Tracklist de The Great Herald Of Misery :
1. Now (1:42)
2. Watch Me Break the Neck of the Hypocrites (3:14)
3. Spill Torrents of Carcass on the Ground and Piss on Them (2:40)
4. Till the Seventh Snake Eat Their Empty Shell (2:44)
5. I'm A Symmetric Mass of Hate (3:53)
6. Trapped in A Gravitational Abyss (3:39)
7. I'm the Great Herald of Misery (8:24)