"On est tous le boomer de quelqu'un d'autre."
Heptaedium, projet parisien existant depuis 2012 est, si on en croit sa promo, un mélange entre Meshuggah, Igorrr, The Algorithm, Venetian Snares, Super Mario, Dragon Ball Z, Francky Vincent, de la Baguette française de tradition, et le meilleur site Internet qu’est YouPorn. Ce qui est d’ailleurs tout à fait vrai (à part peut-être pour YouPorn, mais pour la Baguette, c’est sûr et certain). Bref, une bonne nouvelle trouvaille de la part d’Apathia Records qui cherche toujours des challengers à Pryapisme et en trouve sans trop de mal. Surtout que Heptaedium a été assez prolifique pour se faire remarquer, avec un premier album « un peu nul » (Monochronic Visual Interface, 2012) et un second album « un peu moins nul » (Kawaii!!, 2015) mais surtout un très remarquable EP du nom de Underground Business sorti en 2016 chez le label Kitty On Fire Records (ça ne s’invente pas). Très attaché à sa Baguette de tradition, Heptaedium s’est donc retourné vers le franco-français et Apathia en a profité pour changer un peu son visuel, délaissant le logo Brutal-Death-esque et les références nerd pour quelque chose de plus Satan. Mais la musique de Heptaedium, présentée sous le sobriquet « Super-Djent-Endo », reste la même, à savoir ce qui sert de name-dropping plus haut (si, si). De l’Electro-Metal bien déglingué et dark, rétro et percutant, du The Algorithm moins axé disquettes et MIDI mais plus Super NES et pixel art. Bref, du riff et des ambiances de donjon. Le tout sous l’odeur d’une Baguette bien chaude.
Heptaedium déroule donc son mashup Djent/Electro à qui veut et offre même une version assez pessimiste et noire du genre, avec des noms de morceaux dignes d’une tumblr girl en crise bipolaire. How Long Shall I Suffer Here ? sera donc un album globalement sale, on est bien loin de la déconne de certaines formations du genre, d’ailleurs nous aurons droit à bien peu voire pas du tout de samples. Bien sûr, l’ensemble est totalement instrumental, et rien ne viendra troubler le dialogue entre les rythmiques Djent/Metal et les sons d’ambiance rétro. Heptaedium va donc encore plus loin que Underground Business qui était déjà bien d4rk. Et dès l’introductif "Enter", les riffs dynamiques sont de sortie. Si un The Algorithm se présente parfois comme un projet électro avec des éléments Metal, How Long Shall I Suffer Here ? fait presque la démarche inverse et ce sont bien les grattes et la batterie qui tirent leur épingle du jeu, surtout au premier abord. Et pour cause, et je vais direct aborder ce qui est fâcheux, les parties « Metal » sont un peu trop mises en avant et un peu trop surmixées. Heptaedium a mis le paquet pour avoir un son qui pète bien, mais au final, il pète même de trop… Et la puissance des riffs devient vite crispante, avec des grattes trop dures et sèches par moments, en plus d’un son de batterie (programmée) très claquant, surtout quand on a droit aux très classiques rythmes à contretemps typés Djent qui font « psch psch schpaf ». On le constate dès le morceau-titre, très râpeux et sombre, où l’ensemble devient un peu rude dès que la cadence s’accélère et que les blasts sont de sortie. Et le son de How Long Shall I Suffer Here ? attaque donc un peu beaucoup les oreilles, surtout dès "When I’ll Die… All Will Be Lost Forever Gone" et ses parties blastées qui sont à la limite du supportable. Aïe. Doit-on souffrir aussi ?
Malheureusement, How Long Shall I Suffer Here ? me semble donc pécher grandement sur la forme, ce qui est dommage sachant que les bases de Underground Business étaient plutôt bonnes, et qu’il ne fallait pas grand-chose pour passer la frontière qui sépare la production underground de la finesse sonore de The Algorithm. L’aspect Djent/Metal n’est donc hélas pas ce qu’il y a de plus intéressant à retenir de How Long Shall I Suffer Here ?, sur la forme donc (citons encore les écarts sonores de morceaux comme "Subpixel Carryover", "Mara", "I Wanna Make You Believe in Me", "But I Feel So Weird These Days" avec des passages de riffs/batterie bien trop claquants)… mais aussi un peu sur le fond car on ne dépasse jamais vraiment le cadre de riffs Math-Metal classiques, notamment pour "Asphyxiate" où l’influence de Meshuggah est particulièrement voyante. C’est vraiment dommage surtout que Heptaedium a d’autres qualités que l’on va tout de même pouvoir extirper du lot. Et bien évidemment, on s’arrêtera sur les nombreuses ambiances rétro-dark qui sont souvent très réussies et bien amenées. "Supixel Carryover", le plus varié "Mara", "I Wanna Make You Believe in Me" avec des riffs plus croustillants et de belles mélodies, le très bon "But I Feel So Weird These Days", ou encore le 100% électro et bien dark "If the World Would Stop Spinning I Don’t Think I’d Miss It" et l’outro à la cool "I’m So Scared, Sorry" valent tout de même leur pesant de cacahuètes, et c’est là que Heptaedium dévoile son plein potentiel, avec des ambiances électroniques vraiment sombres et prenantes qui témoignent d’un certain savoir-faire en termes de sons rétro et surtout d’une vraie passion et d’un background conséquent en termes de trifouillages « Nintendo » qui raviront les amateurs de jeux vidéo vintage.
Le bilan de How Long Shall I Suffer Here ? est donc tout de même satisfaisant, surtout que l’album est plutôt court (31 minutes) et n’a pas le temps de vraiment lasser. Mais Heptaedium devra confirmer ses efforts, surtout en étant moins foufou sur la forme, pour un album pourtant plus sage qu’il n’y paraît. Une bonne version dark et Nintendo-esque de The Algorithm qui pèche malgré tout dans l’excès metallique, et donc manque d’équilibre. Il est sûr qu’essayer d’égaler la forme actuelle du projet de Rémi « Oui » Gallego est une gageure quand on se remémore la qualité de Brute Force, album lui aussi relativement Metal. Heptaedium demeure un challenger honnête, dommage que son How Long Shall I Suffer Here ? souffre assez de sa sonorisation un peu trop sèche et claquante, il semble clair qu’Heptaedium a pourtant eu envie de bien faire mais le résultat n’est pas à la hauteur dans tous les détails. Du Metal discutable, de l’électro-rétro croustillante comme la bonne Baguette malgré tout, mais l’essai de l’EP Underground Business n’est pas transformé et Heptaedium devra confirmer tout ça, on pense bientôt, vu que le projet semble prolifique. Il y a donc encore quelques réglages à effectuer, et dès que ça sera fait, il ne fait nul doute que nous aurons ici une excellente alternative à The Algorithm dans une version plus pixelisée et rouge sang. On souffle dans la prise péritel, on règle le contraste, on nettoie les touches de la manette, on va racheter des Baguettes chez le boulanger, et c’est reparti.
Tracklist de How Long Shall I Suffer Here ? :
1. Enter (1:32)
2. How Long Shall I Suffer Here ? (3:13)
3. When I'll Die... All Will Be Lost Forever Gone (3:39)
4. Subpixel Carryover (3:33)
5. If The World Would Stop Spinning I Don't Think I'd Miss It (3:50)
6. Asphyxiate (3:59)
7. Mara (3:20)
8. I Wanna Make You Believe In Me (3:16)
9. But I Feel So Weird These Days (2:55)
10. I'm So Scared, Sorry (1:41)