La nuit. Arrachant le ciel, révélant milles constellations. La nuit. Impénétrable. Propice à la contemplation, l'introspection. La nuit, sa solitude, ses rêves, l'infinité de ses pensées. Sa plénitude. La nuit, décachetant le voile mercuriel de Séléné. Révélant l'astre lunaire et ses courbes millénaires. Contraste monochromatique superbe. La nuit, créatrice des angoisses et des peurs primaires. La nuit, permanente mais éphémère. Cycle intangible. La nuit, territoire du Spectre.
Ce Spectre, il n'en est pas à son coup d'essai. Surgi de l'ombre en pleine expansion du renouveau de la scène Dungeon Synth, c'est en 2017, année de "Rise of the Specter", que celui-ci va réellement prendre son envol. Captivant de bout en bout, empruntant aussi bien à Mortiis qu'aux maîtres de la musique ambiante (Brian Eno, Klaus Schulze), cet opus faisait alors office de véritable point d'orgue des tribulations musicales d'Old Tower jusqu'alors, imposant définitivement ce dernier comme pointure de cette nouvelle école. Mais aussi subitement qu'il apparut, le Spectre s'éclipsa. Les mois passèrent et il retrouva son silence léthargique, cristallisant les attentes d'une scène ayant désormais les yeux rivés sur sa funeste silhouette.
Et c'est sous une forme plus dépouillée que jamais que le Spectre nous revient. La grandiloquence des chœurs a laissé place à un silence mortuaire. L'horizon a été dégagé, les murs lépreux croulants sous les affres du temps. Sous cette étendue désertique, le Spectre est désormais libre. Il flotte à présent sur ces ruines, se morfondant dans des couches de clavier éthérées, infinies, nous anesthésiant pour cet inéluctable retour aux anciens temps, comme un ultime odyssée sondant un passé mythique, mais tragique.
Old Tower capture ici l'essence du Dungeon Synth, de la musique ambiante même. Il en devient hypnotique, presque sensoriel. Débarrassé de ses artifices, le Spectre s'est drapé d'un simple tissu couleur ébène, d'une élégante sobriété, sur lequel vient se poser une imposante lueur mercurielle, laiteuse, profonde. Cette même lueur venant joncher cette Vieille Tour, dont il ne reste que les fondements, libérant un horizon nocturne. Ces nappes semblent s'étendre à perte de vue, nous enveloppant dans un linceul nébuleux mais apaisant, propice à l'introspection, aux songes d'un ailleurs, d'un autrefois. Surgit cette terrible sensation de vertige, ce vide insondable auquel nous sommes confrontés. Restent alors les images, le ressenti. L'évocation.
Errant à travers ces antiques édifices, il parvient au Spectre des échos sourds, indistincts. Des murmures inarticulés suintent de ces ruines, suppliants, pressants, comme un millier de gémissements semblant attisés par la simple présence du Spectre. D'abord grouillantes, ces plaintives émanations vont s'intensifier de manière démesurée, devenant proprement insoutenables. S'en suit alors un inexorable crescendo de sanglots et de lamentations. Bientôt, c'est les ruines elles-mêmes qui semblent s'excaver, laissant entrevoir un véritable dédale de silhouettes diaphanes se tordant, grimaçant, comme formant une seule et épouvantable cacophonie. Horrifié par la vue de cet abominable tableau, le Spectre se retire alors tout à fait du fossé, qui semble se recouvrir de nouveau, laissant place à cet immuable silence mortuaire. Reste alors cette lumière immaculée, impénétrable, mystérieuse. À cet instant, cette vision apaisante semble comme un mirage pour le Spectre. S'écartant des ruines, il se résout à en capter la provenance.
C'est alors que le Spectre fixe l'astre lunaire, tissant son voile laiteux à travers les plaines. Il y voit son reflet, son visage déformé par les astres, sa blancheur immaculée, son voile noir comme une nuit sans lune. Et il réalisa. C'était lui qui faisait revivre chaque pierre, chaque décombre, chaque vestige sur son sillage. Lui qui, par son simple passage, convoquait ces cris de douleur en véritable chef d'orchestre d'un épouvantable concerto, ressassant inlassablement les peines et tourments passés. Lui qui, par sa seule présence, exhortait les âges anciens à se déchaîner. Car le Spectre est éternel. Et sa sagesse est stellaire.
Tracklist :
1. Deep Within My Somber Castle Halls
2. Stellary Wisdom