"On est tous le boomer de quelqu'un d'autre."
Je pense qu’au vu de la pochette de cet album, il ne risque pas d’y avoir tromperie sur la marchandise… Ça sera du bon gros Death-Metal au programme, technique ou brutal, les deux ou aucun des deux peu importe, ça va ratiboiser. Ceci sera l’œuvre d’un groupe australien nommé Depravity, jeune groupe qui n’existe que depuis 2016, mais qui compte des membres expérimentés comme Louis Rando le batteur d’Impiety, ainsi que certains de ses camarades du défunt groupe de Black/Thrash Malignant Monster. Ce groupe de Perth n’est donc pas tout à fait sorti de nulle part même si les nombreuses formations auxquelles ont pris part les membres de ce quintette nous sont inconnues au bataillon. Après un EP (Reign Of The Depraved, 2016), Depravity (qui n’est pas un nom bien original au passage… il en existe 6 autres (dont 3 allemands !) qui donnent ou ont donné dans le Death-Metal ou approchant) se fait repérer par le label indien Transcending Obscurity pour la sortie de son premier full-length, Evil Upheaval. Mieux encore, la formation australienne a eu la bonne idée de solliciter les studios Hertz, maîtres du gros son polonais, pour le mixage et le mastering de ce premier album. Un bon gros Death sponsorisé par Hertz, ça ne se refuse pas. Et Depravity va faire honneur aux meilleurs sonorisateurs du Death-Metal moderne-mais-pas-trop avec un Evil Upheaval qui va bien envoyer la sauce, et va directement se poser comme un parfait petit album pour se nettoyer les conduits auditifs avec un style sans concessions.
Ni trop technique (ce n’est pas ici que l’on trouvera un empilement de sweepings divers), ni trop brutal (le groupe étant souvent capable de ralentir la cadence), Depravity a tout du bon exécutant de Death-Metal simple-mais-pas-trop. Ni trop old-school, ni trop moderne, même si le son Hertz joue beaucoup et que Depravity se place bien loin d’un Death des cavernes à la Dark Descent et consorts. Grosso-merdo, j’y vois un mélange entre du Hour Of Penance période Francesco Paoli, du Vader pour la force de frappe polonaise, du Trigger The Bloodshed pour la brutalité moderne, quelques groupes du catalogue d’Unique Leader, et puis une bonne partie de la scène américaine (Nile, Deicide…) surtout quand les gratteux sortent les solos. Un Death-Metal frontal et remuant, qui travaille aussi un peu ses ambiances mais qui la majeure partie du temps bourre sec. Le chant est grave et rauque sans être glaireux et s’adapte parfaitement au son et au style. Il n’y aura donc aucune surprise ni même de véritable singularité mais Depravity va faire le taf pour balancer un album ultra-efficace de 40 minutes presque tout pile. Un sample et "Manic Onslaught" lance Evil Upheaval avec des riffs monumentaux, avant que les blasts ne se mettent en place sur fond d’un enchevêtrement de compos semi-techniques, et Depravity montre déjà toute son inspiration. Difficile de ne pas taper du pied devant une telle force de frappe. Evil Upheaval s’annonce sombre et gras, mais d’une puissance inégalable. Et ça va poutrer sec avec les assauts de morceaux comme "Insanity Reality", l’intense "The Great Divide", "Victimizer" ou encore l’expéditif et tubesque morceau-titre. Avec le savoir-faire des studios Hertz, on tient en Depravity un bon petit groupe de Death-Metal légèrement brutal qui décape et qui fait du bien par où il passe, un bon défouloir comme on les aime.
Mais Depravity ne fait pas que dégobiller un Death-Metal frénétique et n’hésite pas à s’amuser avec ses ambiances, à utiliser de savants changements de tempo, on le remarque dès "Insanity Reality". "Tormented" sera alors la sensation de cet opus, avec son côté chaloupé irrésistible et son atmosphère monumentale, et que dire du final "Vile Defloration" avec ses passages épiques incroyables. Entre temps, les "Repugnant" et "Despondency" auront montré toute l’étendue de la palette de Depravity, entre passages rouleau-compresseur et ralentissements bien gras, et accélérations bien mortelles qui amènent des variations bienvenues au sein même des morceaux. Efficace tout autant qu’il est un minimum réfléchi par moments, le Death-Metal de Depravity est bien complet et équilibré. Même si le groupe semble parfois trop en faire. Des longueurs apparaissent ("Manic Onslaught", "The Great Divide" qui est trop long) et Evil Upheaval est parfois un brin indigeste, notamment pour "Victimizer" qui ne va pas plus loin qu’un Brutal Death de base et s’avère étouffant. De toute manière, Evil Upheaval est avant tout destiné à ceux qui cherchent un Death-Metal avec une production très actuelle, un très gros son de brutasses qui déglingue. De ce côté on sera servis, tant pis pour l’originalité, mais Depravity est sacrément inspiré pour ce premier album même s’il a tendance à dépasser les bornes autour de tueries absolues comme "Tormented". Bien équilibré entre simplicité et technique, entre brutalité et ambiances, entre vitesse et lourdeur, Evil Upheaval est un album complet et remarquable de Death-Metal qui envoie. C’est typiquement de la « musique qui fatigue » et les amateurs de Death-Metal plus râpeux et caverneux trouveront ça trop clinquant et stérile (même s’il y bien pire), mais si vous prenez tout ce qui sort des studios Hertz sans réfléchir, ce premier album de Depravity remplacera avec plaisir vos cotons-tiges pour vous nettoyer les esgourdes sans risquer d’atteindre les tympans (quoique…).
Tracklist de Evil Upheaval :
1. Manic Onslaught (4:39)
2. Insanity Reality (4:07)
3. Repugnant (4:22)
4. Despondency (3:26)
5. The Great Divide (6:15)
6. Victimizer (4:07)
7. Tormented (3:51)
8. Evil Upheaval (3:11)
9. Vile Defloration (6:09)