"On est tous le boomer de quelqu'un d'autre."
Attention les oreilles, voici venir la dernière trouvaille bien méchante de Season of Mist. C’est dans le temple sacré du Death-Metal, la Floride, que naît Nightmarer en 2015, sous l’impulsion de John Collett (Success Will Write Apocalypse Across The Sky, ex-Gigan), Paul Seidel (The Ocean, ex-Burning Skies, ex-War From A Harlots Mouth) et Simon Hawemann (ex-War From A Harlots Mouth également). Un trio infernal marqué par le Metal extrême le plus lourd et le plus expérimental qui signera un premier EP en 2016, Chasm, avant de débarquer dans le giron du label marseillais pour Cacophony Of Terror, un premier full-length plutôt attendu. « Chaos », « darkness », « bizarre forms », « Lovecraft’s dictionary of horror », « furious whirlwind of low-end dissonance », « devastating heaviness », « another hellish dimension », et les noms de Deathspell Omega, Dodecahderon et Ulsect cités, Season of Mist nous promet un cauchemar, une cacophonie de terreur. Il faut dire que vu le background du trio, on peut s’attendre à quelque chose de très ténébreux, complexe, pesant et noir. Nightmarer est donc porteur de grandes promesses, bien parti pour se trouver à la ligne « révélation de l’année » lors des bilans de décembre, ou même plus encore, surtout quand on se remémore la claque qu’avait infligée Ulsect l’an dernier. Les premiers extraits tombés nous laissaient donc penser que nous allions avoir affaire à un nouvel avatar de la plus absolue lourdeur en termes de Metal extrême. Du haut de ses 35 minutes, le reste de Cacophony Of Terror va devoir confirmer tout le bien que l’on peut penser de Nightmarer pour savoir si, oui ou non, nous tenons ici une nouvelle révélation Made In Season of Mist.
Nightmarer va déjà avoir pour lui une particularité remarquable. Alors oui, on pensera à toute la vague « Post-Death », Ulsect bien évidemment (la référence n’est pas volée), Ulcerate et autre Setentia également, bref tout ce qui descend un peu de Gorguts mais dans une version très années 2000 ou plus encore. Car attention, Nightmarer s’inscrit bien dans la lignée de toute cette scène mais dans une version beaucoup plus moderne. Outre les logiques réminiscences de Gigan et War From A Harlots Mouth, Cacophony Of Terror se permet même de pencher vers le Deathcore le plus sale et le plus lourd sans que ça ne choque le moins du monde, sans saborder son petit côté « trve », sans salir ses influences. Cela nous donne donc un maelström de Death-Metal moderne hyper lourd et méchant. Avec donc une grosse production d’une puissance rare, Nightmarer assène un Post-Death très écrasant, multipliant les riffs hyper massifs au détriment de blasts frénétiques ou d’autres accélérations qui seraient malvenues dans cet océan de lourdeur. Le chant bien grave et rauque accompagné ici et là de quelques cris aliénants renforce cette sensation de malaise, au sein d’un album particulièrement sombre et noir ou les descriptifs « cauchemar », « cacophonie » et « terreur » justifient à chaque instant leur utilisation pour nommer ce méfait sonore. Nightmarer amène donc le Death-Metal le plus inquiétant et dissonant vers un autre niveau, vers une voie nettement plus moderne, amenant à une lourdeur assez ultime et insoupçonnée, allant bien plus loin qu’un The Acacia Strain et prenant une direction différente de celle d’un Ulsect. Un beau tour de force et déjà une certaine originalité à mettre au crédit de Nightmarer, qui a toutes les cartes en main pour faire très mal et nous happer vers des abysses musicales.
Tout ce portrait est bien reluisant mais Cacophony Of Terror est-il à la hauteur de ces promesses, le résultat final en vaut-il vraiment la chandelle ? C’est là que c’est un peu discutable. Car la formule gagnante de Nightmarer trouve bien vite ses limites sur ce premier album qui, on l’espère, ne sera qu’un galop d’essai pour amener le groupe vers ce quoi il est vraiment capable, vers son plein potentiel. Ici, ce que propose le trio est un peu linéaire. Il apparaît bien vite que les compositions proposées ne font qu’aligner coups de médiator massifs et déviations dissonantes, avec un break bien flippant ici et là ("Stahlwald" notamment) et des samples (le moniteur cardiaque discret mais remarquable sur le bien nommé "Death") comme seule singularité accompagnant le chant éructé à la Paul Kelland. Certes, Cacophony Of Terror se pose alors comme un album très monolithique, bien que pas très long. Mais l’ensemble manque alors un peu de folie, de moments où le tempo pourrait s’emballer pour mieux surprendre et gagner en explosivité. Aucun morceau parmi les 8 proposés (ceci sans compter l’intro "The Descent" et l’outro "Swansong") ne se démarque vraiment, tout au plus certains des riffs les plus lourds sont relativement marquants ("Skinner", l’hyper écrasant "Cave Digger", le plus rythmé "Tidal Waves of Terror"), mais c’est un peu tout, et on fait vite le tour de Cacophony Of Terror qui, finalement, n’est pas si cacophonique que prévu… Cet album a à mon avis un peu le défaut de certains albums passés d’Ulcerate comme Everything Is Fire, où la linéarité de l’ensemble empêchait de se faire vraiment emporter. Il suffit de comparer à un autre groupe de Death-Metal bien lourd et moderne, Sanzu (qui lui joue plus dans la cour de Gojira et Morbid Angel cependant) pour s’en convaincre. Nightmarer n’est pas un pétard mouillé pour autant, sa recette fonctionne mais mériterait d’être plus creusée, d’aller plus loin qu’un enchaînement de compos plus écrasantes les unes que les autres. Cela peut plaire, je trouve que le groupe est capable de mieux, de faire quelque chose de plus varié. La méga révélation de la mort qui tue à la Ulsect, ça ne sera pas pour cette fois, mais Nightmarer a un sacré potentiel qui ne demande qu’à exploser une fois qu’il aura dépassé la frontière du monolithique, qu’il alliera le fond à la forme, et qu’il laissera exprimer sa folie contenue et son talent, comme Ulcerate l’avait fait avec Vermis. Ce n’est qu’un premier album qui pose les bases, un album qui certes pèse quelques mégatonnes malgré ses 35 minutes, mais qui pourrait bien receler d’un véritable monstre en profondeur, et on ne demande qu’à gratter la surface pour voir ce qui se cache dessous…
Tracklist de Cacophony Of Terror :
1. The Descent (1:36)
2. Stahlwald (3:31)
3. Skinner (4:38)
4. Bleach (3:59)
5. Cave Digger (3:25)
6. Fetisch (4:46)
7. Tidal Waves of Terror (3:23)
8. Ceremony of Control (4:48)
9. Death (4:52)
10. Swansong (1:27)