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Album

12 mars 2018 - Rodolphe

Myles Kennedy

Year of the Tiger

LabelNapalm Records
styleAmericana
formatAlbum
paysEtats-Unis
sortiemars 2018
La note de
Rodolphe
8/10


Rodolphe

La caution grunge du webzine.

Un an avant la séparation de leur groupe respectif, on se souvient qu'Aaron Lewis (Staind) et Dallas Smith (Default) avaient démarré une carrière solo country-rock au début des années 2010. Au beau milieu de la tracklist du DVD Live from Mohegan Sun délivré quelques mois avant le split de Staind en 2013 apparaissait même un titre du Aaron Lewis solo de l'EP Town Line (Country Boy). Dire que ces deux artistes ont réussi leur tournant musical est un euphémisme, au regard de leur position dans les charts. Mais Myles Kennedy va bien au-delà de la country traditionnelle sur Year of the Tiger, puisqu'il s'agit d'un melting-pot de styles musicaux très roots dont seuls les Nord-Américains ont le secret. Ne cherchez pas. Rien dans la discographie du leader d'Alter Bridge ne ressemble à ce qu'il propose sur cet album, à part peut-être la ballade Far and Away de Slash feat. Myles Kennedy & The Conspirators qui peut s'apparenter à de la country music à la fois par son tempo très lent et par le côté "rural" de ses mélodies. Pour concrétiser son projet d'album en réflexion depuis déjà sept ans, Myles a rappelé un vieil ami à lui de l'époque The Mayfield Four (le batteur Zia Uddin) ainsi que le manager d'Alter Bridge et de TremontiTim Tournier, pour jouer les parties de basse restantes, afin de finir de constituer son "back-band".

Le fait d'avoir mis le timbre vocal de Myles Kennedy au premier plan de cet album a été rendu possible par le style de musique très brut vers lequel il a choisi de se diriger. Par ailleurs, son chant s'adapte au registre americana avec beaucoup de naturel, la pureté de sa voix nous ramenant à ses performances exceptionnelles sur les débuts d'Alter Bridge (cf. One Day Remains). Il n'y a qu'à se laisser bercer par les chuchotements chauds et rassurants du bluesy Haunted by Design, qui, renforcés par un rythme de guitare plutôt simple mais lancinant, témoignent en partie de l'authenticité du disque. Ce mélange de chant un peu nasal et de voix susurrées - marque de fabrique de Myles sur Year of the Tiger -, on le retrouve également sur la première partie de Turning Stones, chanson atypique du fait de ses petits tambours et de ses choeurs tribaux qui, à mesure que le titre progresse et gagne en intensité, nous embarque dans un jam avec les Indiens d'Amérique. Les esprits les plus perspicaces d'entre vous feront sans doute le rapprochement avec le supergroupe Art Of Anarchy mené par l'ex-CreedScott Stapp, qui avait intégré des backing-vocals inspirés de chants indiens au morceau Dancing with the Devil. Aussi, les nombreux instruments country qui accompagnent Myles Kennedy sur cet album ont l'avantage de rendre "unique" chacun des morceaux et de participer à ce sentiment de lâcher-prise propre à la musique rurale américaine, à l'exemple de Blind Faith et de sa lap steel guitar. Excepté les envolées vocales de certaines chansons, le solo de plus d'une minute de Love Can Only Heal voire le micro-passage oriental de Mother (de 1:44 à 2:00) qui se révèlent un peu plus démonstratifs, le multi-instrumentiste a choisi la voie d'une musique sans fioritures, qui fait la part belle aux éléments acoustiques et à la ré-appropriation de styles souvent jugés démodés par le grand public ou perçus comme élitistes, du folk-rock inspiré par les Led Zeppelin III et Led Zeppelin IV (Ghost of Shangri La, Mother) à la rythmique rockabilly des couplets de Devil on the Wall, - bien que ce dernier titre n'ait rien d'exceptionnel.

Mais comme l'on pouvait s'en douter, un album de country/americana composé par un metalleux comporte forcément quelques particularités. "And the funeral songs / Welcome the early dawn". Il n'y a pas plus explicite. Les lyrics de The Great Beyond parlent d'elles-mêmes... Cet opus est en fait un hommage au père de Myles Kennedy décédé lorsqu'il avait quatre ans, ce qui a probablement mis l'artiste dans des conditions propices à la création de morceaux plus personnels, teintés d'une certaine noirceur (Year of the Tiger, The Great Beyond, Haunted by Design). Si The Great Beyond, titre le plus ambitieux de cet album (digne d'une BO de film !) a aussi quelque chose de très sinistre (les violons accentuant ce trait), on peut s'étonner de voir à quel point le final de Mother apparaît comme heavy et aurait presque mérité l'étiquette metal, si toutefois il y avait eu un jeu de batterie on ne peut plus plus lourd. En faisant l'impasse sur les paroles, au moins tout aussi importantes que les performances du chanteur, on perd de ce qui fait l'intérêt de l'album. Car l'aspect tourmenté de Year of the Tiger ne s'arrête pas aux quelques ambiances "dark" sus-citées. Du "If I died today" de Songbird au "Run a thousand miles beyond this house of pain" (et non "a thousand Myles"...du morceau-titre, l'idée de souffrance est exprimée tout au long de l'album, de même que les références au divin ("If there is a God why did he take my father's soul?" sur Devil on the Wall). A ce titre, on peut souligner le superbe jeu de basse de Myles Kennedy et de Tim Tournier qui contribue à donner du cachet aux morceaux et parfois même à installer un cadre, une atmosphère. Par exemple - avec un peu d'imagination - la partie de basse qui nous est livrée sur l'introduction de Love Can Only Heal est comparable au tictac d'une grande horloge, avec ce sentiment de pesanteur étroitement lié au temps qui défile. 

"Through our tragedies we found out who we are" (traduction : grâce à nos tragédies, nous avons découvert qui nous sommes). Ainsi se conclue Year of the Tiger, sur quelques paroles qui permettent d'ajouter de la nuance à des textes souvent très durs. Ce qui est une certitude, c'est que ce premier opus en solo de Myles Kennedy n'est pas assuré de plaire aux fans d'Alter Bridge. Ces derniers pourraient faire l'erreur d'exiger la même chose d'un album de country/americana que... d'un album de metal, alors que l'énergie et les émotions véhiculées sont sensiblement différentes. Toujours est-il qu'avec ses douze chansons pleines de sensibilité, destinées aux metalleux les plus éclectiques, l'artiste est parvenu à convaincre Napalm Records

 

Tracklist :

  1. Year of the Tiger (3:40)
  2. The Great Beyond (4:50)
  3. Blind Faith (4:29)
  4. Devil on the Wall (3:44)
  5. Ghost of Shangri-La (3:32)
  6. Turning Stones (3:38)
  7. Haunted by Design (3:39)
  8. Mother (3:42)
  9. Nothing but a Name (5:00)
  10. Love Can Only Heal (5:32)
  11. Songbird (4:04)
  12. One Fine Day (4:50)