Non.
Le sang. Le tintement répétitif des épées qui s’entrechoquent. Le bois, le cuir et le métal qui s’affaissent sous les pluies de flèches. Les corps, les membres, les masses informes qui se mêlent dans une ardeur et une violence maladives. Un seul rayon perce les monuments grisâtres du ciel, un seul hymne s’élève. Un serment.
Nombreux nous étions à attendre un nouvel opus mené par Jake Rogers. Après une unique sortie de Gallowbraid extrêmement appréciée des connaisseurs, et une participation peu officielle mais remarquable au projet Caladan Brood, c’est au tour de Visigoth de continuer dans sa lancée et de trouver son heure de gloire. Il faut dire que The Revenant King avait obtenu les faveurs des amateurs de Heavy/Doom et de musique épique, en général, Jake Rogers ayant prouvé à travers tous ses projets sa maîtrise en la matière. Alors, trois ans plus tard, qu’en est-il de Conqueror’s Oath ?
Globalement, mon avis rejoint celui d’un bon nombre de fans : l’album est excellent, mais tout de même en dessous du précédent. Plus léger, moins guerrier et massif, on y trouve des influences plus variées et notamment parfois plus Speed, et notamment, un tempo souvent plus soutenu (« Outlive Them All »). Ne vous attendez à aucune marche lente et martiale comme on a pu avoir sur « Mammoth Rider » ou « Iron Brotherhood » par exemple. La production, quant à elle, est tout à fait différente. Peut-être trop propre dans l’ensemble même, accompagnée d’un chant encore plus maîtrisé qu’avant, mais qui ne laisse la place à aucune aspérité, ce qui faisait pourtant son charme dans ce projet auparavant. Les guitares sont mises au tout premier plan, moins en retrait qu’auparavant, ce qui atténue l’aspect d’ensemble musical massif qu’on pouvait avoir sur The Revenant King. Evidemment, le contraste est encore plus marquant si on compare Conqueror’s Oath au premier EP, loin d’être crasseux, mais autant dire que l’évolution s’entend immédiatement.
Cela ne signifie pas pour autant qu’il s’agit d’un véritable point négatif : une fois l’oreille habituée, on peut regretter le son d’autrefois de Visigoth, mais difficile de ne pas s’y plonger tout de même. Il manque simplement la petite touche en plus, tant dans le son que dans les compositions.
En réalité, le point le plus marquant est finalement que les influences sont plus variées, ce qu’on ne peut pas vraiment leur reprocher car on n’y ressent aucun opportunisme ou aucun manque d’inspiration. J’ai notamment été assez surprise lors de l’écoute des titres « Salt City » (qui fait sans doute référence à Salt Lake City, et son nom connu jusqu’à chez nous pour tout un ensemble de groupes originaires de cette ville, dont les projets de Jake Rogers) et « Blades In The Night » qui m’ont tout de suite rappellé l’aura de High Spirits. La structure, l’intention, la légèreté, le côté « Party Hard » très urbain, à fond la caisse entre les lumières nocturnes… Tout y est, sans qu’on sente une imitation forcée et sans âme. Pour autant, cette facette n’est pas tout à fait inédite, je suppose que c’est ce qu’on ressentait déjà sur « Creature Of Desire », titre présent sur Final Spell et l’album précédent.
Cette facette contraste directement avec des titres qui sonnent beaucoup plus solennels, tels que le chefs-d’œuvre « Traitor’s Gate » et « Conqueror’s Oath », qui restent malgré tout un merveilleux condensé de tout ce que j’aime chez Visigoth et dans ce milieu musical. On peut également mentionner « Warrior Queen », que je n’avais pas spécialement apprécié à sa sortie avant l’album complet, et que j’avais trouvé efficace mais assez commun. Puis, à force d’écoutes, je trouve qu’il s’insère parfaitement dans l’album, et notamment sa partie finale qui me rappelle le retour en force qu’on avait à la fin de « Dungeon Master » sur l’album précédent.
Moins incisif dans l’ensemble, il faut tout de même avouer que Visigoth garde tous ses atouts sur Conqueror’s Oath : de la pure efficacité à laquelle s’ajoutent çà et là des petites bulles d’originalité qui font de Visigoth un groupe qui a clairement de l’avenir. C’est sans oublier, toujours, ces refrains entêtants au possible. On retiendra sans même le vouloir le « By steel, by silver » du premier titre, loin d’être le plus marquant mais qu’on a clairement du mal à se sortir de la tête. Clairement, bien que ce ne soit pas l’album de l’année, il risque de tourner un certain temps : Visigoth pour se réveiller le matin, c’est quand même parfait.
Ne manque plus qu’une date française sur la tournée européenne…
1. Steel and Silver
2. Warrior Queen
3. Outlive Them All
4. Hammerforged
5. Traitor's Gate
6. Salt City
7. Blades in the Night
8. The Conqueror's Oath