"On est tous le boomer de quelqu'un d'autre."
2018 vient à peine de commencer que nous avons déjà un des challengers pour le titre d’album de l’année. Et ce même avant avoir écouté l’album en question, d’ailleurs il figurait bien dans la ligne « l’album de l’année 2018 » dans mon bilan 2017 (mais, de toute façon, ça sera une surprise ou un album (re)venu de nulle part qui gagnera, et croyez-moi je mets ça chaque année et ça se vérifie toujours). De toute façon, il ne pouvait pas en être autrement vu que nous avons affaire au successeur de l’album de l’année 2016, j’ai nommé III : Trauma de Harakiri For The Sky. Le groupe autrichien s’était révélé il y a 2 ans (voire plutôt, il y a un an et demi, eh oui le duo a fait vite) avec son troisième méfait qui tranchait un peu avec le Post-Black « à casquette » et à cris de Harakiri For The Sky (2012) et Aokigahara (2014). Le groupe a évolué, se détachant des clichés du style pour pencher vers du Black atmosphérique à l’américaine, avec a la clé un tourbillon d’émotions, des riffs ravageurs et des mélodies enivrantes, et un chant plus touchant. Un Black mélodico-atmosphérique plus personnel, qui nous avait donné un chef-d’œuvre dont les moments inoubliables de morceaux comme "Calling the Rain", "Funeral Dreams", "This Life As A Dagger" et autre "Viaticum" résonnent encore dans nos têtes et nos cœurs. Harakiri For The Sky avait ouvert les portes de son cœur et a touché les nôtres. Le groupe ne pouvait décemment pas s’arrêter en si bon chemin, et nous voici en février 2018 avec Arson, le nouvel et 4ème album de Harakiri For The Sky qui a la lourde tâche de faire suite à l’exceptionnel III : Trauma. On se prépare à une nouvelle introspection dans l’univers émotionnel du duo, au rythme de ses mélodies et de sa mélancolie divine…
Comment faire pour succéder aisément à un album aussi réussi et irrésistible que III : Trauma ? C’est une des questions qu’on est en droit de se poser et à laquelle le duo M.S. - J.J. a du répondre par sa musique. Et il a choisi la facilité salutaire de faire un album dans la stricte lignée de III : Trauma, sans révolutionner quoi que ce soit, sans prendre de risques, jusque dans la production (quoique qu’un petit peu plus abrasive peut-être) et le chant qui garde le même ton. Quand on se remémore la qualité des 8 compositions de III : Trauma, on se dit que de toute façon on en reprendrait bien une rasade (7 ici), que l’évolution on peut bien remettre ça à plus tard, tant que le groupe est en forme et demeure inspiré dans son style actuel. Est-ce que c’est le bon choix au final, la question mérite aussi d’être posée, pour rebondir sur celle de la succession de l’illustre III : Trauma. Et on se pose beaucoup de questions lors des premières écoutes de Arson. Moins bon que III : Trauma, cet album est. Pour être très vulgaire et réducteur, on pourrait même dire que Arson ressemble parfois à une collection de chutes de studio de son prédécesseur. Un jugement sévère qui nous apparaît bien vite à l’esprit, mais il ne faut pas en rester là. Même si oui, au bout, le seul vrai problème de Arson est qu’il passe après III : Trauma, dont il était certes difficile de faire mieux, et de toute façon Harakiri For The Sky ne bénéficie plus de l’effet de surprise. Mais si Arson est moins bon que l’opus qui lui précède, ça ne sera au bout que d’un chouilla, un rien du tout, tant le groupe autrichien nous propose de nouvelles compositions de grande qualité, dans le potentiel hautement émotionnel qui le caractérise. Après maintes écoutes et passée une très relative « déception » initiale, on découvre petit à petit les qualités de Arson et de nouveaux morceaux sublimes. Il suffit, comme d’habitude, de se plonger dans les émotions de Harakiri For The Sky et de se laisser emporter.
Il apparaît bien vite que Arson est bien plus homogène que son prédécesseur. Comme si on faisait un pont entre les morceaux les plus forts de III : Trauma comme "This Life As A Dagger" et ceux peut-être un peu moins marquants comme "The Traces We Leave" et qu’on en arrivait à une qualité constante, un équilibre. Arson apparaît aussi comme un album plus mélodique que son prédécesseur, moins axé sur les riffs, avec une mélancolie qui prend encore plus de place, bien que le dynamisme soit toujours au rendez-vous. Mais ce sont des jugements qui évoluent quelque peu au fur et à mesure des écoutes, et même s’il n’y a peut-être plus de moments très forts isolés comme les leads gracieux qui émaillaient des morceaux comme "Funeral Dreams" et "Viaticum", on trouve bien vite de nouveaux morceaux de référence, alors qu’aux premières écoutes rien ne ressortait vraiment. C’est dit, Arson est un album moins immédiat et plus exigeant que III : Trauma, même si paradoxalement il ne devrait pas y avoir de phase d’adaptation tant le style n’a pas bougé. Et pourtant, on se fait directement happer par l’ouverture sur "Fire, Walk With Me", bien différente de celle de III : Trauma sur le très doux "Calling The Rain". Le feu succède à la pluie et le grand départ est plus direct, classique mais cossu. Et Harakiri For The Sky s’offre déjà un sacré tube, où riffs et mélodies sont déjà irrésistibles, et le Black mélodique (appelons-le comme ça parce que je trouve toujours que la sempiternelle étiquette « Post-Black » ou « Blackgaze » ne leur sied pas vraiment) des Autrichiens est à nouveau entraînant à souhait. Du très grand Harakiri For The Sky, qui nous tient en haleine pendant 9 minutes, le groupe n’était pas déterminé à donner dans un format court et garde toute son intensité et sa force émotionnelle. On marche sans mal avec Harakiri For The Sky, qui s’offre déjà un beau nouveau morceau de référence, inspiré et imparable. Et ce n’est pas déjà fini, bien au contraire…
Si dès les premières écoutes "Fire, Walk With Me" se pose comme l’ouverture parfaite et un des hits voire le hit de Arson, on se rend compte bien vite qu’il y a encore de quoi faire, et chaque morceau révèle son essence au fil des écoutes. Le groupe embraye donc sur "The Graves We’ve Dug", qui se pose écoute après écoute comme une pièce tout simplement magnifique. L’aspect mélodique de la musique du groupe atteint ici son firmament, avec bon nombre de leads sublimissimes, en plus d’un tapis de trémolos à nouveau particulièrement entraînant, et de riffs bien sentis ici et là. Harakiri For The Sky a renforcé son aspect mélodique sans perdre son dynamisme, et se révèle plus émotionnel que jamais. Une sorte de mix entre "Funeral Dreams" et "Viaticum" avec encore plus de mélodies, pour une franche réussite. De fil en aiguille, Arson révèle sa richesse et apporte des morceaux géniaux, qui succèdent aisément aux tueries de III : Trauma. Dévoilé en guise de single, "Tomb Omnia" ne m’avait par exemple pas retourné de prime abord, mais là aussi au fur et à mesure des écoutes c’est un morceau qui dévoile son potentiel, les riffs sont vraiment mortels et les mélodies formidables (avec des leads inoubliables dignes des meilleurs de III : Trauma), c’est finalement une des pistes les plus efficaces de l’album, d’autant que c’est la plus courte (8 minutes tout de même !). Et que dire de "Heroin Waltz", le morceau le plus aéré et donc le plus épique de Arson, mais bien différent d’un "This Life As A Dagger", avec même des sonorités plus originales (notamment les claviers qui apparaissent à partir de 6 minutes) et surtout les mélodies les plus belles et les plus touchantes du disque, à un haut niveau d’émotion. Et l’on s’arrêtera encore sur l’excellent et inspiré "Stillborn", avec ses guitares bien mordantes qui débarquent après 2 minutes 30, et qui encore une fois se pose comme une piste de référence de Arson après de menues écoutes.
On trouve donc, à force d’insister, de quoi nous contenter largement au sein de Arson, qui n’est certes rien de plus qu’un « nouvel album de Harakiri For The Sky » mais qui fait bien plaisir et plus si affinités. Les "Fire, Walk With Me", "The Graves We’ve Dug", "Heroin Waltz", "Tomb Omnia" et "Stillborn" sont donc les nouvelles perles du duo autrichien, succédant avec brio à des pépites comme "Calling the Rain", "Funeral Dreams", "This Life As A Dagger", "Viaticum" ou autre "Bury Me". Après, tout n’est pas parfait, ce qui confirmera tout de même le fait que Arson se situe légèrement derrière III : Trauma, qui demeure intouchable pour le moment. "You Are the Scars" n’est pas indispensable et se traîne en longueur, "Voidgazer" qui clôt l’album est un peu trop classique et n’apporte plus rien (si ce n’est de nouveaux leads de qualité), et je passe rapidement sur la cover du "Manifesto" des Graveyard Lovers en bonus, qui me laisse de marbre et me paraît anecdotique malgré une prise de risque intéressante avec notamment le chant féminin. Plus homogène que son prédécesseur, Arson pâtit donc de légères longueurs et de répétitions, même si la plupart de ces morceaux longs n’ennuient pas une seconde. Ce nouvel opus très attendu de Harakiri For The Sky bénéficie tout de même de l’apport de Krimh (Septicflesh, ex-Decapitated) à la batterie, qui se fond bien dans le style du duo. Un duo qui a donc choisi de ne pas se réinventer outre mesure ni même de vraiment évoluer, mais c’est tout à leur honneur tant Arson fait bien office de suite fidèle à III : Trauma, sans le dépasser mais en amenant à nouveau son Black-Metal mélodique et atmosphérique très émotionnel et enivrant. Il faut persévérer pour l’apprécier à sa juste valeur et oublier un moment les tubes de III : Trauma pour en trouver de nouveaux, mais le jeu en vaut la chandelle, une fois les meilleurs morceaux de cet album assimilés ce n’est que du bonheur. Arson est donc presque aussi indispensable que son prédécesseur, ça ne sera peut-être pas l’album de l’année mais il sera près du podium avec certitude, et surtout il entérine Harakiri For The Sky comme une valeur sûre dans le domaine très vaste du « Post-Black Metal » auquel il a été rattaché. Marchons encore avec eux…
Tracklist de Arson :
1. Fire, Walk With Me (9:08)
2. The Graves We’ve Dug (10:04)
3. You Are the Scars (10:36)
4. Heroin Waltz (9:47)
5. Tomb Omnia (8:09)
6. Stillborn (9:37)
7. Voidgazer (9:15)
8. Manifesto (Graveyard Lovers cover) (Bonus) (4:58)