Chroniqueur doom, black, postcore, stoner, death, indus, expérimental et avant-garde. Podcast : Apocalypse
C'est en 2011, avec l'album K2, qu'Adimiron était venu percuter mes oreilles, le combo italien devenant immédiatement un groupe à suivre. Dans un registre death progressif à mi-chemin en Gojira et Hacride, plus quelques touches inspirées Djent, Adimiron avait continué sur sa belle lancée avec un Timelapse (2014) hyper bien foutu, promettant (encore plus) de belles choses pour l'avenir. Et l'avenir, c'est maintenant, puisque la nouvelle fournée vient d'arriver fraîchement sur le très intéressant label norvégien Indie Recordings (Enslaved, Cult Of Luna, Hacride et j'en passe).
Dès la pochette, Et Liber Eris nous impose un moment d'attente, un instant figé dans le temps, une image en noir et blanc aussi simple que riche de sens, une plongée vers la liberté dans un océan infini, mais également en suspension dans l'attente d'une chute, polysémie fascinante qui se reflétera dans la musique. Mais avant de parler musique, petit détour par le personnel, puisqu'il y a eu du changement depuis Timelapse : si l'on retrouve toujours l'excellent Frederico Maragoni à la batterie et Alessandro Castelli à la guitare, il y a eu du mouvement à la basse, désormais tenue par Cecilia Nappo, ainsi qu'au chant, où Andrea Capelli cède sa place à Sami El Kadi. Et au passage, le quintet est devenu un quatuor, ne gardant qu'une seule guitare, exit Thomas Aurizzi.
Beaucoup de changements en trois ans, mais quand on lance l'album, on se retrouve en terrain connu. Toujours dans cet univers Death prog très riche, Adimiron perpétue sa recherche d'ambiances variées, passant sans sourciller de titres vraiment péchus (Joshua Tree 37, Zona Del Silencio) à des morceaux nettement plus apaisés (The Coldwalker). Les sonorités Hacridiennes sont toujours très prégnantes, surtout sur la guitare, avec ses très nombreux détails dans les aigus qui donnent toute leur saveur aux riffs. Au-delà d'Hacride, pointe également une filiation avec Mastodon, notamment sur Zero-Sum Game, où les guitares de la première partie du titre (avant le solo) sont gorgées par le toucher si particulier des Américains. Mais, comme chaque fois qu'Adimiron injecte une nouvelle facette à sa musique, le groupe prend soin de ne pas tomber dans le bête plagiat et met en œuvre ses nouvelles idées en les intégrant dans son propre style. Pour s'en convaincre, la suite du titre (toujours Zero-Sum-Game) reprend ce riffing à la Mastodon pour l'impliquer dans des rythmiques purement Death prog dont le décidément toujours aussi polyvalent et talentueux Frederico Maragoni a le secret.
Parce qu'il y a bien une chose qui est frappante chez Adimiron, c'est la recherche d'une rythmique incroyablement travaillée et sans cesse renouvelée, construisant des motifs qui semblent de prime abord un peu circulaires avant que leur progression incessante ne vous tombe sur le coin de la tête comme une évidence. En d'autres termes, la section rythmique est une pure usine à gaz en termes de mesures complexes et de technicité, tout en parvenant à faire oublier cette même complexité, et rare sont les groupes qui parviennent à ce genre d'équilibre.
Au niveau de la production, Adimiron nous a habitué à du très bon, et celle de Et Liber Eris ne déroge pas à la règle, à la fois costaude et nuancée, cognant dans le plexus quand c'est nécessaire, mais n'oubliant pas pour autant les petits détails qui comptent. Et encore une fois, Adimiron fait preuve d'un sens de la minutie impressionnant, s'offrant quelques arrangements électroniques discrets, des petites touches de claviers qui habillent certains titres (As Long As It Takes) sans les remplir inutilement. La seule chose que j'aurai à reprocher à ce nouvel album, c'est le chant. Non pas qu'il soit mauvais, loin de là, seulement, et il est ici question, exclusivement, de goût personnel, la voix d'Andrea Spinelli me plaisait plus que celle de Sami El Kadi. Pourtant, le bougre n'a pas, mais alors pas du tout, à rougir de sa prestation : sa voix claire est géniale, précise et enlevée (le refrain de The Unsaid risque de se graver en vous avant même la fin du morceau), mais c'est sur son growl que j'ai plus de mal : trop purement Death, là où Spinelli avait un timbre plus personnel. Mais encore une fois, ce n'est pas techniquement ou dans ses lignes vocales que ça coince (pour moi) : c'est simplement que je préférais le timbre de son prédécesseur et ça, l'ami Sami (pardon) n'y est strictement pour rien.
Et Liber Eris est excellent. D'un bout à l'autre, c'est un album fascinant, riche, varié, admirablement construit, regorgeant de passages ultra efficaces comme d'instants plus sereins. Ces derniers sont d'ailleurs plus nombreux qu'auparavant, mais sans que cela ne déséquilibre l'ensemble. Un peu plus prog', un poil moins Death, mais toujours aussi bon.
Tracklist de Et Liber Eris :
01.The Sentinel
02.Zero-Sum Game
03.Joshua Tree 37
04.The Coldwalker
05.As Long As It Takes
06.The Unsaid
07.Stainless
08.Zona Del Silencio