"On est tous le boomer de quelqu'un d'autre."
L’an dernier, Thy Catafalque nous prenait par surprise en sortant Meta un an seulement après Sgùrr. Eh bien un autre groupe hongrois qui officie lui aussi dans un style quelque peu avant-gardiste se montre tout aussi productif, à savoir Perihelion, qui un an seulement après la sortie de l’EP Hold et deux ans après l’album Zeng, nous propose déjà un nouveau full-length, Örvény. Perihelion, qui existe depuis 2014 mais depuis 2001 sous les sobriquets Neochrome puis Neokhrome, n’est pas prêt de se faire oublier. De toute façon, nous n’allons pas bouder le retour si rapide de cette si talentueuse et si prometteuse formation hongroise, dont le pays de résidence a été pourvoyeur de formidables musiques metalliques avant-gardistes et atmosphériques depuis quelques années. Thy Catafalque en est l’exemple parfait, même si lui-même a montré le mauvais exemple l’an dernier, avec un Meta légèrement convenu et peu surprenant, souffrant clairement du syndrome de l’album sorti trop vite, sans réelles idées novatrices derrière. Perihelion ferait bien de s’en inspirer, mais de son côté, le groupe de Debrecen est en constante évolution. S’éloignant de ce qu’il pouvait faire lors de sa période Neokhrome, et même de son album éponyme de 2012 qui rappelons-le faisait la transition entre Neokhrome et Perihelion (l’album ayant été ressorti sous ce second nom en 2014), le quatuor affirme au fur et à mesure ses aspirations plus atmosphériques, s’éloignant du Black avant-gardiste pour passer vers quelque chose qui s’étiquette naturellement Post-Metal, voire même Post-Rock. L’EP Hold donnait en quelque sorte un avant-goût, mais avec Örvény, Perihelion ne va pas non plus virer sa cuti comme un Code avait pu le faire avec Mut (… avant de revenir aux sources ?).
Örvény va plutôt se servir de ce qui avait été fait sur Hold pour livrer une version plus épurée et plus atmosphérique de Zeng. L’électro-acoustique et les mélodies dominent, de même que les moments vraiment aériens, plutôt que le riffing Metal et le chant plus hurlé. Perihelion reste un groupe de Metal, mais le montre d’une autre manière, penchant plus vers du Post-Black atmo américain façon Agalloch et compagnie quand il sort les « riffs ». L’ouverture sur "Kihalt Égi Folyosók" est d’ailleurs trompeuse, on y retrouve même dès les premiers instants la vibe Borknagar qui animait Perihelion en son temps, une influence qui restera tout de même palpable. Mais le riffing est plus « rustre », plus dans un registre Post-Black américain comme je l’affirmais. Un départ inspiré et accrocheur, toujours grâce à l’excellent chant de Gyula Vasvári d’ailleurs, mais qui assure surtout une certaine transition vu que le reste de Örvény va se révéler un poil plus cotonneux. "Bolyongó", qui démarre avec un super jeu de batterie, va alors laisser l’ambiance très mélodique prendre le dessus, Perihelion épure déjà sensiblement son propos avec des breaks lumineux, et s’offre quelques moments épiques où Gyula Vasvári se lâche un tantinet au niveau du chant, un des rares moments vraiment « extrêmes » vocalement de cet album très doux de 38 minutes (c’est peu, mais c’est plus que Zeng). Et Perihelion trouve déjà son équilibre avec le très complet "Fényt!", au départ résolument Post-Black et qui se réserve de bons moments plus metalliques, mais l’aspect le plus atmosphérique et mélodique de la musique des hongrois se taille la part du lion, et il est sûr qu’avec Örvény, Perihelion ne va pas envoyer la sauce comme il pouvait le faire sur des morceaux comme "Vég Se Hozza El" (ne cherchez pas de pareils blasts par ici !), mais voyager et contempler, comme pour un "Égrengető" mais en plus onirique encore.
Malgré un passage metallique bien lourd en milieu de course, le morceau-titre joue donc la carte atmosphérique totale, surtout quand la longueur de la piste s’allonge, et ça sera donc encore le cas pour "Romokon" qui du haut de ses 7 minutes va aller à fond dans le registre de la mélodie et de la musique aérienne. Örvény est particulièrement contemplatif, explorant à un certain paroxysme le registre acoustique de Perihelion même si la « saturation » est encore présente ici et là, nous ne sommes malgré tout pas passés dans quelque chose qui serait 100% Post-Rock. "Ébredő Táj" le prouve bien avec quelques riffs un peu plus sentis (tout est relatif) et un Gyula Vasvári qui s’énerve un peu sur la fin, mais qui nous offre aussi de superbes lignes claires (le début du morceau est magnifique), mais l’ensemble est toujours très, très épuré et aéré. Et s’il nous emmène dans son trip atmosphérique à chaque instant, Perihelion élargit tout de même son spectre pour ne pas faire juste dans l’ambiance, aussi Örvény va se finir comme il s’est commencé, avec un morceau plus accrocheur aux riffs un brin catchy, "Bardó" qui en outre nous offre une dernière fois du chant très enivrant et des moments épiques de toute beauté. Beau, c’est un adjectif simple en 4 lettres qui sied bien à ce deuxième (troisième en comptant l’éponyme) album de Perihelion qui a donné dans le raffinement sans hésiter. Si bien qu’il s’écoute d’une traite sans vraiment en retenir de moments forts et de « tubes » contrairement à Zeng, ce qui est le reproche qu’on peut lui faire, et d’ailleurs ma préférence va à ce précédent opus mais c’est une question de goûts. Quoi qu’il en soit, Perihelion évolue, change ses équilibrages, cherche encore sa voie peut-être mais ne manque pas de talent, que ce soit pour ce chant toujours aussi délicieux ou pour la mise en place d’une atmosphère dépaysante grâce à de savantes instrumentations et mélodies acoustiques. Pas inoubliable dans l’absolu, Örvény est un joli album reposant, qui n’oublie pas le Metal, mais a choisi de se poser et de se laisser aller. Bref, une belle œuvre de Metal lumineux et enivrant, comme la Hongrie sait si bien en faire.
Tracklist de Örvény :
1. Kihalt Égi Folyosók (5:26)
2. Bolyongó (4:48)
3. Fényt! (5:50)
4. Örvény (6:16)
5. Romokon (7:04)
6. Ébredő Táj (4:37)
7. Bardó (4:10)