Why not ?
Le Prog c'est un peu comme l'équitation, on a de jeunes cavaliers fougueux qui se démarquent mais le haut du tableau est quand même squatté par des hommes d'expérience, ceux qui ont su faire leur place, se faire un nom et surtout progresser au long des années sur le terrain. Alors quand cinq cracks décident de se mettre ensemble pour montrer ce dont ils sont capables, les oreilles des fans sont aux aguets. Mais quand ils lisent la composition du groupe : Portnoy, Bumblefoot, Sheehan, Sherinian et Scott Soto, ce sont leurs sous-vêtements qui rétrécissent d'un coup.
Pour retracer les liens entre les musiciens, il faudrait un grand tableau où on dessinerait beaucoup de flèches entre les noms, on y écrirait des mots qui sonnent bien comme Dream Theater, Winery Dogs, Malmsteen, Guns'N Roses. Mais le point central reste l'hyper-actif Mike Portnoy. Et savoir qu'il est l'instigateur du projet est la promesse d'un certain nombre de choses qui sont la marque de son talent pour la musique mais aussi pour le marketing. Tout d'abord l'image est travaillée, on n'apprend pas à un vieux singe à faire la grimace : les photos débordent de professionnalisme, on oscille entre la pose au naturel dans le studio et la photo promo à l'air grave qui dit « c'est qui les patrons ? ». Puis il y a la communication, on est sûr avec Portnoy d'avoir autant de matière à écouter qu'à lire. On apprend donc pêle-mêle que le nom du groupe est sorti de son téléphone où il note tous les noms qui lui passent par la tête, que Winery Dogs est en sommeil mais pas à l'arrêt et que Sheehan, Portnoy et Sherinian avaient collaboré sur une tournée toute instrumentale, PSMS (le M étant pour Tony Mac Alpine) et que Sons Of Apollo en est le rejeton récent.
Avec tout ce savoir en poche, on appréhende Psychotic Symphony comme l'offrande d'un super-groupe à son super public. Produit par les deux compères Portnoy et Sherinian, Les Del Fuvio Brothers, surnom donné à l'époque Dream Theater, on retrouve un son propre et moderne. Pas de vraies surprises, chaque musicien sait exactement ce qu'il veut entendre sur album et InsideOut leur a donné les moyens pour y arriver. Les fans reconnaîtront donc la touche de leur artiste préféré à la première note.
Et des notes, il y en a, le premier titre God of the Sun, c'est 11 minutes qui vont faire l'article de ce que le groupe sait faire : un Prog Metal musclé et démonstratif. C'est d'ailleurs une impression latente sur tout l'album, Sons of Apollo n'est pas là pour donner dans le moderne, le mélange des genres mais plutôt pour administrer une leçon, rappeler le cadre de ce qu'est une chanson de Metal progressif dans ses sonorités et sa construction. On y retrouve des instrumentaux, les parties exotiques (God of the Sun), des constructions en tiroirs (la chanson est un tout mais on ouvre plein de tiroirs différents et souvent inattendus), des chansons « épiques » même si ce terme est un peu niais. Bref, les patrons sont à l'oeuvre.
D'ailleurs, ce manque de modestie se retrouve dans le nom du dernier titre : Opus Maximus, rien que ça, et sur la pochette, blason royal avec un lion batteur et un aigle claviériste. Ne nous méprenons pas, ce n'est pas un reproche tant le résultat est à la hauteur.
Avec trois titres autour de 10 minutes et le reste autour de 5, ils ont cherché un équilibre entre purs moments Prog, d'autres plus Heavy comme Coming Home où la basse de Sheehan prend une belle place et même des titres presque Hard Rock Glam / FM avec des refrains super sirupeux, bien à l'américaine comme sur Divine Addiction où la voix de Jeff Scott Soto prend toute sa dimension. Le chanteur est par ailleurs imparable et ses refrains époustouflants.
S'il est indéniable que Psychotic Symphony a son lot de moments plaisir pour l'oreille, il faut aussi prévenir l'auditeur qu'il va falloir s'accrocher car dans le Prog, il y a ces moments où le chanteur part boire une bière en coulisses car ses petits camarades vont se la donner sans lui. On sait que Sherinian aime en faire des caisses, comme dans Signs of the Time ou Figaro's Whore, mais là, il a trouvé chaussure à son pied avec Ron Thal, et quand les deux partent dans des successions de soli sur Labyrinth ça groove à mort. On ressent l'effet super-groupe tant ces moments sont mis sur un piédestal avec souvent une mélodie à part, un riff différent du reste du morceau, comme annonciateur de ce morceau de bravoure. Et puis il y a Opus Maximus, 10 minutes sans paroles mais un espace d'expression pour chaque musicien, avec de petit sentiment un peu fou de revenir sur la période Liquid Tension Experiment, projet instrumental et souvent improvisé.
L'effet communion est prépondérant, et il en faut pour écrire un album aussi vite et aussi bien. Chacun a sa place mais reste proche des autres: le chant est souvent partagé et donne des refrains sur deux ou trois niveaux (Coming Home, ou la power ballad Alive), guitares et claviers s'unissent pour donner plus de puissance au son, et c'est à ce moment que l'on revient sur le postulat de départ : l'expérience des musiciens est un facteur essentiel. Vous ne vous sentirez pas désarçonné par le mélange des musiciens mais au contraire vous sentirez ce que l'homogénéité peut donner quand elle est bien faite.
Pour conclure, j'ai pensé au verbe anglais « to school » pour décrire Psychotic Symphony : donner une leçon, à la limite de la fessée, parce que Sons of Apollo ne déçoit pas et comble les attentes des fans. C'est une leçon de musique que tout fan de Prog (Dream Theater, Malmsteen ou encore Symphony X) a envie d'écouter et surtout un rappel des raisons qui ont poussé ces musiciens vers le firmament de leur style (hier ou aujourd'hui peu importe). On voudrait décortiquer chaque morceau tant ils sont riches et variés, de parler de la palette de jeu de Portnoy, reconnaissable entre mille, mais la découverte est importante aussi. Je recommande donc chaudement même si on aurait aimé un peu plus de modestie !
Tracklist
01. God of The Sun (11:11)
02. Coming Home (04:23)
03. Signs of The Time (06:40)
04. Labyrinth (09:11)
05. Alive (05:10)
06. Lost In Oblivion (04:38)
07. Figaro's Whore (01:00)
08. Divine Addiction (04:48)
09. Opus Maximus (10:37)