"On est tous le boomer de quelqu'un d'autre."
L’Espace… une source d’inspiration pour bon nombre d’œuvres culturelles et la musique ne déroge pas à la règle, le Metal en particulier, le Black-Metal en plus particulier encore. On peut bien évidemment parler de Darkspace et de ses nombreux clones mais d’autres ont choisi de faire les choses différemment que d’embrasser la pure noirceur et la violence. C’est le cas du groupe italien Progenie Terrestre Pura, existant depuis 2009 autour de Davide « Eon[0] » Colladon (qui tient la basse chez Urna depuis 2013). Avec comme base un Black-Metal tendance « Post », q[T]p pour les (très) intimes a choisi de voyager à travers le cosmos et les temps, livrant un Black-Metal atmosphérique et cosmique particulièrement futuriste et éthéré, très surprenant et assez original. U.M.A., sorti en 2013, avait alors été une belle claque et une sensationnelle révélation. Taxé de groupe faisant du mélange entre du Black-Metal et du « Psybient » (ce qui pour moi, n’est pas forcément approprié, car si une composante électronique est présente, je ne vois pas où c’est du Psybient…), Progenie Terrestre Pura avait livré il y a 4 ans une œuvre très forte et prenante, dépaysante et envoûtante, bien mise en images spatiales et futuristes par le méconnu mais talentueux illustrateur Alexander « Abalakin » Preuss. 4 ans plus tard, il est temps de voir dans quelles galaxies Progenie Terrestre Pura a voyagé pour nous ramener de nouvelles symphonies. Davide a d’ailleurs changé de commando explorateur, puisque le vocaliste Nex[1] a été remplacé par Emanuele Prandoni (oui, fini les pseudos robotiques) de Anamnesi, Simulacro et Vultur (où il officie en tant que multi-instrumentiste ou… batteur, comme pour Absentia Lunae en Live par ailleurs), et le duo initial devient trio avec l’arrivée du bassiste Fabrizio Sanna (Simulacro itou). Tout ceci pour façonner oltreLuna, un album basé sur un autre projet que Davide devait mener avec Selvans, et où Progenie Terrestre Pura va continuer de surprendre et de jouer les explorateurs musicaux…
La nouvelle (superbe) pochette d’Abalakin devrait donner le ton, et nous emmener à nouveau dans un Black atmo du futur, quand différentes civilisations interstellaires se sont rencontrées et font cause commune. Et pourtant… oltreLuna va assez trancher avec U.M.A., voire franchement. Il reste ce Black-Metal mélodique souvent effréné, mais pour le reste, les ambiances et les instrumentations vont changer. Le chant est déjà différent, plus classique du BM italien, et moins voire plus du tout robotisé. Et les moments très éthérés et stellaires de U.M.A. vont, hélas, disparaître pour laisser place à d’autres aspirations. Progenie Terrestre Pura a donc pas mal changé, et on le constate dès le début de "[.Pianeta.Zero.]", où l’on se fait accueillir par… des percussions tribales. L’aspect metallique de Progenie Terrestre Pura reste le même et on retrouve des riffs typiques de même que les mélodies, mais pour le reste l’exploration musicale est bien plus vaste… On entendra même des violons à la Darkestrah ! Le vaisseau spatial de q[T]p a semble-t-il survolé le Kirghizistan tel Thomas Pesquet dans la SSI. On sent bien dans ces aspirations folkloriques que oltreLuna est effectivement issu d’un projet avec Selvans… Cela peut choquer pour un groupe qui s’était distingué par son aspect particulièrement cosmique, mais étrangement, le charme opère, surtout que l’ensemble reste original, et que riffs comme mélodies demeurent de qualité. Avec "[.subLuce.]" Progenie Terrestre Pura retrouve de toute façon facilement la frénésie Black-Metal qui émaillait certains moments de U.M.A., les violons à la Darkestrah sont encore là (ici accompagnés d’un chant féminin quelque peu oriental) mais restent très bien intégrés et continuent à surprendre, et surtout le groupe italien ne renie pas son passé et continue ici et là à agrémenter son art de quelques incursions électroniques. Mais oltreLuna est un album qui marque sa différence avec son illustre prédécesseur…
Progenie Terrestre Pura continue donc de surprendre avec son Black-Metal finalement difficile à classifier (Atmosphérique ? Ambiant ? Post ? Cosmique ? Folk ? Avant-gardiste ?), c’est ainsi que "[.oltreLuna.]" démarre avec de nouvelles percussions tribales et du throat singing… avant que des flûtiaux ne débarquent. C’est dit, plutôt que d’explorer la galaxie, q[T]p semble surtout avoir fait le tour de la Terre cette fois, en s’arrêtant dans des coins exotiques. Pour le reste, le BM plutôt blastant est toujours de mise, ce morceau est même finalement très dur, mais émaillé de nombreux breaks atmosphériques ou plus mélodiques, et puisque Progenie Terrestre Pura est déterminé à surprendre, il va continuer sa démarche en terminant ce morceau-titre central par… un passage fortement connoté Dubstep. Oui, et hélas, le trio italien ne recule devant rien, malheureusement pour moi j’ai le Dubstep en horreur et je vais avoir du mal à être objectif, si cela remet en avant le côté futuriste de la musique du groupe, ce genre de « wwt wwt wwt » n’était peut-être pas nécessaire. Heureusement, Progenie Terrestre Pura va presque revenir à ses fondamentaux avec "[.Deus.Est.Machina.]", morceau le plus proche de ce qui était fait sur U.M.A., on le constate dès le début électro-cosmique et ensuite les synthés électro se taillent la part du lion, l’ambiance résolument futuriste est de retour, et pour couronner le tout les compos sont très bonnes. Progenie Terrestre Pura est particulièrement inventif sur oltreLuna, et le très foisonnant et fleuve "[.Proxima:B.]" de clôture va encore le démontrer : après un départ très éthéré et mélodique, le groupe joue avec les rythmes et les atmosphères, passant de moments cosmiques et épiques à des riffs plus durs, limite Indus. Les compos sont encore à l’unisson mais nous aurons encore le droit à un break Dubstep discutable (accompagné de riffs graisseux bizarroïdes), heureusement contrebalancé par des breaks plus acoustiques savoureux, de même que l’outro assez magnifique.
oltreLuna n’est donc pas un album facile à aborder et à digérer. Sa richesse parle pour lui, les détails sont nombreux, et le groupe est allé bien plus loin que U.M.A., a poussé bien plus loin que prévu ses explorations musicales. Il sera donc difficile de jeter la pierre à Progenie Terrestre Pura même si certains moments paraissent incongrus et discutables, décalés ou évitables. Il est donc également difficile de passer après U.M.A., qui avait une ambiance futuriste assez singulière que l’on ne retrouvera pas sur oltreLuna, ou partiellement seulement. L’art du groupe italien reste reconnaissable sur certains points mais beaucoup de choses ont changé, pas en bien ni en mal, juste du changement. Je préférais tout de même beaucoup de choses de U.M.A., ne serait-ce que le chant de Nex[1] qui participait beaucoup à l’ambiance si éthérée de ce disque, et bien sûr les atmosphères futuristes inoubliables qui faisaient la force de cet excellent album. Progenie Terrestre Pura reste en forme, les compos purement Metal de oltreLuna sont bonnes, et même si l’intégration de certains éléments reste inattendue, l’ensemble est tout de même réussi. Reste plus qu’à juger l’adhésion de chacun à ce melting-pot quasi avant-gardiste où le Black-Metal atmosphérique et ambiant côtoie aussi bien le Folk et l’électro stellaire que le Dubstep et le tribal. Difficile, donc, d’adhérer à 100% à oltreLuna qui est parfois un peu trop « barré », même si l’ensemble est finalement très cohérent. On ne saura jamais si oltreLuna est un « véritable » album de Progenie Terrestre Pura quand on sait qu’il aurait du servir, probablement en partie seulement, à un autre projet et on le remarque facilement, toujours est-il que U.M.A. reste meilleur mais le propos n’est plus le même sur pas mal de points… En tout cas, à l’image des illustrations SF qui donnent toujours un cachet visuel très remarquable à Progenie Terrestre Pura, oltreLuna est une expérience, et niveau expérience dépaysante et déroutante q[T]p sait y faire…
Tracklist de oltreLuna :
1. [.Pianeta.Zero.] (7:57)
2. [.subLuce.] (8:11)
3. [.oltreLuna.] (11:35)
4. [.Deus.Est.Machina.] (12:28)
5. [.Proxima:B.] (15:19)