"On est tous le boomer de quelqu'un d'autre."
Pas besoin d’être en Australie pour faire du « Aussie » Black/Thrash… c’est le message que semble nous faire passer S. Vrath, musicien d’origine finlandaise basé à Londres. Loin, très loin de Melbourne, le guitariste/vocaliste répand la science de Deströyer 666, Gospel Of The Horns, Nocturnal Graves et consorts. Si Razor Of Occam, australien d’origine puis européen d’adoption, s’y était déjà essayé, Scythian et Craven Idol ont poursuivi cet effort, soit les deux groupes menés par Vrath (avec également Crom Dubh). Si le premier utilisait les influences de Bathory pour livrer un Black/Thrash bien épique notamment mis en exergue par le fantastique To Those Who Stand Against Us… (2009), le second lui œuvre dans un registre plus tranchant et efficace. Souvent comparé à Nifelheim, Craven Idol est plus proche d’un Absu, en moins ésotérique mais tout aussi énergique et incisif. Un premier album sorti en 2013, Towards Eschaton, avait alors montré de quel bois se chauffe le quatuor de Vrath, qui officie ici sous le pseudo bien ivôl « Immolator of Sadistic Wrath ». Un très bon album d’Absu-Metal croisé aux fameuses influences australiennes qui attendait une suite à la hauteur. Et alors que Scythian était revenu en 2015 avec Hubris In Excelsis, Craven Idol continue à évoluer en parallèle, et voici son second full-length, The Shackles Of Mammon.
Pas de surprise donc aux premières écoutes de ce nouveau méfait, on a toujours affaire à un skeud de Black/Thrash bien furieux mais aussi enlevé, entre forcément Deströyer 666 et ses comparses, Absu, bon nombre de formations reconnues de Black/Thrash bien que pas nécessairement le versant le plus « primitif » de la scène, et aussi Bathory que ça soit pour la période Black ou ses soubresauts plus épiques. D’ailleurs The Shackles Of Mammon s’avère un poil plus épique que son prédécesseur, se rapprochant en cela de Scythian. Des chœurs et des envolées mélodiques se font bien vite remarquer, dès un morceau comme "A Ripping Strike" avec son départ bien enlevé, et ensuite au sein bien sûr des pièces longue-durée que sont "The Trudge" et le final "Tottering Cities of Men". Mais si les mélodies se font bien évidemment souvent entendre de même que les nombreux solos inhérents au style pratiqué, le fonds de commerce de Craven Idol reste toujours un Black/Thrash assez tranchant, rapide et furieux. Difficile de ne pas remarquer dans quelle école on se situe dès le départ de l’album avec le court et agressif "Pyromancer", avec ce côté déglingué qui fait aussi le charme du genre. Craven Idol sait quand il faut sortir les riffs, cela nous donnera comme point d’orgue l’excellent "Black Flame Divination", qui a tout du bon tube bien efficace de Black/Thrash « à l’australienne ».
Craven Idol déroule donc ici trois quarts d’heure de son Black/Thrash rythmé et épique. La question à se poser reste de savoir si le groupe fait ici mieux que Towards Eschaton et hélas, la réponse sera non. The Shackles Of Mammon s’avère malheureusement assez inférieur à son prédécesseur que ça soit dans le fond et dans la forme. La production est moins mordante, le chant moins hargneux et les compos ne sont pas foncièrement inspirées, on se rend compte dès "A Ripping Strike" que Craven Idol, s’il sait rester incisif, est tout de même un peu en roue libre. La seconde partie de l’album s’avère donc assez convenue et longuette ("Dashed to Death", "Mammon Est"), on retrouve encore quelques riffs sympa sur "Hunger" mais le bilan n’est pas énorme, prouvant aussi qu’un album du genre ne devrait pas dépasser les 40 minutes histoire de ne pas lasser bien vite, à moins de vraiment multiplier les passages épiques ce que Craven Idol n’a pas choisi de faire (logique, il y a Scythian pour ça). Ça me désole de le dire mais Vrath semble en perte d’énergie créatrice, c’était déjà le cas pour le second album de Scythian bien en-dessous du premier, et ce nouvel album de Craven Idol ne fait que confirmer la tendance. Tout est relatif et malgré tout, The Shackles Of Mammon reste un album tout à fait correct de Black/Thrash de l’école australienne avec une petite tendance épique. Mais son leader a fait mieux, et les groupes dont il s’inspire aussi, même si on attendait pas que Craven Idol atteigne si facilement le niveau d’un Deströyer 666. The Shackles Of Mammon se laisse écouter et fait parfois du bien là où il passe en plus de nous faire voyager un peu avec chœurs et mélodies, mais penchez-vous surtout sur Towards Eschaton et aussi le premier album de Scythian si ce n’est pas déjà fait. En attendant aussi, et il serait temps, du neuf de la part d’Absu…
Tracklist de The Shackles Of Mammon :
1. Pyromancer (2:33)
2. A Ripping Strike (5:23)
3. Black Flame Divination (3:41)
4. The Trudge (7:45)
5. Dashed to Death (5:54)
6. Mammon Est (5:16)
7. Hunger (5:56)
8. Tottering Cities of Men (8:37)