Khors + Selvans + Antilife @ Roulers
De Verlichte Geest - Roulers
Le Max de l'ombre. 29 ans. Rédacteur en chef de Horns Up (2015-2020) / Fondateur de Heavy / Thrash Nostalmania (2013)
Dans un premier temps prévue à Lille, cette date a été déplacée en début d'année en Flandre belge. La commune de Roulers, au cœur de la Flandre occidentale, accueille donc les Ukrainiens de Khors et les Italiens de Selvans en pleine (mini) tournée. Une première en Belgique pour les deux groupes qui ne tarderont pas à découvrir notre fameux temps à la belge. La pluie est en effet au rendez-vous ce jeudi soir pour cette sixième date des Ragnard Winter Nights.
C'est une première aussi pour l'asso Ondes Noires basée à Lille qui organise en dehors de ses bases et a investi pour l'occasion De Verlichte Geest ("l'esprit éclairé" en néerlandais). Un café-concert vraiment typique dans lequel je ne m'étais jamais rendu auparavant et que j'imagine pouvoir contenir une centaine de personnes maximum. Autant le dire tout de suite, ce ne sera pas le cas ce soir où nous sommes tout au plus une cinquantaine à avoir fait le déplacement.
Khors a beau avoir sorti six albums depuis 2004 et jouir d'une certaine popularité en Europe de l'Est, ça ne fait que depuis quelques années qu'ils s'efforcent de se produire plus à l'Ouest, notamment en France avec des prestations au Motocultor et au Ragnard Rock. J'en reparlerai plus tard mais penchons nous d'abord sur le premier groupe de la soirée, Antilife.
ANTILIFE
Nostalmaniac : Antilife est le nouveau projet emmené par le vocaliste Psycho, bien connu dans la scène Black Metal nordiste. Et autant dire que je n'ai jamais vraiment été convaincu par ses autres projets, à savoir Hats Barn et Balaam. Néanmoins, ce nouveau projet semble plus construit, grâce notamment à la présence d'un batteur (Hats Barn utilise une boite à rythme sur scène), Haine. Celui-ci officie d'ailleurs dans le très prometteur projet Black atmosphérique Verlies.
Antilife propose un Black Metal dépressif sans compromis. Psycho, plutôt imposant, ne fait pas semblant et donne tout au long du set quelques leçons d'auto-destruction et de haine. L'attitude est totalement malsaine surtout avec ces organes suspendus qui servent de décor macabre. Plutôt réussi. Musicalement, c'est plus compliqué. Je n'arrive pas rentrer dedans tout simplement même si je trouve l'ensemble plutôt cohérent, dans la veine d'un Silencer ou d'un Sterbend. Les cris suraigus d'inspiration psychiatrique n'arrivent pas à me faire plus d'effet même si je ressens le mal-être avec ces protagonistes baptisés de sang. Il n'y aura que la reprise de Burzum ("Dunkelheit") qui réussira à m'emballer en fin de set. À leur décharge, le son était vraiment atroce ce soir...
Schifeul : Pour raison de Martine Aubry, parfois, c'est la dèche de salle sur Lille. Ondes Noires décide donc de tenter l'aventure de la délocalisation et prend place au De Verlichte Geest à Roulers, Belgique pour organiser la date "au Nord de Paris" de la tournée réunissant Selvans et Khors. C'est Antilife qui ouvre le bal et fait déjà forte impression sans même être entré sur scène avec son décorum de scène à base d'os et de poumons d'animaux, pendant à des crochets de bouchers sur une barre à penderie. Ca fait son petit effet, à en voir un des membres de Khors, amusé, prendre les ornements scéniques en photo.
Mais dès les première notes de Worms, l’amusement est terminé, car Antilife va plonger la salle dans un aura de dépression et de misanthropie palpable, avec un concert plus proche du rituel que du spectacle comme lorsque Psycho apporte à ses lèvres un crâne empli de sang. Sur scène ça se frappe ou se mutile, porté par un Psycho totalement possédé et au chant halluciné. Ainsi, Antilife va imposer sa vision du Black Metal. Mais se reposer sur ce genre d'artifice est inutile si on a pas une musique qui tient la route derrière. En jouant son album en intégralité et dans l'ordre, Antilife a démontré qu'il avait plus que le visuel à proposer en alternant passages lents et mélancoliques et titres démontrant une violence sèche, comme l'on passe de phases de tristesse absolue à une colère démente.
Shoot in My Fucking Skull restera un des moments forts du set, qui verra Psycho jouer avec son flingue jusqu’à l’apothéose du morceau ou il tirera vers le public. Bon bien sûr ça tire à blanc, mais voir les douilles sauter et rebondir sur scène apporte toujours un petit cachet. Puis cela à suffit à certain d’avoir un petit moment de panique, gageons même que ça a fait sursauter le chanteur de Selvans qui se lissait les cheveux backstage. Heureusement qu’il ne s’est pas brûlé les doigts !
Alors que les dernières notes de Praise Me, Worship Satan trainent encore dans l’air, Psycho quitte la scène et Haine se lève de derrière sa batterie avec de se jeter dans le public afin de voir si celui ci a plus de répondant en se faisant secouer au sens propre. On pense alors le set terminé, mais les musiciens reprennent les instruments pour nous interpréter une excellente reprise de Dunkelheit de Burzum, à la place du traditionnel Death - Pierce Me de Silencer. Le groupe n’apporte que peu de changement par rapport à la compo originale, mais la lenteur et le côté lancinant des riffs font que le titre colle parfaitement à Antilife et permet de clore parfaitement ce concert de haute volée. Alors, il y a bien eu des soucis de larsens qui sont venus entacher la prestation, mais malgré cela, le show proposé a suffit pour rendre le reste de la soirée plus fade.
Set list :
Worms
Bad Day
Welcome to My (ANTI)Life
Life Is Pain
Light Will Take Us All
Shoot in My Fucking Skull
Praise Me, Worship Satan
Dunkelheit (Burzum cover)
SELVANS
Nostalmaniac : Voilà la raison principale de mon déplacement. Leur concert au Ragnard Rock Fest 2016 m'avait vraiment beaucoup plu malgré le soleil de plomb ce jour-là. Forcément, ce soir j'imagine leur Black Metal folklorique et atmosphérique prendre toute sa dimension avec les conditions "indoor". Alors que le chanteur, Selvans Haruspex, entre sur scène affublé d'un masque de loup, le set des Italiens débute avec "Lupercale" tiré de l'EP « Clangores Plenilunio » (2015). Malheureusement, le son est (encore) mauvais d'entrée. Ce qui est vraiment facheux quand on sait que Selvans utilise principalement des samples et que les baffles crachent. En outre, la voix du frontman masqué est totalement noyée dans le mix et on sent que le son restera malheureusement le gros point noir de la soirée. Tant pis, ça ne déstabilise pas le groupe et Selvans Haruspex/Luca réussi à faire oublier ces couacs grâce à une présence scénique impeccable et beaucoup d'énergie. Il n'hésite pas, par exemple, à haranguer le public et à jouer de son regard malsain et pénétrant une fois le masque enlevée. Nous aurons droit à "seulement" deux titres de l'album « Lupercalia » mais quels titres : "Hirpi Sorani" et "O Clitumne!". Envoutants et executés avec tellement de conviction. Un Black Metal qui fait cohabiter à merveille des élements atmosphériques et folkoriques. Cette fameuse sorte de flûte traditionelle très utilisée qui renforce l'identité du groupe (même si c'est en sample) en plus de la bouteille de vin ... italien au pied de la batterie. Même si les autres musiciens sont assez statiques sur cette petite scène, le frontman fait le show à lui tout seul. Pas de reprise de Nokturnal Mortum comme au RRF mais l'intensité monte d'un cran avec "Pater Surgens". Un long titre magnifique issu de la collaboration avec Downfall of Nur. J'adore le côté dramatique qui parcourt ce morceau qui bénéficie d'une version live captivante. D'autant plus quand Selvans Haruspex s'empare du tambour et des ossements qui servent de baguettes pour donner les derniers coups d'une performance mémorable. Selvans est plus que jamais sur les bons rails et je ne serais pas surpris de les voir monter très rapidement. Aussi, j'ai pu m'entretenir avec l'homme au masque de loup...
Setlist :
Lupercale
Hirpi Sorani
O Clitumne!
Clangores Plenilunio
Pater Surgens
KHORS
Nostalmaniac : Comme je le disais en introduction, les Ukrainiens de Khors s'efforcent depuis quelques temps de se faire un nom dans nos contrées et de s'affranchir des ambiguïtés qu'on leur prête. Au Ragnard Rock Fest, j'étais mitigé sur leur performance que je trouvais sans reliefs. Le groupe n'étant peut-être pas taillé pour une grosse scène, je les imaginais plus à l'aise en indoor. Après une balance qui semblait correcte, Khors démarre avec une bouillie sonore infâme. Après quelques morceaux (où on entendra même en fond ... un métronome), le vocaliste/guitariste Jurgis semble s'en rendre compte et interrompt froidement le set en demandant à l'ingé son de venir. Après quelques réglages, c'est légèrement mieux, mais on entend toujours ce métronome et les samples sont vraiment gachés par les baffles en fin de vie (ou serait-ce l'ingé son ?). On a du mal à reconnaître les morceaux et à rentrer dans le set. Alors il y a bien quelques titres que j'adore comme "Asgard's Shining" ou "My Cossack Way" mais tout sonne faux ce soir. Si Selvans a pu faire oublier/digérer ces problèmes grâce à un frontman démonstratif et énergique, ce n'est pas le cas de Khors. Jurgis est très froid, distant et se contente de quelques "Merci beaucoup". Si ça passe dans Nokturnal Mortum où il n'est pas le centre de l'attention, ça me parait plus difficile ici. De plus, on le sent fortement agacé, conscient du petit désastre qui se déroule et ce ne sera pas étonnant de voir le concert se terminer de manière expéditive (comme ce report ?). Pas de rappel évidemment. Un Khors sans éclat qui donne une fin de soirée bien mitigée. Dommage.
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Merci à Ondes Noires.