"Les vrais savent, les vrais font".
S'il y a deux frères ennemis dans la grande famille du Rock n’Roll, c’est assurément le Punk et le Metal. Parfois farouchement déterminés à s’opposer l’un à l’autre en se jetant des saloperies au visage, ils se sont aussi rencontrés à certains endroits, donnant lieu à plusieurs sous-genres particulièrement chargés en énergie comme le Crossover, le Grindcore ou le Crustcore. L’influence du Punk sur le Metal (et inversement) a tellement engendré de courants qu’il est difficile de déterminer où commence l’un et où s’arrête l’autre. Certains groupes très Metal ont des attitudes Punk quand certains keupons étoffent leur compositions d’apparats metalliques variés. La musique extrême, et le Black Metal en particulier, doivent beaucoup au Punk Rock et au Hardcore. L’assument-ils toujours ? Pas systématiquement de manière très claire il faut le reconnaître, certains artistes camouflant soigneusement leurs véritables influences pour afficher des racines conventionnelles, labélisées par les érudits musicaux de tous poils. Du coup, on ne va pas rechigner à plonger le perfecto dans la pisse et la bière histoire de voir ce qu’il sent après n’est-ce pas ?
L’auteur du livre, Pierre Avril, est un passionné de Punk et de Metal depuis de nombreuses années (une interview est disponible sur Horns Up). Il se propose sur les 500 pages de « Punk et Metal : Les liaisons dangereuses » d’analyser 40 ans de confrontations et de copulations plus ou moins consentantes entre les deux vieux matous. Avril revient donc sur les éléments chronologiques fondateurs du Metal et du Punk, en faisant des liens entre l’influence mutuelle qu’ils ont eut l’un sur l’autre. Pour que nous puissions comprendre comment les ponts ont pu se construire entre les deux styles, il dresse le portrait et la discographie des groupes « Crossover », revient sur l’histoire de plusieurs groupes cultes et finit par les monuments borderline. Et c’est là que ça devient intéressant, car des groupes sans drapeaux qui ont joué aux migrants de la musique, le Metal et le Punk en comptent un bon paquet. De manière non exhaustive le livre nous parle donc de Celtic Frost, G.G. Alin, Discharge, Bathory, The Exploited, Napalm Death, Chaos UK, Venom, Anal Cunt, Black Flag, Motörhead, Bad Brains et beaucoup, beaucoup d’autres. Du Punk anglais au Hardcore américain et du War Metal au Thrash Metal, on navigue entre les nombreuses vagues qu’ont pu prendre les deux styles.
Souvent très fan des combos dont il parle, Pierre Avril déploie un arsenal de termes dithyrambiques pour décrire ce qu’il aime et finit par perdre en impact tant cela se répète au fil des pages et des chapitres. C'est un problème difficile à éviter quand on parle de ce qu’on aime et niveau passion, on ne pourra pas reprocher à Avril d'en manquer !
Il décortique au scalpel ce que la substantielle moëlle de ces groupes a eu de particulier et fondateur dans le lien Punk/Metal en n'oubliant pas, bien entendu, de souligner l’influence de combos méconnus et pourtant piliers de cette mélasse. D’intéressant, le sujet devient passionnant quand on quitte les chemins balisés pour aller fouiner dans les archives des 80’s où tout était encore à construire et à défricher. Certaines anecdotes nous rappellent combien la rivalité entre le public Punk et Metal s’exprimait dans la violence et combien le Crossover s’est créé sur fond de bagarres générales et de pogos qui dégénéraient. Intéressant aussi de remarquer en activant la machine à voyager le temps que le courant alternatif a toujours été plus fermé et élitiste que le Metal. Quand on regarde au cours des 30 dernières années, on s’aperçoit que le Metal s’est quand même beaucoup acoquiné avec d’autres styles musicaux pour créer des sous-genres parfois très novateurs ou parfois largement dispensables.
J’ai vraiment pris du plaisir à lire ce bouquin, trouvant même quelques « nouveaux-vieux » combos keupon à me mettre sous la dent. Un peu comme l’auteur, j’écoutais du Metal tout en évoluant dans un contexte Punk et j’ai toujours eu l’impression que la limite qui séparait les deux styles était plus une question d’image et de territorialité que de réelles frontières musicales. L’histoire a depuis parlé, et les deux styles sont désormais beaucoup moins à couteaux tirés qu’il y a 30 ans.
Précisons en outre que le bouquin propose une interview de Diapsiquir et une nouvelle originale qui narre via ses héros une histoire qui fait écho à la thématique générale. A conseiller à tous ceux qui veulent creuser ou aborder cette thématique passionnante.