Depuis les premiers Darkspace, le Black Metal dit « Astral » est quelque peu devenu un style à part entière, avec selon moi davantage d’échecs que de réussites. Bon nombre de « bedroom projects » ont fleuri ci et là, en tombant dans la facilité de tout baser sur des claviers, reléguant le Black Metal à un plan très secondaire, pour finalement proposer des morceaux mielleux et mous au possible (je pense à Lustre et tous les clones qui ont suivi).
Loin de tout ce fantasme d’un univers magnifié et accueillant, est née une étrange entité répondant au nom de Sphère. Telle une lointaine étoile scintillant dans le ciel nocturne terrestre, beaucoup de mystère entoure ce projet, dont on ne connaît ni l’origine, ni le (ou les) membre(s). On ne peut que supposer qu’il s’agisse d’une one-man-band français, puisque les titres sont en langue de Molière et que généralement ce registre est l’œuvre d’une seule et même tête pensante.
En tout état de cause, la volonté de Sphère n’est pas d’attirer l’attention sur elle, puisque cette première réalisation est sortie en format cassette, limitée à cinquante exemplaires, chez Les Créations Clandestines, sous-division de l’excellent label France d’Oïl Productions. Pour autant, bienheureux seront les possesseurs privilégiés de l’objet, tant celui-ci renferme une musique d’une grande qualité.
Dès les premières secondes, on quitte la gravité terrestre pour se retrouver au beau milieu de nulle part, point de départ d’un voyage sans retour, qui transporte l’auditeur dans les recoins hostiles de notre univers. Hostile oui, l’ambiance est indéniablement sombre et énigmatique, forgée par une production volontairement rugueuse, difficile d’accès, « raw » comme on dit dans le jargon, avec un clavier tout en sobriété, donnant malgré tout toute la dimension cosmique à l’œuvre, par ses sonorités à la fois cristallines et mystérieuses. La voix s’intègre également parfaitement à l’ensemble, en étant toutefois assez en retrait, pour mieux hanter les compositions, et dont le timbre rappelle celui de Famine, période Macabre Transcendance, torturé et froid.
Le morceau le plus représentatif et le plus intense émotionnellement parlant est sans nul doute « Les vents stellaires », tant les mélodies sont profondément aériennes et transcendantales, avec cette guitare mise en avant et ces nappes de synthé éthéré. Certes clichées, mais défilent en moi des images d’un vortex interstellaire parcouru à la vitesse de la lumière, beau et menaçant à la fois. Le genre de musique qui se vit et se ressent avec les tripes. Je pourrais également citer le final de « Echos d’un astre mourant », avec son côté mid-tempo et la mise en avant du clavier évoque un aspect contemplatif, cette sensation d’Ailleurs, si magnifique…
Quelques mots concernant l’artwork (oui, cela existe aussi pour les cassettes). Il est à l’image des profondeurs astrales, c’est-à-dire sombre, mais avec l’originalité qu’une fois déplié, il dessine un disque, métaphore d’une planète, en lien avec le concept. Il renferme en son sein un dépliant où figurent un visage d’alien et la gravure de ce que j’imagine être la représentation imagée de la musique de Sphère, où s’enchevêtrent astéroïdes, anneaux planétaires et astres dont la surface n’augure rien de bon : l’hostilité dont je parlais plus haut. Plus personnel, on y trouve également un message de l’auteur à destination de la scène actuelle, dont je vous cite un extrait faisant directement référence à mon introduction : « Fuck clean, warm, enchanted synthetic space black metal ». Voilà qui est dit.
Œuvre aussi surprenante qu’inattendue, La Symphonie des Sphères propose pendant plus d’une heure une immersion cosmique emplie de sincérité et de dévotion, qui s’offrira à quiconque prendra la peine de pénétrer dans ce monde. A classer entre la démo éponyme de Paysage d’Hiver et l’album d’Ethere.
Tracklist :
Face A :
Prélude
La symphonie des sphères
Echos d’un astre mourant
Face B :
Les vents stellaires
Eruption
Postlude