Rares sont les albums que j'ai attendus aussi longtemps que ce dernier Mithras. En effet, depuis Behind Shadows lie Madness, le dernier vrai opus des Anglais datant de 2007, le manque de signes de vie des british m'attristait. En dehors de l'ep Time Never Lasts, sorti en 2011 et ne comportant que deux nouveaux titres, le groupe était aux abonnés absents.
Maigre consolation pour un des rares groupes du Brutal Death à avoir un son unique et repérable entre mille, laissant depuis sa place à de pauvres groupes de Deathcore pour méchus qui se contentent de poser trois lignes ambiance ushuaïa durant un solo … Je m'arrête là, on va encore dire que je ne suis pas assez objectif.
De nombreux changements de line-up, des passages de Leon Macey dans quelques groupes (Contrarian, Sarpanitum et The Senseless) et les centaines de retouches auront entravé la sortie d'On Strange Loops. Rayner Coss revient dans le groupe peu après mais se fait virer à la fin de l'enregistrement. Mithras, donc, après un long chemin de croix, revient d'entre les morts de la décennie précédente. Mais l'album est enfin là et le moins que je puisse vous dire, c'est qu'il dépasse mes espoirs les plus fous. Neuf ans d'attente, ça fait long. Tellement long que je n'y croyais plus.
Qu'on soit bien clair, le son n'a pas énormément évolué. Mithras fait toujours du Mithras. Les riffs ont toujours cet arrière-goût d'Azagthoth et certains patterns et breaks rappellent le jeu de Sandoval. Mais la comparaison avec Morbid Angel s'arrête là. Mithras a su avec les années développer un style personnel et ce dès World Beyond the Veil. Délaissant très vite la mythologie pour se tourner vers des thèmes plus spatiaux. Le groupe a cette patte particulière, se prêtant mieux au voyage auditif et aux atmosphères cosmiques tout en gardant une vitesse de jeu impressionnante et une technique irréprochable.
Si Behind Shadows lie Madness était l'album le plus direct du combo, privilégiant l'attaque et reléguant les moments ambiant au rang d'interludes, On Strange Loops est son l'album le plus nuancé. Rarement un groupe de Brutal Death n'a aussi bien réussi que Mithras à amener cette sensation de voyage spatial et de contemplation. Sensation qui ressort autant durant une phase de blasts sur une lead magistrale exemplaire que sur un break clair, tout en ambiances. Si bien qu'il devient difficile de cantonner Mithras au Death Metal.
Parler des morceaux en eux-mêmes serait inutile car chacun est une perle et possède ce petit quelque chose qui le démarque, mais si on devait n'en retenir qu'un, ce serait le titre éponyme. On Strange Loops est en effet le morceau le plus varié et recherché de l'album. Tout aussi intelligemment construit que le reste de la tracklist, il réussit à résumer ce nouveau brûlot tout en se distinguant du reste du disque. L'intégration des deux morceaux de Time Never Lasts est réussi et donne enfin un sens à la fin noisy d'Inside the Godmind.
Comme à son habitude chez le duo britannique, les éléments techniques et les blasts sont légion, joués à une vitesse que ne renierait pas Origin, sans pour autant donner ce côté over-the-top-brvtol-130-notes/riff qu'on retrouve chez tant d'autres. La technique sert la musique et ne tombe jamais dans la débauche de démonstrations stériles. Non ici, tout est question de feeling, d'atmosphères, d'évolution et de montées en puissance. Les blasts ne sont pas là dans le but d'être agressifs, mais plutôt comme de "simples" rythmiques soutenant les nombreux arrangements qui surgissent au fur et à mesure de l'album.
On Strange Loops regorge tellement de détails qu'il faut bien plus que quelques écoutes pour apprivoiser la bestiole. Les titres sont réfléchis et bien fichus (bon en même temps, 9 ans d'écriture, ça aide), le travail sur les ambiances est admirable et certaines mélodies sont plus envoûtantes que sur l'album précédent.
Aidé par une production moins boueuse que World Beyond the Veil et une tracklist plus hétérogène que Behind Shadows lie Madness, On Strange Loops fait figure de chef d'oeuvre des anglais. L'album n'aura sûrement pas l'impact qu'avait eu ses prédecesseurs à leur sortie, mais il a de quoi marquer durablement les gens qui y tendraient une oreille, ne serait-ce que par curiosité pour l'ovni du Death Metal que reste Mithras.
Tracklist:
01. Why Do We Live?
02. When The Stars Align
03. The Statue On The Island
04. Part The Ways
05. Odyssey's End
06. Howling Of The Distant Spaces
07. Between Scylla And Charybdis
08. Time Never Lasts
09. The Last Redoubt
10. Inside The Godmind
11. The Outer Dark
12. On Strange Loops